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Algérie : Peut-on parler de démocratie sans l'égalité entre les deux sexes ?
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La Moudawana du Maroc (code de la famille) a connu une reforme remarquable en octobre 2003.
Une réforme réclamée par les associations de femmes marocaines depuis de nombreuses années. Onze nouvelles règles donnent ainsi vie aux revendications de ces associations. La plus importante : la responsabilité conjointe des époux au sein de leur famille. Ce qui marque la fin de l'inégalité juridique entre l'épouse et son mari. Deuxième point important : la règle qui soumettait la femme à la tutelle d'un membre mâle de sa famille et faisait d'elle une éternelle mineure est abolie. L'âge du mariage passe de 15 à 18 ans pour la femme, la polygamie est désormais soumise à des règles restrictives (la première femme a notamment le droit de s'y opposer), la répudiation devrait être remplacée par le divorce judiciaire (qui peut être demandé tant par l'homme que par la femme).
Des mesures de simplification de la procédure de mariage des Marocaines résidant à l'étranger ont également été prises ainsi que d'autres concernant l'héritage …Le code des statuts personnels tunisien, promulgué le 13 août 1956, quelques mois à peine après la proclamation de l'indépendance, dispose d'un arsenal juridique dont la femme tunisienne tire sa fierté. A titre d'exemple, l'abolition de la polygamie et de la répudiation, l'instauration du consentement au mariage ou encore l'affirmation de l'égalité des sexes face au divorce.
Et le code Algérien de la famille ?
La question d'une loi sur la famille algérienne avait été débattue au cours de la guerre de Libération nationale(1) et l'espérance des femmes était grande d'avoir mérité par leur participation à cette guerre un statut d'égalité.
En 1962, le parti FLN s'engageait dans la charte de tripoli(2) à supprimer tous les freins à l'évolution de la femme et à son épanouissement. Deux ans plus tard, la charte d'Alger mentionne que «l'égalité de la femme et de l'homme doit s'inscrire dans les faits»(3). C'est à partir de 1964 que l'idée est venue de faire un code conforme aux traditions arabo-musulmanes que commence la grande marche vers le code de la famille actuel - loi N° 84-11 du 9-06-1984.
Imposé en 1984 par le pouvoir et les islamistes qui bafouent sans vergogne les droits fondamentaux de la femme, qualifié par certains éminents juristes « d'injustice historique». Le code s'inspire de la charia (rite malékite). Ce texte, largement inspiré de la loi coranique (charia), est encore en vigueur aujourd'hui, et situe l'Algérie comme le pays le plus rétrograde du Maghreb du point de vue des droits de la femme. Depuis sa promulgation et son amendement (27 février 2005), ce code en question a fait naître bon nombre d'oppositions, notamment dans les mouvements féministes. Les grandes manifestations organisées depuis 1984, date de l'adoption du code de la famille, à chaque célébration de la journée mondiale de la femme, le 8 mars, et toutes les actions menées par les femmes, soutenues par beaucoup d'hommes, en sont la preuve.
Ces oppositions se basent sur l'ambivalence des positions du pouvoir Algérien. D'un côté, celui-ci reconnaît des droits constitutionnels aux femmes ; le droit de vote, le droit au travail, l'abolition des discriminations. De l'autre, par contre, il maintient ce code en contradiction flagrante avec les principes énoncés par la Constitution et les conventions internationales. Durant le VIIe siècle, le grand philosophe andalou-Maghrébin Ibn Rochd(4) a attribué la stagnation des pays musulmans à la subordination et la claustration des femmes dans les Etats islamiques. «On ne connaît pas la capacité des femmes parce qu'on ne les prend que pour la procréation. On les met donc au service de leur mari et on les relègue aux tâches de l'éducation des enfants et de l'allaitement Le fait que la femme est un fardeau pour l'homme est une des raisons de la pauvreté des Etats musulmans».
