Dans l'histoire de la résistance de La Casbah à l'oppresseur, dans ce haut lieu de militantisme, il est des faits qui restent gravés à jamais dans les mémoires.Ces faits, ce sont des hommes pleins de foi et de détermination qui les ont accomplis à leur corps défendant. Ceux qui ont survécu gardent les séquelles des sacrifices consentis. Certains ont franchi le pas en consignant «leur» histoire et leur parcours. D'autres n'ont pu le faire pour des raisons qui les concernent. Ceux-là, les «oubliés», ou les anonymes, ont préféré se retirer l'indépendance acquise, considérant que le devoir sacré pour lequel ils s'étaient dévoués n'avait plus sa raison d'être, puisque le plus bel acquis, la liberté était là et bien là. Ces «oubliés» sortent de l'ombre grâce aux témoignages de leurs pairs qui leur rendent les hommages qui leur sont dus. Ainsi, le moudjahid Rachid Ferhaoui, militant de la Zone autonome, n'a pas manqué dans son ouvrage autobiographique de mettre en lumière que «ces moudjahidine dont la majorité venaient juste de dépasser le cap de l'adolescence, mais étaient conscients de la lourde mission qui était la leur» sont légion, comme la famille Cherouati qui, malgré les périls, s'est montrée héroïque, à l'image de Noureddine Cherouati, dont le parcours est édifiant ! Frère aîné de «Lyes Soustara», ancien condamné à mort. Natif de La Casbah le 3 février 1930, Noureddine a grandi à la rue de la Marine et à Djamaâ lihoud. Il a fait l'école de la rue du Divan et Sarrouy. Mais c'est le monde du travail qui le happe alors qu'il entre à peine dans l'adolescence. Il apprend la mécanique, puis devient routier et effectue de longs trajets comme convoyeur. Mais avant ces péripéties, il fait la connaissance de la Maison de redressement de Birkhadem, où il est consigné pour «chapardage». «C'est là que j'ai connu mon ami Saïd Touati, que Dieu ait son âme». Ils activent ensemble dans le giron de la jeunesse du MTLD, dont la section de quartier a été confiée par Krim Belkacem à Basta. Imprégné de l'idéal révolutionnaire, Noureddine prendra part aux multiples actions déclenchées dès 1955, comme par exemple l'attentat contre le policer Lazib, avec Rabah, Kab et d'autres… Après l'accrochage de Tiberguent, dans l'Atlas blidéen, Noureddine est arrêté avec une dizaine de ses compagnons. Il fera les prisons de Damiete, de Blida, de Cherchell, de Gouraya, d'Orléansville et de Paul Cazelles. «C'est dans cette dernière prison que j'ai rencontré Mahmoud Henni et Mahdi Ben Kanoun». En évoquant ses souvenirs, Noureddine fait savoir qu'il habitait la même demeure que le moudjahid Bibounia et que Ali la Pointe était son ami de jeunesse. «Ce n'était pas un proxénète, comme l'ont écrit certains malintentionnés, c'était un homme déterminé. Quant à ses camarades, Letabi et Kab, guillotinés, il leur voue respect et admiration et prie Dieu, à l'instar de tous les chouhada de les accepter dans Son Vaste Paradis.» Noureddine évoque avec émotion les horreurs de la guerre, les tortures qui ont mis à nu les atrocités de la soldatesque coloniale. Il citera les frères Brakni, morts les armes à la main à Boussenan, près de Miliana, lors d'un accrochage et dont les corps ont été brûlés par les paras ! L'éveil de Noureddine à la conscience nationale s'est fait naturellement, presque mécaniquement «du fait des exactions, de l'attitude discriminatoire et raciste des occupants dont le mépris à l'égard de la population ‘‘indigène'' était révoltant». Noureddine a activé avec Baghdad le «Chinois» qui avait le contrôle des groupes et était le cerveau des attentats. Ces groupes comptaient aussi des sportifs, comme le boxeur Zerfaoui ou le footballeur Hahad. Parmi les regrets de Nourdine, la grève des 8 jours qui a été, selon lui, une «catastrophe». A deux jours, c'était possible, mais la durée nous a complètement coupé les jambes. La preuve, toute la Zone autonome a été démantelée. Noureddine évoquera l'attentat du bar de Joinville, et d'autres faits qu'il contera avec moult détails, en mettant en évidence leurs auteurs, comme Saïd Touati, Saïd la lavette, Saïd le balafré ou encore Saïd salamalikoum ou la bombe du stade d'El Biar et le courage inouï de Baya Hocine. A l'indépendance, et après un court intermède au sein de la police nationale, qu'il a quittée «parce que je voyais des choses qui ne me plaisaient pas et qui ressemblaient aux pratiques que nous avions vécues dans notre chair», Noureddine trouve un boulot en tant que chauffeur au TNA que dirigeait son ami Mohamed Boudia. Il exerce par la suite à la SNIC, aux transports, avant de prendre sa retraite en 1982. Tout en s'occupant de la kasma FLN de La Casbah. Noureddine vit à Alger entouré de l'affection des siens.