Le gouvernement va engager une seconde réforme du code de la famille, qui touchera le volet le plus décrié, à savoir le divorce, notamment le khol', corollaire de la répudiation. La juriste Nadia Aït Zaï espère que ce débat restera celui des spécialistes… Dix ans après les premiers amendements du code de la famille, le président de la République a ordonné, hier, au gouvernement de procéder à la révision de ce texte, notamment dans son volet relatif au divorce. La nouvelle a été une surprise, d'autant qu'elle est intervenue à quelques jours seulement du débat houleux et rétrograde, au sein de l'hémicycle, sur la loi contre les violences à l'égard des femmes. Hier, dans son discours, le Président a ciblé les dérives juridiques : «Sachant que le divorce, dans toutes ses formes et notamment le divorce à l'initiative de l'épouse (khol') constitue, aujourd'hui, un phénomène qui ne cesse de prendre de l'ampleur dans notre société, j'ordonne au gouvernement de charger un comité ad hoc de la révision et du réaménagement des articles dudit code relatifs au divorce qui prêtent à interprétation, en vue d'y introduire les clarifications et précisions nécessaires afin de combler les insuffisances et garantir la protection des droits des deux conjoints et des enfants, ainsi que la préservation de la stabilité de la famille algérienne, garante de l'immunité pérenne de notre société contre les déséquilibres et les fléaux». Pour Nadia Aït Zaï, juriste, directrice du Centre d'information et de documentation sur les droits des enfants et des femmes (Ciddef), «il est clair que l'article 53 de ce code, qui définit les dix conditions dans lesquelles la femme peut demander le divorce, pose un véritable problème dans la mesure où elle doit à chaque fois apporter la preuve. Comment peut-elle prouver que son mari refuse de partager sa couche durant plus de quatre mois ? Comment peut-elle prouver qu'il s'est absenté durant plus d'un an sans excuse valable ? Comment peut-elle prouver la mésentente qui existe entre elle et son époux ? Au Maroc, ces conditions n'existent pas. Le juge n'a pas à demander à la femme de justifier le divorce». Mme Aït Zaï a précisé que si le Président a évoqué la question du khol', «c'est parce que cette forme de divorce dont dispose la femme est le corollaire de la répudiation prononcée par l'époux et qui est considérée par la majorité des juristes comme un divorce abusif. D'un côté, l'homme a la possibilité de répudier sa femme sans aucune condition, et de l'autre, l'épouse se trouve dans l'obligation de recourir au khol', seul moyen d'obtenir le divorce sans être obligée de se justifier. Pour une équité entre les deux époux, il serait plus utile d'abroger les deux dispositions et de mettre un alinéa dans l'article 48 du code de la famille pour préciser que la femme peut demander le divorce sans motif». Equité entre les époux La juriste estime que le nombre de femmes qui recourent à ce mode de divorce n'est pas aussi important que veulent le démontrer certaines parties, puisqu'il ne représente que 5000 cas. «Si l'on veut comprendre l'effet du khol', il faut comparer ce nombre avec celui des répudiations, qui n'a d'ailleurs jamais été rendu public parce qu'il concerne les hommes, ceux-là mêmes qui élaborent les statistiques officielles. Il faut savoir que la répudiation a de lourdes répercussions sur la famille et les enfants», a souligné Mme Aït Zaï. La directrice du Ciddef plaide pour l'introduction, dans le code de la famille, de la notion de médiateur chargé de concilier les conjoints et de leur donner la chance d'éviter un divorce, mais aussi d'ouvrir les voies de recours pour que le jugement de divorce ne soit pas définitif afin que les conjoints puissent avoir le droit de l'annuler s'il y a une chance de reprise de la vie conjugale. Sur le volet lié au droit de la femme à la propriété, la juriste a été formelle : cela concerne probablement le contenu de la dernière loi portant amendement du code pénal sur les violences à l'égard des femmes. En fait, le Président a mis l'accent sur «la nécessité d'améliorer nos lois relatives à la famille et de les mettre en harmonie avec les exigences de notre époque et de la vie moderne, aussi bien pour l'homme que pour la femme, en matière de vie sociale en veillant, en tout état de cause, à assurer une totale conformité de ce que décide le législateur avec notre sainte religion. La femme est en droit d'être soutenue et protégée par la loi en matière d'accès à l'emploi et de possession de biens et de richesses sous le régime de la séparation, en étant libre d'en disposer elle-même et à sa convenance». Mme Aït Zaï nous renvoie à l'article du projet de loi voté il y a une semaine par l'APN, qui prévoit une peine de 6 mois à 2 ans de prison pour l'époux «qui exerce sur sa femme toute forme de contrainte ou d'intimidation afin de disposer de ses biens ou de ses ressources financières» et qui a, également, supprimé l'excuse absolutoire en matière de vol entre conjoints et subordonné les poursuites pénales au dépôt de plainte. En fait, pour la juriste, le principe de séparation des biens entre conjoints est garanti par la loi, mais selon la nouvelle disposition dans le code pénal, les pressions et intimidations auxquelles pourrait recourir l'époux dans le but d'extorquer le salaire de son épouse, ainsi que le vol de ses biens (bijoux et argent) par son mari sont désormais répréhensibles. Une protection qui va dans le sens de la préoccupation exprimée par le Président en disant que la femme «est en droit d'être soutenue et protégée par la loi en matière d'accès à l'emploi et de possession de biens et de richesses sous le régime de la séparation, en étant libre d'en disposer elle-même et à sa convenance». Ce message, a noté Mme Aït Zaï, pourrait aller «dans le sens d'une nouvelle réforme du code de la famille afin d'éclaircir et, de ce fait, améliorer certaines dispositions qui ouvrent la brèche à de mauvaises interprétations. Il faut espérer que ce débat soit celui des spécialistes et apporte les réponses espérées».