I. Le code algérien de la famille et ses articles discriminatoires.
1. La dot
«Le mariage est contracté par le consentement des futurs conjoints … ainsi que la constitution d'une dot» (article 9). De la même façon que quelqu'un qui a de l'argent peut le dépenser pour acquérir un jardin, une maison, un cheval ou une mule, on peut le dépenser pour obtenir une femme. Et de même que le prix d'une maison, d'un jardin ou d'un cheval dépend de sa taille, de sa beauté et de son utilité, de même le prix d'une femme varie selon sa beauté ou sa laideur, de sa richesse ou sa pauvreté. Telle est la philosophie de la dot. Il ne peut pas y avoir de vie conjugale sans dépenser de l'argent et sans payer le prix de l'acquisition d'après la philosophie de l'article suscité. C'est une des plus anciennes traditions, dans les relations familiales, que de payer lors du mariage une dot à la femme ou à son père.
La forme de la dot d'écrite ci-dessus n'est pas une invention du Coran. Tout ce que le Coran a fait, c'est de la restaurer dans sa forme naturelle et originelle. Dans son style élégant inimitable, le Coran dit : « Et donnez aux épouses leur mahr, de bonne grâce. Si de bon gré elles vous en abandonnent quelque chose, disposez-en alors à votre aise et de bon cœur »(5) «Donnez aux femmes leur cadeau de mariage sans contrepartie … » (Sourate an-Nisâ, 4 : 4). Cela veut dire que la dot appartient exclusivement aux femmes, et c'est un cadeau qui doit être offert à elles directement, et il n'a rien à voir avec les frères ou les pères. Dans cette courté phrase le Coran fait référence à trois points fondamentaux :
Premièrement, la dot est un symbole d'attachement de l'homme qui l'offre à la femme. Ce point a été mentionné par un nombre de commentateurs du Saint Coran, tel que : Az-Zamakhsarî, l'auteur du célèbre commentaire (Tafsir) : « Al-Kassâf ». De même le célèbre philologue Al-Râghib al-Içfahânf explique dans son lexique du Coran que la dot a été appelée « sadaqa », parce que ce mot est le symbole de la sincérité de la foi.
Deuxièmement, il est clair, d'après le verset ci-dessus, que la dot doit être offerte directement à la femme et ses parents n'y ont pas de droit. La dot n'est pas une compensation des efforts qu'ils ont déployés pour l'éducation de leur fille.
Troisièmement, il est clair que la dot n'est rien d'autre qu'un cadeau et un présent. Donc, elle n'est pas retournable.
Il ressortissait de cet exposé que la loi de la création avait fixé la relation entre les deux sexes, et déterminé pour chacun d'eux un rôle différent dans la vie. Il en ressortait aussi que la tradition de la dot dérivait des sentiments affectueux et aimables de l'homme, et non de son sens de la domination et de la rudesse. Le rôle joué par la femme à cet égard a procédé de son sens particulier de la réserve, et non de sa faiblesse ni du fait qu'elle soit désarmée.
2. Le tutorat
«La femme majeure conclut son contrat de mariage en présence de son ‘wali' qui est son père ou un proche parent ou toute personne de son choix …» (article 11). L'obstacle principal tient dans le désir des hommes de commander les femmes, de les maintenir en tutelle. L'ordre traditionnel, «le machisme ordinaire» patriarcal, affirme la position dominante de l'homme. L'homme s'octroie et légitime son pouvoir en légiférant des lois en sa faveur. C'est comme le code Napoléon de 1804 qui dispose que l'épouse doit obéissance à son mari. Mais, cette disposition ne figure, naturellement, plus depuis 1948 dans le Code civil français.
Pour pouvoir dominer, il faut dévaloriser le dominé. Nous avons connu cela avec la société coloniale. L'identité proposée à la femme par le système de domination de l'homme est un système destructeur et pervers. La femme est soumise dès l'enfance à un travail de persuasion qui tend à la diminuer, à la nier en tant qu'individu, à la persuader de son infériorité et finalement à la convaincre d'accepter son sort avec résignation, voire à le revendiquer.
