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Amin zaoui: «Il n'y a pas d'écriture sans plaisir»
Publié dans AlgerieNetwork le 20 - 03 - 2012

Kalila : Après les romans « Le festin de mensonges » et « La chambre de la vierge impure » et la nouvelle « Irruption d'une chair dormante », vous récidivez en publiant « Le chamelier des femmes et des boucs », pouvez-vous résumer aux lecteurs de KALILA , l'histoire de ce dernier roman écrit en arabe et paru aux éditions El Ikhtilef en 2010 ?- JEUDI 29 mars 2012 à 18H30
Amin ZAOUI : c'est un roman sur la religion et les femmes. « Le chamelier des femmes et des boucs » décrit la traite blanche contemporaine, ans un pays où la religion est devenue un fonds de commerce. Cette problématique est présentée à travers l'histoire de trois soeurs françaises chrétiennes qui, un jour, décident d'embrasser l'Islam.
Chacune des trois a été poussée vers cette religion par une envie personnelle. L a première est habitée par l'image d'homme musulman. Symbole d'une virilité taillée du soleil et du dynamisme que traverse le monde musulman. E lle vient à cette religion pour assouvir sa soif sexuelle.
La deuxième, c'est par amour de la culture arabo-musulmane et pour contrer sa mère militante dans un parti xénophobe. Cette maman qui déteste les musulmans et les arabes et quitte son mari professeur d'université spécialiste de la poésie arabe. La troisième soeur, ou plutôt une demi-soeur, elle, s'est trouvée poussée vers l'islam par son copain qui est un agent de service de sécurité.
Ce dernier cherche à s'infiltrer dans les milieux des groupes islamiques en A lgérie. La cérémonie de l'islamisation, ou le baptême islamique, se déroule dans une petite mosquée à Ghazaouet, ville de Abdelkader Secteur ! Un long entretien illustré par des photos des trois filles en costume islamique fait la une d'un journal arabophone d'un tirage énorme ! Dans cet entretien les trois soeurs désirent se marier avec des algériens selon la charia islamique.
Cette information va drainer un monde fou à la mosquée et au siège du journal et dans la ville de Ghazaouet. L es appels téléphoniques pleuvent sur le standardiste de la radio régionale. Chacun tente sa chance, à commencer par l'imam qui a présidé la séance de la prononciation de la chahada islamique. « Le chamelier des femmes et des boucs » est écrit sur un ton d'humour noir, dans une langue poétique proche de l'arabe algérien.
Kalila : Les titres de vos livres évoquent d'emblée des sujets qui semblent au commun des lecteurs, tabou. Est-ce un choix de votre part de traiter des faits douloureux en adoptant ce style fin et sensuel qui distingue votre écriture ?
Amin ZAOUI : Dans les moments les plus douloureux que peut traverser l'homme, il y a toujours cette bribe de plaisir qui est la planche de sauvetage, capable de réveiller en nous la résistance. J'aime écrire le plaisir, toutes sortes de plaisirs : charnel, spirituel ou intellectuel, qui combat et en permanence la violence et la laideur du monde qui nous entoure.
La chose la plus noble, la plus vivace et la plus fragile en nous c'est l'amour. Je suis l'écrivain des femmes et de l'amour dans un pays où, de plus en plus, on cultive la haine et l'injustice envers les femmes. Je suis le fils de ma mère, le père de ma fille et l'amant de ma femme ! Même dans les jours les plus dures comme ceux des guerres atroces, l'amour des femmes, les trahisons et les fidélités demeurent. J
e porte beaucoup d'attention aux titres de mes romans. Parfois un titre est déclencheur de tout un roman. Il est, parfois, la matrice d'une trame. Je passe des jours à choisir un titre. Je crois que le titre d'un roman c'est la bonne carte d'invitation à la lecture.
Kalila : Vous êtes un parfait bilingue puisque vous écrivez, avec la même aisance, en arabe et en français. Mais qu'elle est votre langue de prédilection, le verbe qui traduit fidèlement votre inspiration ?
