Le film de Claude Hirsch, intitulé Denis Martinez, un homme en libertés est une belle démonstration de ce que la thématique artistique peut apporter à ce genre cinématographique avec un profit mutuel évident entre le 7e art et les autres. Le film a été montré la première fois en Algérie, aux Journées cinématographiques d'Alger (novembre 2014) et, plus récemment, à l'Institut français (7 janvier 2015). Auparavant, durant toute l'année 2014, année de sa sortie, il a tourné dans diverses rencontres en France. Il a obtenu en novembre 2014, à Clermont-Ferrand, le prix Bouamari-Vautier décerné par l'Association France-Algérie. Partout où il est passé, il a suscité l'intérêt et l'adhésion des spectateurs, découvrant le parcours d'un homme et d'un artiste, dont le destin, comme l'œuvre, sont liés viscéralement à l'Algérie. Durant 60 minutes, on peut découvrir comment Martinez a choisi le pays, comme le pays l'a choisi. Né en 1941 à Marsat El Hadjadj, c'est à Blida que le peintre a passé une bonne partie de sa vie. Le film restitue l'ensemble de son parcours humain et artistique, depuis l'Ecole des beaux-arts d'Alger où il finit de se convaincre de la nécessité inéluctable de l'indépendance. Aussi, en 1963, c'est tout naturellement qu'il se présente à l'Ecole des beaux-arts pour y participer à la première rentrée en tant que professeur algérien. Bouillonnant d'enthousiasme, il est de toutes les aventures artistiques de l'époque comme cette fameuse première exposition de peintres algériens en 1963 à Alger puis, en 1964, à sa réplique au Musée des arts décoratifs de Paris. Participant à toutes les expositions collectives, il commence à exposer personnellement en 1964 à Alger, avec un texte de présentation du poète Jean Sénac. Mais avec d'autres peintres qui refusent que l'art algérien ne se fourvoie dans un sous-orientalisme ou un art pompier, il envisage tout ce que le patrimoine matériel et immatériel du pays, combiné aux tendances modernes de la peinture, peut produire de novateur. Ce sera la naissance en 1967 du Mouvement Aouchem dont il est un des fondateurs et un animateur dynamique. Dans le film, Denis Martinez évoque particulièrement cet instant de sa «carrière», bien qu'il n'ait jamais envisagé son expression sous ce terme, au point qu'il s'est toujours tenu à l'écart du marché de l'art, préférant vivre de son enseignement. Avec le recul des années, l'artiste exprime son attachement encore actif à la démarche éthique et esthétique du manifeste Aouchem comme ses remarques critiques à l'égard de certaines démarches qu'il a pu engendrer. Le film offre à la fois une excellente restitution d'un parcours individuel avec la blessure de l'exil en 1994 à Marseille, mais aussi une vision de l'histoire de la peinture algérienne. L'homme autant que son art, l'art autant que l'Algérie trouvent place dans ce film toujours intéressant et souvent émouvant. La version en DVD (éditions Pol Art) est d'autant plus riche avec ses 54 minutes de bonus qui comprennent des pièces encore plus révélatrices : Roumi algérien, Homme parmi les hommes, Chez Madjid, L'art d'être libre, L'ami maalem gnawi de Blida. On y rencontre un être humain bien de chez nous.