Elle est considérée comme un être inférieur et faible, dès sa naissance elle est accueillie sans joie. Et quand la naissance des filles se répète dans une même famille, elle devient une malédiction. Jusqu'au mariage, c'est une « bombe à retardement » qui met en danger l'honneur patriarcal. Et plus elle grandit, plus le danger grandit avec elle. Elle est donc recluse dans le monde souterrain des femmes entre quatre murs … La société étouffe ses aspirations et la décourage. Elle est assujettie, trompée chosifiée … devenue un instrument dont on ne parle même pas ; elle est loin d'être légale de l'homme. Ce dernier la consomme comme un fruit par le mariage et surtout par la maternité.
Hors mariage, le ménage et la maternité n'étant plus, elle redevient l'instrument des passions animales et selon le milieu social, on les achète cher ou bon marché, on peut même se ruiner pour elle, mais on la méprise toujours. Elle est le vice que souvent l'on porte au pinacle, que l'on couvre de fleurs, mais qui reste quand même le vice. La femme ne fait, cependant, pas qu'être désirée. Elle désire; l'instinct sexuel parle aussi d'elle, mais la société ne lui donne aucun droit de se faire valoir. Son besoin d'aimer, les femmes ne peuvent le satisfaire, qu'en se mettant sous tutelle matrimoniale, à moins qu'elle ne préfère se vendre. En lui imposant, la présence d'un Wali lors de la conclusion de son contrat de mariage, les concepteurs du code de la famille ignorent, complètement, les nouvelles catégories de l'article 40 du code civil(6)
Pis encore, en son aliéna 1, l'article sus – mentionné dit que : « Le juge est tuteur de la personne qui en est dépourvue ». Ainsi, si le juge en question est une femme ; comment peut – elle jouer le rôle de tuteur matrimonial pour une autre, du moment, elle, aussi, a besoin d'un tuteur mâle pour son propre mariage ? Cette notion de tutorat (Wali), qui a son origine dans le verset 4 : 34 (An – nissä ‘les femmes') du coran : « Les hommes ont autorité sur les femmes … », ne devra pas être exigé pour la femme, qui ne souhaite pas la présence d'un tuteur, lors de la conclusion de son mariage. Ce qui fait, cet article discriminatoire peut – être abrogé ou modifié comme suit : « La femme peut conclure son contrat de mariage sans la présence d'un tuteur matrimonial » - Ce qui lui laisse le choix … Car, si on suit le raisonnement de certains érudits de l'islam, comme Ibn Kathir, dans ses tafsirs, et Tabari, le mot « qawamoune » ne se traduit pas par « supérieur », car supérieur en arabe se dit « aâla ou aâli ». Il ne se traduit pas, également, par autorité, car autorité en arabe c'est « solta ».
Si nous suivons, ce raisonnement, le mot « qawamoune » du coran vient de plusieurs dérivatifs, tels que « qaouama » (résistance), « el qâma » (taille, stature). Dieu a crée l'homme d'envergure, de taille ou de stature forte par rapport à la femme. Il lui a donné une résistance corporelle de manière à supporter les taches et les responsabilités lourdes, dont la femme est épargnée. Donc, « qaouama » ne veut nullement dire « autorité » ou « supériorité » de l'homme sur la femme pour en faire une discrimination entre eux.
L'interprétation faite par les concepteurs du code de la famille en 1984 et 2005 du verset sus – cité est : Les hommes sont les tuteurs des femmes et leur sont supérieurs, et dans toute famille les hommes sont les tuteurs et les supérieurs de cette famille en niant que c'est dans ce verset que le coran a joint l'égalité des femmes aux hommes.
3. La polygamie
« Il est permis de contracter mariage avec plus d'une épouse dans les limites de la Charïâ, si le motif est justifié, les conditions et l'intention d'équité réunies (avec autorisation du juge) … » (article 8).
