Au centre national de recherche et de développement de la pêche et de l'aquaculture (CNRDPA), des chercheurs s'attellent à la recherche d'une nouvelle ressource inattendue et prometteuse, en l'occurrence, les algues. Ces espèces marines, qui demeurent inexploitables, constituent une autre forme de biomasse à la quête d'une reconnaissance à sa juste valeur. Depuis que l'être humain a entériné le développement durable comme une issue salvatrice et incontournable pour se libérer de l'emprise des énergies fossiles, les recherches s'accroissent et s'amplifient pour développer des énergies renouvelables. Dès sa confirmation, cette tendance a été adoptée depuis quelques années afin de concourir les énergies fossiles et rectifier les problèmes environnementaux. Au nombre de certaines ressources alternatives, l'exploitation des ressources algales semble gagner du terrain. Mais le gisement d'algues est-il assez valorisé ? Avons-nous une connaissance approfondie de ces végétaux marins ? Benfares Redhouane et Kord Afaf, doctorants et chercheurs au CNRDPA, tentent d'éclairer notre lanterne sur la richesse de cette espèce aquatique, son rôle sur la santé humaine et ses bienfaits sur l'environnement. Il est vrai qu'aujourd'hui, le seul moyen pour l'être humain de contrecarrer sa propre voracité insatiable des ressources terrestres est de chercher un autre potentiel fiable, auto-régénérateur et durable. En effet, cette corne d'abondance ne peut se trouver que dans le monde sous-marin encore méconnu, et les algues constituent non seulement une part très importante de la biodiversité, mais également le tout premier élément de la chaîne alimentaire. «Les algues sont des végétaux photosynthétiques vivant dans les milieux aquatiques. C'est-à-dire, ces végétaux peuvent synthétiser de la matière organique en utilisant la lumière du soleil», explique Kord Affaf. Peu exigeantes, les algues ont simplement besoin d'un brin de lumière et d'un soupçon d'eau pour se développer. Aujourd'hui, on peut distinguer deux catégories d'algues. D'une part, les macro-algues (pluricellulaires) qui se répartissent en 3 différentes espèces. Algues rouges, algues brunes et algues vertes. «Les macro-algues présentent une organisation assez simple. A la différence des plantes terrestres, les macro-algues ne présentent ni feuilles, ni tige, ni racines. Leur corps est appelé ‘‘thalle'' », souligne M. Benfares. Et d'autre part, existent les micro-algues (unicellulaire) appelées également les cyanobactéries ou les algues bleues. Selon le chercheur, cette espèce d'algues constitue en dépit de sa taille microscopique le premier maillon de la chaîne alimentaire marine. Une richesse encore déprisée Alimentation, pharmacie, cosmétologie et biocarburants, les algues forment un gisement important pour l'industrie grâce à la diversité et la richesse de ses composants.» Les micro-algues, qui grâce à leur grande teneur en lipides et en acides gras, sont destinées à la production d'une énergie renouvelable, on parle dans ce cas du biocarburant», précise Kord Afaf. D'après la Fao, les micro-algues présentent également une teneur considérablement élevée en protéines, dépassant les 60% du poids sec. Quant aux macro-algues, elles sont exploitées dans l'industrie alimentaire, pharmaceutique et celle de la cosmétologie. «La thèse de doctorat sur laquelle nous travaillons depuis 3ans porte sur l'identification des substances biologiquement actives dans les algues. L'objectif est de découvrir de nouvelles substances entrant dans la composition des algues de la côte algérienne», indique M. Benfares. En outre, les macro-algues par ces différentes espèces sont connues pour leurs bienfaits sur la santé de l'être humain. «Il y a le polyphénol issu des algues qui est une substance présentant des propriétés antioxydantes. On trouve également les alginates, des molécules qu'on extrait de l'algue brune appelée sargassum. Cette substance est généralement utilisée dans l'industrie alimentaire comme gélifiant», explique Afaf. Selon les chercheurs, l'Algérie n'est pas aussi riche en ressources algales que son voisin marocain. Ce dernier est ouvert sur l'Océan atlantique, ce qui lui permet de posséder un gisement très important d'algues. Valorisation des algues Pour valoriser les ressources algales, il est nécessaire de mettre en œuvre des recherches appliquées sur ces végétaux (macro et micro). Ces études assureront dans l'avenir le transfert des connaissances scientifiques vers le domaine industriel. Selon Redhouane Benfares, on ne peut valoriser les ressources algales sans une connaissance mûre et approfondie de cette espèce. «Pour procéder à la valorisation des algues, il sied d'identifier avant toute chose l'espèce d'algue et de connaître sa composition. Ensuite, il faut déterminer le domaine dans lequel l'algue pourrait être exploitée (alimentation, pharmacologie…). Il est important aussi de connaître le gisement potentiel de cette ressource. Dans le cas d'une faible quantité d'algues, il y a lieu d'envisager une éventuelle culture», indique-t-il. Or, en Algérie, les recherches sur les algues ne sont qu'à leurs premiers balbutiements. Et pour pouvoir réaliser cette valorisation, il est impératif que les chercheurs dépassent la phase des études fondamentales. «Nous avons besoin de recherches appliquées pour concrétiser nos connaissances qui ne font que remplir les rangs des bibliothèques», déplore Mlle Kord, en ajoutant que même si des programmes de recherche et développement sur les algues ont été menés depuis quelques années, la valorisation industrielle de cette ressource demeure inexistante. Néanmoins, l'industrie des algues dans les pays asiatiques semble être à son apogée. En effet, selon la FAO, la Chine a produit, à elle seule en 2013, 13,5 millions de tonnes d'algues pour divers usages. «Dans les pays asiatiques, 80% de l'alimentation de la population sont basés sur les algues. L'espèce la plus utilisée est l'algue brune du genre ‘‘Laminaria'' du fait de son apport en protéine, minéraux et acides gras», explique-t-elle. Bien que des travaux de recherche sur les ressources algales soient réalisés, les connaissances sur la biologie et la biochimie de cette espèce demeurent nettement insuffisantes pour permettre une organisation rationnelle de l'exploitation.