Le peuple algérien commémore aujourd'hui le double anniversaire du 20 août 1955 et 1956, qui ont marqué l'offensive généralisée dans le Nord-Constantinois et la tenue du Congrès de la Soummam, deux dates considérées comme des étapes décisives dans le succès de la Révolution algérienne contre le colonialisme français. Il y a 51 ans, soit neuf mois après le déclenchement de la lutte de Libération, le 1er Novembre 1954, et alors que l'armée coloniale sortait les grands moyens répressifs pour mater le soulèvement contre l'ordre établi, notamment dans les Aurès, les dirigeants de la Révolution dans le Nord-Constantinois, à leur tête le chahid Zighoud Youcef, organisèrent l'offensive généralisée pour desserrer l'étau sur les combattants des Aurès. L'offensive du 20 août 1955 fut minutieusement préparée pendant trois mois et visait également à démontrer à l'administration coloniale et à l'opinion internationale le caractère populaire de la Révolution algérienne. Ce jour-là, les populations des villes, villages et douars du Nord-Constantinois, encadrées par les dirigeants de la Révolution de la région, armées de leur seule foi, défièrent les forces coloniales lourdement armées. Les représailles de la police, de la gendarmerie, de l'armée et des colons, qui avaient duré plusieurs jours, firent 12 000 morts parmi les populations de la région, des milliers d'arrestations, suivies de torture, d'exécutions collectives sommaires et de disparitions. Zighoud Youcef et ses compagnons venaient alors d'imprimer à la Révolution un tournant nouveau, stratégique, consistant à asseoir le combat révolutionnaire sur le terrain populaire, qui l'adopta définitivement. De l'avis des historiens, cette action populaire a notamment permis de faire sortir la Révolution de la phase critique qu'elle traversait, eu égard à l'énorme pression de l'administration coloniale qui avait déployé tout son savoir-faire et son arsenal militaire pour prévenir sa propagation. Elle a, en outre, été le déclic à l'extension de la Révolution à l'ensemble du territoire national ouvrant la voie ainsi à l'internationalisation de la question algérienne et son inscription à l'ordre du jour de la 10e session de l'ONU de septembre 1955. DECISIONS CAPITALES Pour mémoire, Zighoud Youcef et ses compagnons d'armes avaient visé 39 cibles à travers le Nord-Constantinois, durant trois jours, infligeant aux tenants du colonialisme des dégâts importants qui touchèrent des postes militaires, des structures administratives, mais aussi des intérêts économiques. Et c'est par référence à cette action qu'une année plus tard, le 20 août 1956, les dirigeants de la Révolution avaient tenu le Congrès de la Soummam, dans les montagnes d'Ifri, près de Béjaïa, entamant par cette réunion une nouvelle phase de réorganisation du combat, marquée par une nouvelle stratégie en matière d'approvisionnement, de communication et de coordination entre les régions. Le Congrès de la Soummam fut sanctionné par des décisions capitales ayant permis « l'établissement d'un Etat parallèle à l'Etat colonial en Algérie », selon l'expression d'un des acteurs de la Révolution. Ces décisions donnèrent lieu à la mise en place de structures politicomilitaires rigoureuses nécessaires à la poursuite de la lutte de Libération nationale sur de nouvelles bases assurant l'efficacité de l'action sur tous les fronts. Il s'agit en particulier de la mise en place d'un Conseil national de la révolution algérienne (CNRA) composé de 34 membres, d'un Comité de coordination et d'exécution (CCE) composé de 5 membres ainsi que de la primauté du politique sur le militaire et de l'intérieur sur l'extérieur. Le territoire national avait été divisé en six wilayas, qui succédèrent aux régions, en plus de la Zone autonome d'Alger, à la tête desquelles furent nommés des chefs et leurs adjoints, et elles-mêmes subdivisées en zones et ces dernières en secteurs. Le congrès avait également adopté le principe de la direction collégiale et institué les grades militaires et les titres pour les responsables et militants civils. Le congrès fut un nouveau procédé pour sortir la Révolution de l'état de spontanéité, voire d'improvisation vers la rigueur et la réglementation, lui permettant de consolider sa base administrative et organisationnelle après la consécration de ses fondements intellectuels et idéologiques, dans la déclaration de Novembre 1954 et l'ancrage de l'action révolutionnaire, lors du soulèvement d'août 1955. C'est par la mise en place d'une telle organisation que la Révolution algérienne a réussi à triompher d'un colonialisme particulièrement barbare qui avait, tout au long de 132 années de présence, tenté, en vain, d'exterminer tout un peuple, à coups de massacres et de génocides répétés, qui restent aujourd'hui encore non reconnus.