Aujourd'hui, la polygamie est un sujet «tabou» car notre siècle est celui de la libération de la femme.
Dans les sociétés occidentales où le système n'accepte pas les mariages multiples, il serait impensable de légaliser cette pratique. L'image d'un homme ayant plusieurs femmes est perçue comme un esclavage de la femme. Pourtant, ces mêmes sociétés monogames ont établi un système qui reconnaît la difficulté voire l'impossibilité de se contenter d'un seul partenaire sa vie durant puisque le divorce et le remariage sont devenus très faciles.
La séquence mariage divorce remariage rappelle la notion de la variété des rapports sexuels présente dans toute société polygame. Toutefois, les chiffres prouvent que la majorité des divorces sont demandés par les femmes. On peut donc en conclure que, du moins en ce qui concerne le statut de la femme et sa dignité, le divorce est préférable à la polygamie.
Et que dit le Coran ? En matière de permission polygamique, beaucoup d'adversaires de l'Islam, et ceux qui ne comprennent pas l'esprit de l'Islam, pensent que c'est le Prophète Mohamed qui a inventé pour la première fois la coutume de la polygamie. Avant l'islam, l'homme avait le droit d'épouser vingt, trente et jusqu'à … cent épouses. Ainsi, la religion des anciens accordait ce droit à tous ceux qui voulaient se marier avec plus d'une femme. Il est donc faux de dire que cette pratique a été instituée par l'Islam. Il est aussi vrai que l'interdiction de la polygamie n'est pas née avec le Christianisme, car l'Evangile n'en fait pas état. Même, après l'extension du christianisme dans le monde occidental, la polygamie était répandue parmi les chrétiens. L'empereur Valentinien Ier avait édicté une loi, autorisant la polygamie pour son peuple. Malgré les lois de l'empereur Justinien 482-565, qui interdisaient la polygamie, cette dernière était encore répandue parmi les Européens jusqu'au XVIIe siècle.
L'interdiction finale de la polygamie vient d'un décret européen, punissant et interdisant aux chrétiens de se marier avec plus d'une femme. L'Islam n'est donc pas la première religion à autoriser la polygamie, mais c'est la première religion qui a déterminé les règles du mariage et le nombre d'épouses... si on a peur de l'injustice entre les femmes, on doit se contenter d'une seule. Il est dit dans la Sourate IV - 3 : «Si vous craignez de n'être pas juste avec celles-ci - les femmes - alors une seule. » Le verset 129 de la même sourate met en garde contre les dérapages : « Vous ne pourriez être équitable envers le femmes, même si vous y teniez. Alors n'abusez pas de votre penchant.» L'objectif du mariage – tel qu'il est défini par l'Islam – est d'assurer la chasteté à celui qui se marie. Le polygame en est bien loin, car celui qui prend une seconde femme dans le seul but d'assouvir un désir sexuel, n'est pas conforme aux préceptes de l'Islam : « Dieu maudit les hommes qui goûtent abondamment », c'est-à-dire ceux qui multiplient les mariages dans le seul but d'assouvir leurs désirs sexuels. La stérilité de la femme, ou une maladie incurable sont des raisons qui conduisent à la polygamie. L'homme, dans ce cas, peut se marier avec une autre femme à condition qu'il ait la capacité financière et physique et établit l'égalité entre elles.
La polygamie rend-elle la femme esclave de l'homme ou apporte-t-elle l'indépendance ? Certainement non ! Car, au fil du temps, il arrive qu'une co-épouse obtienne plus de faveurs qu'une autre (partage de nuits « qasida », sorties, argent, affection …) A ces moments-là, jalousie, séduction, rajeunissement et compétition entrent en jeu et les femmes délaissées (généralement, celles qui ont cessé d'être physiquement et sexuellement attirantes) par leur mari sont condamnées à rester passives, car il est trop tard pour elles de refaire leur vie. Il arrive également que les enfants soient touchés par cette inégalité de traitement quand l'apport financier du mari est insuffisant pour que tous ses enfants aillent à l'école. Il y a alors du favoritisme ; Allah a dit : « Vous ne pouvez jamais être équitable entre vos femmes, même si vous en êtes soucieux. Ne vous penchez pas tout à fait vers l'une d'elles, au point de laisser l'autre comme en suspens », (Coran III - 129) et la tension s'accumule entre les membres d'une même famille.