Amin ZAOUI : I l n'y a pas d'écriture sans plaisir ! En écrivant, dans l'acte charnel d'écrire, avec toutes ses complexités psychoépistémologique, je ne me pose pas la question de la langue avec laquelle je fais cet amour. Je ne fais pas de concession ni de compromis, les deux langues détiennent une partie de mon jardin secret.
Dans une langue ou dans l'autre, j'appartiens à l'écriture, à la liberté et à l'aventure. Quand j'écris dans une langue ou dans une autre, je m'aperçois comme jeté dans l'eau, il faut nager, parvenir au plaisir. Dans les deux langues je me sens avec deux ailes, je vole avec un équilibre et une assurance ! Toutes les langues, sans exception aucune, sont capables, par le génie créatif de leurs écrivains et de par leurs peuples qui les pratiquent, de dire, de porter toutes les folies et toutes les sagesses. Mon rapport à la langue française n'est pas celui de Kateb Yacine ou Mohamed Dib, moi je suis le produit de l'Algérie indépendante.
Je n'ai aucun complexe envers cette langue que j'aime beaucoup. D ans mes romans j'essaie de trouver cette hospitalité des langues. A insi j'ai mon français à moi, je le forge avec une musicalité dégagée par le parfum d'une autre langue qui est l'arabe dialectal et classique. E t j'ai mon arabe à moi, où les structures du français démantèlent la mémoire de la phrase arabe. On trouve dans mes romans en arabe des dialogues en français. J'aime garder ce jeu, plutôt cette valse : de gauche à droite et de droite à gauche. Mais il faut signaler que en écrivant en arabe j'ai une grande peur envers le lecteur arabophone.
Je sens que ce lecteur est, en quelque sorte, formaté ! J'ai constaté ce phénomène dans plusieurs débats et rencontres publics et universitaires, auxquelles j'ai participé. L'écrivain, le dérangeur bien sûr, une fois arrivé à surmonter les interdits imposés par les institutions politiques ou culturelles, se trouve face à un autre obstacle qui n'est que son lecteur : la peur provoquée par le lecteur arabophone est plus violente, plus dangereuse que celle imposée par l'institution. Ecrire en arabe moderne, écrire la bonne littérature celle capable de casser les tabous, c'est aussi « fabriquer » un nouveau lecteur arabophone.
Kalila : J'ai lu que votre roman « Le Sommeil du mimosa », publié en 1997, a été adapté à l'écran en 2004 dans « Le thé d'Ania » de Saïd Ould Khelifa.Vous a-t-on proposé des projets de ce type ?
Amin ZAOUI : J'aime beaucoup le travail de Saïd Ould Khelifa, il est réalisateur mais aussi un bon lecteur de roman, un bon critique d'art, l'expérience de « Sommeil du imosa » en film avec S.O.K m'a appris des choses sur l'écriture du scénario. E t je pense qu'il n'y a pas de grand cinéma sans la grande littérature et notamment le roman.
J'ai signé un contrat pour l'adaptation à l'écran du « Festin de mensonges ». Un autre projet cinématographique, cette fois-ci l'expérience est avec le réalisateur Malek B ensmail. Je pense que Malek Bensamail est le réalisateur qui symbolise la nouvelle génération des réalisateurs algériens. Il annonce la naissance un cinéma de réflexion, un cinéma intelligent. Malek est un intellectuel et un bon dévorateur de la littérature et la philosophie. Le projet est en phase d'écriture du scénario.
Kalila : Avez-vous un autre livre, roman ou nouvelle, en chantier ?
Amin ZAOUI : J'ai fini la dernière écriture d'un nouveau roman que j'ai intitulé « Le dernier Juif de Tamentit ». C'est un roman qui, à travers l'histoire complexe d'une ville plurielle du sud algérien Tamentit, questionne et raconte l'histoire de l'Algérie dans sa diversité religieuse et ethnique. Le roman retrace la vie d'une famille juive algérienne de Tamentit.
Même si l'histoire est romancée, « Le dernier juif de Tamentit » est le fruit d'un long travail que j'ai réalisé sur de nombreux manuscrits en arabe, Les documents en français et en espagnqui traitent l'histoire de la région de Tou


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