Vous qui avez créé le Cercle des amis de Assia Djebar et dirigé un livre collectif, Lire Assia Djebar, pouvez-vous nous dire pourquoi votre intérêt pour cette auteure et pour son œuvre ? Assia Djebar est mon maître à penser depuis que j'ai découvert son œuvre. Elle a bouleversé mon rapport au monde et aux autres. Elle a nourri ma pensée chaque instant et elle va continuer à le faire. Je replonge dans chacun de ses romans régulièrement pour relancer ma pensée ou l'enrichir. Que représente-t-elle pour la jeune femme qui n'a pas connu la colonisation ni la guerre d'indépendance de l'Algérie que vous êtes ? Assia Djebar m'a transmis de manière intelligente et raffinée mon histoire avec une rigueur d'une historienne, mais avec l'art d'une romancière. Elle m'a appris que mon histoire est millénaire.Que les femmes représentent la moitié de cette histoire mais elles ont été mises à l'écart. Quand elle affirme «J'écris, comme tant d'autres femmes écrivaines algériennes avec un sentiment d'urgence, contre la régression et la misogynie», que comprenez-vous ? Diriez-vous qu'Assia Djebar est une intellectuelle féministe ? Assia Djebar n'aimait pas les étiquettes. Elle ne se disait pas féministe, mais elle a toujours dit qu'elle écrivait tout contre les femmes porteuses d'une culture orale quel que soit le pays où elles se trouvent. Assia Djebar a écrit pour lutter contre le silence imposé aux femmes. Elle a écrit pour qu'elles puissent marcher libres dans la rue, les yeux rivés vers l'horizon. Quels sont ceux des engagements de Assia Djebar que vous retenez ? Assia Djebar était intransigeante comme l'indique son nom d'écrivain. Elle était exigeante dans son travail. Elle a toujours été fidèle à ses engagements dans l'écriture, jamais un texte pour séduire ou pour s'attirer les médias. Elle a toujours su prendre le recul pour penser les événements dans le monde sans céder à aucun bord.