Il est évident que dans ce cas-là, la polygamie rend la femme esclave de l'homme et détruit la cellule familiale. Car la mauvaise condition de la femme est causée par son époux qui préfère satisfaire son besoin sexuel plutôt que d'améliorer la condition de celle-ci.
La pratique de la polygamie est en contradiction flagrante avec l'article 29 de la constitution algérienne qui stipule que : « : « Les citoyens sont égaux devant la loi sans que puisse prévaloir aucune discrimination pour cause de naissance, de race, de sexe, d'opinion ou de toute autre condition ou circonstance personnelle ou sociale. » et la Convention internationale des droits de l'Homme et doit être bannie sauf le cas de stérilité et/ou maladie incurable, sus – cité.
4. Le khôl
L'enquête réalisée en novembre 2000 par le collectif Maghreb Egalité sur le thème « Degré d'adhésion aux valeurs égalitaires au sein de la population algérienne » auprès d'un échantillon représentatif de la population algérienne (1220 personnes) sur le degré d'adhésion aux valeurs d'égalité entre hommes et femmes est édifiante. Sur la question du divorce, 80% des Algériens seraient apparemment favorables à ce que la femme ait le même droit au divorce que l'homme. 3% sont sans opinion ou ont refusé de répondre. « La ventilation par sexe montre que ce sont quand même les femmes plus que les hommes qui soutiennent un droit au divorce égalitaire (88% d'entre elles contre 70% chez les hommes). A contrario, on compte 27% de la population masculine qui défendent le divorce unilatéral contre 10% au sein de la population féminine », relève-t-on(7)
« L'épouse peut se séparer de son conjoint, sans l'accord de ce dernier, moyennant le versement d'une somme à titre de ‘khol'à'. En cas de désaccord sur la contrepartie, le juge ordonne le versement d'une somme dont le montant ne saurait dépasser la valeur de la dot de parité ‘sadaq el mithl' évalué à la date du jugement. » (Article 54)
D'après des statistiques relevant du ministère de la Justice(08). Il a été enregistré au cours de l'année 2001, 24 914 cas de divorce (9360 consentements mutuels, 12 835 volontés unilatérales, 2314 répudiations, 405 khôls) pour 194 273 mariages (soit un pourcentage de 12,82 %) sur une population totale de 31,07 millions d'habitants et «Entre 1971 et 1980, plus de 182 000 divorces ont été confirmés ; entre 1994 et 1999, ils ont été près de 145 000. En 1980, 22 000 mariages ont été rompus, mais près de 27 000 en 1999... »(9)
Les chiffres ne cessent d'augmenter d'une année à l'autre, atteignant 35 000 en 2006. C'est le divorce prononcé à l'initiative de la femme (khol') qui connaît un accroissement spectaculaire, passant de 813 cas en 2003 à 3 500 en 2006. Au ministère, on explique le phénomène «par le changement des mentalités dans les villes». Et de citer parmi les causes du divorce «l'ennui conjugal, la recherche des plaisirs et le développement de l'individualisme». Les épouses qui demandent le khol' se trouvent essentiellement dans des grandes villes et en particulier dans la capitale où « les rencontres sont plus aisées sur les lieux de travail et les espaces de loisirs ». Le terme khôl, qui désigne le divorce obtenu par la femme versant une compensation à son époux, dérive du mot « retrait » comme on « retire» un vêtement. Il est aussi appelé «sacrifice», car la femme se sacrifie en se donnant à son époux. Les théologiens le définissent comme étant le remplacement d'une épouse par une autre.
