Sortir la langue arabe de son cloisonnement, produire de l'information culturelle, contribuer à la promotion de la culture en Algérie et dans le monde arabe, c'est ce que propose le nouveau web-magazine Nafha. «Il n'est pas toujours évident de trouver sur le Web algérien des médias en ligne qui traitent de l'actualité culturelle. Soit ils sont éphémères, soit peu documentés», pense Rachid Dahou, écrivain. «Je crois que Nafha est bien parti pour rassembler tous les éléments du magazine et de l'actualité artistique en Algérie et ailleurs. La langue utilisée est accessible, c'est ce qui fait la particularité de ce site que je consulte quotidiennement.» Les sites d'information culturelle sur la Toile algérienne font principalement de la promotion et peu de critiques et de réflexions. Nafha est un nouveau web-magazine lancé le 11 janvier dernier, une date symbole puisqu'elle marque la naissance de Tahar Djaout. «Ce projet a été conçu il y a presque un an. Nous avons passé plusieurs mois à discuter avec des confrères sur la création d'un nouvel espace de débat et de communication, en langue arabe, libre et indépendant, qui libère surtout l'esprit arabophone de la prédominance du “religieux'', et du “politiquement correct'', qui ouvre grand la porte à l'autocritique, et comment dynamiser ce qu'on appelle le ‘‘Digital média'' (contenus d'informations sur le Net) en Algérie, et puis expérimenter de nouvelles formes de communication, et aborder des sujets et des questions, parfois délicats, que les médias classiques cachent ou censurent», explique Saïd Khatibi, écrivain, journaliste et membre fondateur, avec Salah Badis, de cet espace. Dialecte «Dès les premiers mois de 2011, le digital média a explosé dans le monde arabe. Il a fait de grands pas. Malheureusement, l'Algérie est restée en retrait de ce qui s'est passé en Egypte ou bien en Tunisie ou encore au Liban. La plupart des nouveaux supports médiatiques sur internet, en Algérie, sont en langue française, le lectorat arabophone ne s'y retrouve pas», précise-t-il. En effet, le Web algérien regorge de blogs, de sites personnels, de forums, de sites d'information en langue française. «On pense en algérien, mais on écrit en français», dit Rachid Dahou. Le mot «nafha» est à lui seul la réappropriation de la langue arabe et du dialecte algérien. «Nous avons choisi le mot “nafha“ parce qu'il est purement algérien, on ne l'entend qu'en Algérie, même si ce mot existe déjà dans le dictionnaire de langue arabe, mais avec une autre définition que celle que nous lui donnons ici. Nous l'avons pris dans son sens algérien. Nous partons du local pour traiter de l'actualité nationale, régionale et internationale. Le but du web-mag Nafha est de se focaliser sur l'actualité politique, économique, sociale, sportive, tout en traitant les sujets de manière culturelle», ajoute Saïd Khatibi. Sur le site Nafha, vous trouverez plusieurs rubriques qui traitent de littérature, de musique, de faits politiques, de harcèlement sexuel, de réflexions piquantes sur la société. Les textes sont écrits dans une langue fluide et accessible. Mutations «Il faut reconnaître que la langue arabe classique ne convient pas aux nouveaux médias. C'est une langue officielle ou de littérature, mais pas une langue de communication. La langue arabe n'a pas pu suivre les mutations qui ont touché la société ces dernières années, elle s'est trouvée incapable de suivre le “tsunami'' des nouvelles technologies. Elle ne s'est pas renouvelée. Le lecteur algérien en a ras-le-bol de la redondance dans laquelle baignent des médias classiques de langue arabe (journaux, radio et télévision), il a retrouvé, depuis quelques années, une bouffée d'oxygène, dans les réseaux sociaux où se développent de nombreuses pages qui font du journalisme-citoyen, avec un langage très proche des jeunes d'aujourd'hui, des pages qui comptent de milliers de followers (suiveurs). Dans Nafha, nous développons une langue arabe journalistique qu'un Algérien, un Egyptien ou un Koweïtien peuvent tous comprendre», conclut-il. Aujourd'hui, Nafha s'engage sur le Web en diffusant des contenus à travers son site officiel et les réseaux sociaux. Ses fondateurs espèrent profiter de cette expérience pour éditer le concept sur papier et le mettre «entre les mains des lecteurs». Faten Hayed