Port de cartable lourd, mauvaise attitude posturale, malformations congénitales sont autant de facteurs incriminés dans l'apparition de la scoliose chez les enfants que les spécialistes définissent comme étant idiopathique aux causes multifactorielles, c'est-à-dire sans causes connues. Un mal devenu aujourd'hui un sérieux problème de santé publique, dont la prise en charge est encore loin d'être efficiente. Cette malformation inesthétique et aux conséquences graves sur le développement du squelette de nos enfants touche principalement les filles. Quatre filles pour un garçon sont souvent dépistées par les médecins des unités de santé scolaire. Mais que deviennent ces enfants une fois dépistés ? Qu'en est-il exactement, et comment cette maladie est-elle prise en charge en Algérie ? Une virée à l'EHS de Tixeraïne à Alger, où de nombreux cas arrivent de tout le territoire national, mais malheureusement à des stades tardifs, regrette le Dr Maïza Laghouati Hada, chef d'unité enfants au sein de ce centre spécialisé dans la rééducation fonctionnelle, nous a permis de constater l'ampleur de ce mal du siècle. Pour le mois de janvier 2015, 40 nouveaux cas ont été inscrits sur le registre du centre. Le Dr Maïza et son équipe, les Drs Laouichet, Bouache et Harradj tentent tant bien que mal de répondre à cette demande grandissante de jour en jour et malgré l'arrêt officiel de l'admission de nouveaux malades décidé par le chef de service, le Pr Amara, pour manque de moyens et de capacités de prise en charge. «Il y a le centre d'Azur Plage qui assure les consultations et la prise en charge et l'hôpital de Douéra, mais le plus gros contingent arrive à Texeraïne qui est classé comme centre à vocation nationale, mais les moyens nécessaires pour assurer cette prise en charge lourde sont limités. Dans notre unité de 24 lits, seulement quatre lits sont réservés à la prise en charge de la scoliose pour ceux qui nécessitent une hospitalisation, et seulement 4 kinésithérapeutes assurent l'activité pour l'ensemble des patients âgés de 0 à 5 ans atteints d'IMC, spina, etc», a-t-elle souligné. Le manque de services et d'équipes spécialisées pour assurer la prise en charge et le suivi de cette maladie constitue aujourd'hui un grand handicap dans notre système de santé publique. «Depuis 2008, un dépistage systématique est organisé dans des écoles, mais les enfants orientés ne sont pas pris en charge par manque de services dédiés à la pathologie scoliotique et les équipements nécessaires dans l'arsenal thérapeutique», a-t-elle encore déploré. Elle estime qu'il est temps d'engager des axes de réflexion et de créer des centres de prise en charge à travers le pays, notamment à l'est, l'ouest et au centre pour permettre aux patients de ces régions de bénéficier d'une prise en charge adéquate et d'un suivi efficace. Cela nécessite, a-t-elle encore indiqué, la formation et la collaboration des équipes multidisciplinaires. «Notre centre est ouvert pour accueillir et assurer la formation des jeunes équipes des différentes régions et les initier à l'activité. Mais il est important de multiplier les structures et les doter d'équipements adéquats et surtout renforcer les ressources humaines, en l'occurrence les para-médicaux et les kinésithérapeutes», a-t-elle encore précisé. Elle en appelle aussi à la mise en place d'une stratégie nationale pour la prise en charge de cette maladie et la création d'un comité national de la scoliose. Abondant dans le même ordre d'idées, le chef de service, le Pr Amara, a rappelé qu'il avait décidé d'arrêter l'activité en 2012 pour les nouveaux cas, mais cela n'était pas possible devant le nombre d'enfants orientés vers la structure de tout le territoire national. «Il s'agit d'un traitement de longue durée qui nécessite un suivi durant des années. Nous sommes arrivés à saturation vu que peu de services assurent la prise en charge de cette maladie. D'ailleurs, j'ignore la situation à l'est et à l'ouest du pays où de nombreux cas sont sans doute privés de soins. Nous continuons quand même à recevoir des enfants de ces régions», a précisé le Pr Amara, et de signaler qu'il n'est plus possible de continuer à travailler à ce rythme puisque les capacités d'accueil et les moyens de prise en charge se réduisent. «On est en état de manque aussi bien en infirmiers, kinésithérapeutes et techniciens d'appareillage, et l'avantage est que le centre est doté d'un centre d'appareillages tels que les corsets, les prothèses et autres formes d'appareillages. On affecte des aides-soignants à la place des infirmiers. La formation paramédicale, notamment celle des kinésithérapeutes et des techniciens d'appareillage bat de l'aile aujourd'hui. Parmi les techniciens recrutés avec diplôme, certains sont incapables de monter une semelle orthopédique. C'est lors de leur recrutement qu'ils découvrent la pratique», regrette-t-il. Le Pr Amara se félicite par ailleurs de l'acquisition du matériel nécessaire pour la prise en charge de ces maladies, mais les manipulateurs font sérieusement défaut. Il déplore par ailleurs la prise en charge chirurgicale de la scoliose qui a pourtant existé il y a quelques années. L'activité chirurgicale de la pathologie scoliotique a connu des balbutiements, mais sans aller plus loin. Il n'existe pas de service de référence pour la chirurgie de la scoliose en Algérie. «Certains cas ont été transférés à l'étranger il y a quelques années, et d'autres pris en charge à l'hôpital Mustapha, mais depuis la liste reste encore longue. Les patients n'ont aucune alternative», a-t-il encore déploré. Pour lui, il est urgent de mettre en place une politique nationale planifiée pour les déformations vertébrales et procéder à une réorganisation de la prise en charge.