La répudiation est considérée par le Prophète Mohamed comme la permission la plus détestable auprès de Dieu et réprouve aussi le rachat sévèrement : «Quand vous répudiez vos épouses (...) ne les transgresseriez alors et quiconque agit ainsi se fait du tort à lui-même ...» (2 : 231). La conciliation en cas de répudiation ou de rachat relève de la discrimination puisque aucune base coranique ne la fonde. Cela n'est pas le cas de la conciliation. En cas de mésentente/préjudice qui trouve sa législation dans les textes coraniques, notamment dans le verset (4 : 34 - 35) : «... Et si dans un couple vous craignez la séparation, convoquez alors un arbitre dans sa famille à lui, et un arbitre dans sa famille à elle. S'ils veulent, les deux, la conciliation, Dieu rétablira l'entente entre eux deux ». Ce qui est prévu aussi dans les dispositions du code de la famille en ses articles 49 et 56. Dans les litiges où elle a eu à se prononcer, la justice algérienne a parfois reconnu le droit au divorce pour la femme ; tout en se référant, en principe, à l'article 52 du code en question qui stipule que : « Si le juge constate que le mari aura abusivement usé de sa faculté de divorce, il accorde à l'épouse le droit aux dommages et intérêts pour le préjudice qu'elle a subis… » Pareille coutume est en totale opposition avec le Coran.
5. Les mères célibataires
« La filiation est établie par le mariage valide, la reconnaissance de paternité… » (Article 40).
Selon une analyse de l'Aaefab (d'après un article édité par info soir le 19 juillet 2007), les mères célibataires sont majoritairement jeunes : 52,4% avaient moins de 25 ans. La tranche d'âge la plus représentée est celle des 20 à 25 ans, soit 46% de l'échantillon étudié, 17 avaient moins de 20 ans et 6 étaient mineures. En ce qui concerne la reprise de leur enfant, c'est la tranche d'âge située entre 20 et 25 ans qui est la plus représentée. Plus de 53% ont repris leur enfant. Les femmes âgées entre 25 et 30 ans ont, quant à elles, confié leur enfant à l'adoption. 253 sur les 271 mères concernées par cette enquête ont indiqué leur statut individuel. Elles sont pour la plupart célibataires 81%, 15% sont divorcées ou en instance de divorce, les veuves cependant représentent 2,7 % de l'échantillon.
Si le taux moyen de reprise de l'enfant par la mère est de 32,5% pour l'ensemble de l'échantillon, il est de 33% pour les femmes divorcées et de 30% pour les célibataires, indiquent les résultats de l'étude.
Quant au niveau de scolarisation, près de 1/5 des mères sont analphabètes, 1/4 ont fréquenté l'école primaire. 47,4% ont fréquenté le collège ou le lycée et 4,7% faisaient des études supérieures. Concernant la reprise de leur enfant, il a été constaté que ce sont surtout les mères analphabètes ou très peu scolarisées qui ont abandonné définitivement leur enfant, soit 39%. Elles sont près de 35% à déclarer être employées ou ouvrières, 20% femmes de ménage, 15% serveuses. Et 3% étudiantes ou stagiaires et 5,5% se sont déclarées SDF ou en foyer d'accueil. Enfin, 9,2% d'entre elles avaient déjà des enfants et seules 9 ont repris leur bébé. Trois d'entre elles ont été elles-mêmes adoptées, mais aucune n'a gardé son bébé. Ce phénomène, si implanté dans la conscience des algériennes et algériens a fait qu'en matière de législation, aucun texte n'aborde, encore moins ne défend, le statut de la mère célibataire.
