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Représentée au Maghreb des livres par Benchicou, Sansal et Daoud : Grand rush sur la littérature algérienne «insolente» France-actu : les autres articles
Le Maghreb des livres de cette année a été marqué par la disparition de l'académicienne Assia Djebar. C'est synonyme de fin de règne de toute une génération d'écrivains, celle de Mohammed Dib et de Kateb Yacine, qui cède le flambeau aux nouvelles plumes de la littérature francophone algérienne. La nouvelle génération d'écrivains se retrouve avec l'ancienne dans la critique de l'ordre sociétal établi, chacun à son époque. Cette nouvelle littérature est aussi, pour ne pas dire plus, insolente par rapport à la pensée majoritaire dans la société algérienne. De Mohamed Benchicou à Kamel Daoud, en passant par Boualem Sansal et Yasmina Khadra, les nouvelles plumes savent vendre des histoires accrocheuses avec un ton souvent provocateur, égratignant au passage les sensibilités et les tabous de chez nous dont le plus grand est évidemment la religion. Durant les deux jours qu'a duré le Maghreb des livres, le constat est sans équivoque, il y a eu un vrai rush sur les petits bijoux du livre algérien, transcrits en langue de Molière. En plus de Benchicou, directeur du Matin, dont les livres suscitent à chaque fois la curiosité des lecteurs, le très médiatique Kamel Daoud a été reçu telle une superstar lors de sa toute première participation au Maghreb des livres. «Ce n'est franchement, dit-il, pas ça mon objectif». Et de soutenir : «J'ai reçu un très bon écho de mes lecteurs algériens, maghrébins et africains en général, mais aussi du lectorat européen, particulièrement français. Au-delà de la satisfaction personnelle, ce qui m'importe c'est que moi ou d'autres écrivains faisons briller la littérature algérienne au niveau mondial». L'auteur de Meursault, contre-enquête refuse le qualificatif d'«auteur courageux» qu'on lui attribue. «Je ne suis pas courageux. Il y a des gens beaucoup plus courageux que moi en Algérie et ailleurs ! Je suis juste quelqu'un qui se défend dans sa conviction. Après, à chacun son style. Moi, j'essaye de penser tout haut et d'affirmer des choses que tout le monde sait et pense déjà dans notre pays. La seule différence, c'est que moi je les écris et je les assume», a-t-il martelé. Comme son collègue Daoud, notre confrère d'El Watan, Chawki Amari, est également un journaliste-écrivain qui perce. Son nouveau roman, L'âne mort, a reçu un accueil très favorable du lectorat maghrébin expatrié et des lecteurs français. Il se réjouit du succès de la jeune génération d'écrivains dont il fait partie. «Benchicou et Kamel Daoud disent des choses vraies, tout simplement. La vérité finit toujours par rencontrer le lecteur. Ils arrivent à toucher beaucoup de gens qui sont en manque de cette vérité. Ils ont réussi à concilier le compte rendu situationnel de l'époque qu'on vit avec un travail littéraire de fond très appréciable», a estimé le chroniqueur vedette d'El Watan. L'autre attraction du lecteur maghrébin, c'est incontestablement Boualem Sansal. Son stand de dédicace n'a pas désempli de sitôt. «Comme vous le voyez, mes livres son bien reçus partout, sauf en Algérie !» a-t-il regretté. «Pourtant, les Algériens que j'ai rencontrés — ici en France, en Allemagne, aux Etats-Unis ou ailleurs — m'ont toujours félicité pour mon travail. Ils m'ont même dit qu'ils trouvaient dans mes livres ce qu'eux-mêmes pensent. Eux le pensent, moi je l'écris», constate l'auteur de Gouverner au nom d'Allah, qui défend son droit «de choquer et de bousculer les sensibilités et les tabous de chez nous. Il faut accepter l'existence d'écrits qu'on ne partage pas forcément». Il s'est exprimé à cette occasion sur les critiques acerbes dont il est la cible en Algérie. «Je peux comprendre qu'il y ait des gens qui n'aiment pas mes écrits, surtout quand ils ont clairement un discours différent du mien, comme celui du pouvoir ou des islamistes. En revanche, ce qui me gêne, c'est que beaucoup d'intellectuels avec lesquels je peux partager des idées partent dans des insultes en me traitant de harki ou d'agent d'Israël. J'aurais préféré voir de leur part des articles critiques argumentés. Je les aurais reçus avec grand cœur. La critique objective est importante pour l'auteur», a-t-il conclu. Comme Daoud et tous les autres auteurs «insolents», Sansal refuse l'autocensure sous prétexte de respecter la pensée unique et majoritaire. Disons tant mieux ; c'est la liberté de création et d'expression qui y gagne.