Le passage en force dans l'exploitation du gaz de schiste en Algérie est au début de l'évaluation de son coût. L'entrée en défiance directe de l'Etat d'une partie de la jeunesse et de la population de la wilaya de Tamanrasset doit désormais être ajoutée au prix du kilowatt-heure d'origine schisteuse. La question est brûlante en ce début de semaine. Le gouvernement doit-il pour autant renoncer à ce qu'il a annoncé avec tant d'aplomb depuis de longs mois ? L'Algérie détient potentiellement les 4es réserves mondiales de gaz de schiste avec près de 20 000 milliards de m3 en place. Ce sont des réserves non prouvées. D'où les premiers forages d'exploration. Il est difficile politiquement de tourner le dos à un tel potentiel. Tout le monde le sait. L'opposition comprise. Par contre, il est possible, compte tenu de la tournure des événements, de marquer une pause pour reprendre par le bon bout cette affaire. Plusieurs pays détenant un fort potentiel en gaz de schiste ont voté des moratoires de plusieurs années sur son exploration-exploitation : le Quebec, l'Ecosse ou encore la France à laquelle on accorde un potentiel de 5000 milliards de m3. La grave crise qui a démarré dans le Sud algérien a une porte de sortie momentanée : le moratoire. La suspension des activités liées à l'exploration du gaz de schiste, notamment la fracturation en cours dans de nouveaux forages, est nécessaire. Elle aura un coût de dédommagement des partenaires étrangers de Sonatrach. Mais ce sont des coûts raisonnables face à ce que l'Etat peut gagner en remettant à plat son approche. Cette décision du moratoire aurait déjà dû être annoncée clairement. Les communications inaudibles du président de la République, et celle, burlesque du Premier ministre, ont diffusé de la tension, là où un signe d'apaisement était tous les jours attendu. Il n'est pas trop tard. Le gouvernement a déjà fait une allusion au moratoire en affirmant que les deux forages en cours iront à leur terme et que l'on marquera une pause ensuite. Il serait judicieux de laisser les parlementaires le voter en urgence. Pour donner force de loi à la démarche. L'autre scénario, celui du passage en force, est périlleux. Il menace de saper les bases de toute l'industrie pétro-gazière en Algérie en créant un syndrome nigérian. L'insurrection de l'embouchure du fleuve Niger fragilise depuis plus de 20 ans le potentiel énergétique du Nigeria. Le moratoire sur l'exploration et l'exploitation du gaz de schiste et la remise à plat du dossier ne peuvent pas se faire avec Youcef Yousfi. Le bilan du ministre de l'Energie est calamiteux. Son paradigme énergétique hors époque. Ses équipes démobilisées. Sa crédibilité dilapidée. De retour au ministère dans la tempête des scandales Sonatrach-Khelil, Youcef Yousfi a échoué sur tous les fronts. Il a accompagné la chute des volumes de production sans jamais réussir à relancer la recherche-exploration avec les partenaires étrangers. Il a apporté un assouplissement de la fiscalité pétrolière dans la loi sur les hydrocarbures qui n'a pas réussi à relancer l'attractivité de l'amont algérien. Il n'a pas restauré la confiance à la tête de Sonatrach, consommant trois PDG en quatre ans. Une première dans le management du premier contribuable du pays : l'actuel PDG est nommé à titre d'intérimaire, de même que l'ensemble des vice-présidents. Il n'a jamais proposé au débat une feuille de route de la transition énergétique algérienne. On ne lui connaît pas non plus de projet de modèle de consommation énergétique prévisionnel de l'Algérie. Il a décidé seul de faire du gaz de schiste la première source alternative à la baisse de la production du gaz conventionnel. Il a lancé un programme de renouvelable de 22 gigawatts pour 2030, tout en stoppant de fait tous les nouveaux projets dans ce nouveau domaine. Youcef Yousfi a multiplié les déclarations lénifiantes sur les nouvelles découvertes d'hydrocarbures, exagérant de manière très gênante notamment celle de Hassi Toumiat. Tous les spécialistes savent que l'évaluation d'une nouvelle découverte – travaux de délinéation – prend plusieurs années et qu'elle ne peut être versée dans la commercialité qu'au bout d'un long parcours. Le ministre de l'Energie n'a pas vu venir la chute des prix à l'OPEP. Il a manqué de manière flagrante de courage politique au sujet du premier gisement d'hydrocarbures à exploiter, celui de l'économie d'énergie. Il n'a jamais introduit dans les projets de loi de finances un début de réévaluation des prix du carburant alors que l'Algérie en importe pour 4 milliards de dollars, également soutenus à la pompe. Pour sortir de l'affrontement sur le gaz de schiste, le moratoire ne suffira pas. Le changement de la gouvernance du secteur de l'énergie sera sans doute également nécessaire. Mais un président aussi diminué que Bouteflika peut-il changer un ministre aussi entêté dans l'erreur que Youcef Yousfi ? Et pour faire quoi sous Bouteflika ? Youcef Yousfi doit cependant une fière chandelle à Saâd Dama. Il échappe, grâce au patron de Mobilis, à la palme du plus grand bide de l'année. Alger attend depuis le printemps 2013 la venue du Real de Madrid grâce à une opération de relation publique audacieuse du directeur général de Mobilis. La convention signée quelques mois plus tard avait, paraît-il, verrouillé la transaction. Il ne restait que de fixer la date de la venue des dix fois champions d'Europe. Il y a encore une dizaine de jours, Mobilis annonçait imminente la fixation de cette date. Le Real de Madrid viendra bien à Alger, mais avec Ooredoo. C'est officiel. Et définitif. Sauf si Mobilis prend un avocat new-yorkais du gabarit de celui de DSK pour faire rendre gorge à l'enseigne madrilène son acte d'infidélité. Saâd Dama est un bon cadre de son métier. Peut être aussi un bon chef d'entreprise. Il s'est par contre égaré dans l'archipel de la communication VIP sans éclaireur et sans expérience. Dur est le réveil Pourquoi Dama évite à Yousfi la palme du bide ? Le ministre de l'Energie a ordonné en 2012 à Abdelhamid Zerguine, patron de Sonatrach, de s'emparer de 100% du capital de la SSPA qui détient l'équipe de football du MCA. Ce week-end, le MCA, dernier du championnat d'Algérie, a été éliminé du tour préliminaire de la coupe de la CAF par le 3e du championnat du Niger. Bravo qui ?