L'enfant né hors union matrimoniale est donc illégitime et la filiation naturelle est obligatoirement maternelle. Ce qui en découle donc un abandon caractérisé de l'enfant issu de ce travers social. Ce code est toujours dans l'esprit du droit musulman ou il n'y a pas de relations sexuelles hors mariage ! Car avoir un enfant hors du cadre d'un mariage est synonyme de problèmes sociaux et psychologiques. Cette mère célibataire, victime d'une violence de la part d'un parent, un terroriste, un délinquant ou un collègue de travail, est dans la plupart des situations rejetée par sa famille et la société. Influencée par une civilisation pleine de tabous et contradictions, cette dernière ne pardonne pas à la fille d'avoir eu « se laisser se faire ».
Car, c'est une atteinte aux mœurs et à la pudeur… La peur du qu'en-dira-t-on pousse les parents des filles concernées à agir en allant parfois jusqu'à commettre un meurtre pour laver l'affront. C'est comme ça que ça se passe chez nous depuis la nuit des temps et ça le restera encore longtemps dans certaines localités tant que les mentalités n'évolueront pas. Si une fille tombe enceinte hors mariage son sort est vite scellé. La mort ou la répudiation… Pour certaines, la seule solution reste l'avortement avant la naissance de l'enfant non désirée !
6- L'héritage
L'autre dimension juridique du statut de la famille est constituée par le chapitre relatif aux successions ; question complexe et ardue, s'il en est. Ainsi, des dispositions générales énoncées (articles 126 à 138), celles de l'article 138 paraissent curieuses du point de vue de la formulation. Cet article est ainsi libellé : « Sont exclues de la vocation héréditaire les personnes frappées d'anathème et les apostats. » Quant à l'article 143, il détermine les parts de succession ; la moitié, le quart, le huitième, les deux tiers, le tiers et le sixième. Les catégories d'héritiers délimitées sont au nombre de trois : les héritiers réservataires (héritiers fard), les héritiers universels (héritiers aceb) et les héritiers par parenté utérine ou cognats (daoui el arham). Or, autant pour la première catégorie, il y a une certaine équité respectée entre hommes et femmes, autant pour la seconde on peut relever quelques observations ; ainsi, l'article 150 du code indique que « l'héritier aceb est celui qui a droit à la totalité de la succession ».
A la tête des héritiers réservataires, ayant droit aux deux tiers de la succession, figurent les filles mais lorsqu'elles sont deux ou plus à défaut de fils de cujus (donc un fils de cujus - 2 filles ou plus ?). Il en est de même des descendants du fils du de cujus, des surs germaines et des surs consanguines. Quant à la mère, elle fait partie des héritiers réservataires ayant droit à un tiers et encore « à défaut de descendance des deux Sexes du de cujus ».
L'héritage est un aspect important du fonctionnement de la société, il est révélateur des rapports sociaux, des relations entre les sexes et du degré de leur évolution. Il pourrait être appréhendé comme un « phénomène social total », tant il est lié à tous les aspects de la vie sociale. La transmission des biens ne peut se réduire à une question matérielle, le mode de partages des successions est une affaire de structure qui relève aussi du culturel, du politique et du social. Ceci explique la place centrale qu'occupe la question de l'héritage dans le combat pour une société juste et égalitaire.
Cette importance de la problématique successorale n'a pas échappé aux associations féministes et aux organisations des droits humains, faisant de l'égalité dans l'héritage une de leurs revendications.
Cette revendication, si elle venait à se concrétiser, se traduirait par des bouleversements de la structure familiale et sociale et ferait perdre aux hommes leurs privilèges de masculinité dans ce domaine, ce qui explique en partie les difficultés rencontrées pour mener des actions en faveur des femmes en matière successorale et le maintien de l'inégalité dans l'héritage dans le code algérien de la famille.
L'héritage relève du droit, mais aussi des pratiques sociales, et la réalité sociale et politique ne favorise pas une avancée dans ce domaine. Tout est mis en place pour éloigner les femmes de la possession et les éliminer de la succession. Hériter, posséder pour elles signifieraient le renversement total de leur situation. L'enjeu est grand et la question est sensible et délicate. Dans ce contexte, les interrogations portent chez les féministes sur l'attitude à adopter, sur des stratégies à définir pour ne pas heurter la société et sur le référentiel à choisir. Si la majorité des militantes restaient attachées au registre de l'universel et de la laïcité, la question n'était pas pour autant résolue.
