Etablir un contrat de mariage permet à une femme de préserver, un tant soit peu, ses droits et de parer à d'éventuels abus. Ainsi, l'article 19 du code de la famille stipule que «les deux conjoints peuvent stipuler, dans le contrat de mariage ou dans un contrat authentique ultérieur, toute clause qu'ils jugent utile, notamment en ce qui concerne la polygamie et le travail de l'épouse, à moins que les conditions ne soient contraires aux dispositions de la présente loi». Cette disposition, peu connue et rarement pratiquée, pourrait permettre une meilleure protection des droits des deux conjoints. Et tout particulièrement de l'épouse, qui peut ainsi consigner par écrit les termes et engagements pris avant le mariage. Une femme peut donc s'opposer, à l'avance, à une éventuelle polygamie de son époux. «Dans ce cas de figure, elle ne pourra pas empêcher le remariage de son conjoint. Mais elle sera en droit de demander la rupture du mariage sans passer par le khol' (divorce à l'initiative de l'épouse), tout simplement parce que l'un des termes du contrat n'a pas été respecté. A la condition, évidemment, qu'elle puisse prouver le remariage», explique maître Nadia Aït Zaï, juriste et directrice du Centre d'information et de documentation sur les droits de l'enfant et de la femme (Ciddef). Même si une estimation quant au nombre de contrats rédigés par voie notariale depuis l'introduction de cette disposition n'est pas disponible, maître Aït Zaï estime toutefois que le recours à cette pratique est rarissime : «Il y a un manque flagrant de connaissance des lois par les citoyens.» «Souvent, l'on peut entendre que ce contrat n'a pas lieu d'être, qu'il ne fait pas partie de nos traditions, ce qui est inexact. De tout temps, lors de la négociation des termes du mariage, lors de la khotba ou autre, certaines conditions sont énoncées, mais oralement», rappelle la femme de loi. De même, cette contractualisation de l'union maritale était pratiquée de la sorte par les cadis qui, lors de l'enregistrement d'un mariage, notaient toutes les conditions dans leurs registres. «Il y a aussi que les femmes n'osent pas demander l'établissement d'un tel contrat», assure maître Aït Zaï. Crainte des pressions, de la réaction du futur époux et des familles respectives, ou encore d'une rupture de l'engagement. Mais pas seulement. «Elles disent souvent qu'elles ont peur que cela soit pris pour un manque de confiance ou autre. Ce qu'il faut qu'elles comprennent, c'est que le mariage est avant tout un contrat de droit civil, qui implique droits et devoirs. Et, comme tout contrat qui lie deux entités, en l'occurrence deux personnes, cela se négocie. Que ce soit pour la polygamie, le travail, la préservation des biens individuels, les comportements au sein du couple, le logement ou tout autre chose. Car la meilleure protection est la loi», conclut la juriste.