L'heure est venue pour les femmes de crier haut et fort la nécessité d'établir aussi l'égalité dans l'héritage et mettre fin à cette injustice qui trouvait sa justification dans les règles islamiques. Ces règles n'accordent pas d'obligation d'ordre économique à la femme dans la famille, c'est aux hommes que revient la responsabilité d'assurer les dépenses du ménage. Cette justification n'a plus sa raison d'être au vu des transformations que connaît la société. Les femmes jouent de plus en plus un rôle important dans le développement économique au niveau national et participent réellement à l'entretien du ménage par le travail qu'elles effectuent à l'intérieur et à l'extérieur de l'espace familial.
Il est certain que notre société continue, dans sa majorité, à se référer à la charia pour régler la question successorale. Le pouvoir politique actuel, qui s'exprime par ailleurs sur les droits des femmes, reste muet sur cette question de l'héritage.
II- La femme et la CEDAW(10)
Comme vous le savez, l'Algérie a mis des réserves qui découlent du code de la famille. Ces réserves qui vident la convention de son sens et les préoccupations sont celles qui concernent l'article 2 : «...Prendre toutes les mesures appropriées, y compris des dispositions législatives, pour modifier ou abroger toute loi, disposition réglementaire, coutume ou pratique qui constitue une discrimination à l'égard des femmes...» ; L'article 15 : «...les Etats parties reconnaissent à la femme une manière civile, une capacité juridique... à circuler librement et à choisir leur résidence et leur domicile...» et l'article 16 : «... le même droit de contracter un mariage, de choisir librement son conjoint et de ne contracter mariage que de son libre et plein consentement, les mêmes droits et les mêmes responsabilités au cours du mariage et lors de sa dissolution ; les mêmes responsabilités en tant que parents...» Qui font de la femme algérienne, quel que soit son âge, ne peut consentir seule au mariage et qu'elle ne peut divorcer que dans des conditions contraignantes. Et n'oublions pas, que sur le plan constitutionnel les traités sont supérieurs à la loi (article 132) !!!
Le Comité pour la Cedaw a, le 11 janvier 2005, engagé l'Algérie à achever la révision du code de la famille et à promouvoir dans les faits l'égalité entre les hommes et les femmes. Le 2ème rapport périodique présenté par la délégation algérienne conduite par le représentant permanent auprès des nations Unies, Abdallah BAALI, en application de l'article 18 de la convention sus – citée, stipulant que : « Les Etats parties s'engagent à présenter au secrétaire général de l'organisation des Nations Unies, p ur examen par le Comité, … un rapport sur les mesures d'ordre législatif … tous les 04 ans ». Notons ainsi, que le gouvernement algérien ne considère pas les articles 2 (cadre juridique) et 16 (mariage et famille) comme l'essence, même, de la convention
En conclusion, nous dirons que la mise en place d'une véritable démocratie en Algérie passe la mise en place des lois civiles égalitaires.
Il faut aussi instaurer une protection juridictionnelle des droits des femmes sur un pied d'égalité avec les hommes, de garantir leur protection effective contre tout acte discriminatoire, de les laisser se ré – approprier leur histoire ; développer leur capacité à s'exprimer comme des êtres spécifiques indépendants, responsables et irréductibles à l'homme ; et il ne faut pas être accroché à des archaïsmes face aux profondes mutations que connaît la société algérienne. Peut – être bien, qu'en ce 08 mars 2011, l'histoire retiendra au moins que : «…le développement complet d'un pays, le bien-être du monde et la cause de la paix demandent la participation maximale des femmes à égalité avec les hommes, dans tous les domaines.» (11)
Honneur aux femmes, à leur beauté, a leur courage et leur juste cause.


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