Pourquoi n'arrivons-nous pas à “commercialiser” nos jeunes écrivains de langue arabe ? À les mettre en valeur ? Si nos jeunes écrivains en langue française, à l'image de Salim Bachi, Mutapha Benfodil, Kamel Daoud, Habib Ayyoub, Chawki Amari, Aziz Chouaki, Faïza Guen, Slimane Aït Sidhoum, Nacéra Belloula et d'autres sont plus au moins lus et connus par un certain nombre de lecteurs, leurs confrères en langue arabe, à l'instar de Bachir Mefti, Samir Kacimi, Kamel Krour, Saïd Khatibi, Sara Haïder, El Kheïr Chouar et d'autres, sont, ou sont presque, inconnus par le public littéraire en Algérie et dans le monde arabe. L'Algérie littéraire est une société à deux vitesses ! Cette question m'a longtemps rongé et dérangé, culturellement et littérairement. La société littéraire algérienne contemporaine de langue française cultive une tradition dénommée : le respect de la relève ou le renouvellement historique et esthétique. De l'autre côté, la société littéraire algérienne, de langue arabe, entretient un “phénomène” baptisé “le maraboutisme littéraire” ou “la divinisation du vieux”. La société de la littérature francophone, en regardant vers le futur et en créant son avenir, tue en permanence “le père” afin d'en rechercher un autre, plus légitime. Plus viril ! En contrepartie, nos littérateurs en langue arabe se prosternent devant “la statue” morte, la Statue de sel (1953), pour reprendre le titre très symbolique de ce beau roman de l'écrivain tunisien Albert Memmi. L'imaginaire, dans la société littéraire algérienne arabophone, “fabrique” l'écrivain (le créateur) avec des ingrédients d'un fékih, d'un imam. À l'aide de ces ingrédients passéistes, on élève une mystification mensongère autour de quelques morts-vivants. Dans et par cette vision, les écrivains algériens arabophones, exception faite, aiment le “vieux”. Une envie de rester dans le passé les hante. Une peur ! Un manque de confiance en soi ! On cherche alors à remplacer le présent par le passé ! Dans la littérature en langue française, on cherche le nouveau, la découverte, sans désavouer la mémoire. Sans tromper le père qu'on tue ! On tue le père, mais on ne le trompe jamais. Sa mort est vivante, intégrée dans les vies des nouveaux arrivés du verbe et de la lettre ! Kateb Yacine, par son génie et son talent inégalé, n'a jamais constitué un obstacle ou un barrage dans le parcours naturel de la société littéraire algérienne de graphie française. Rachid Boudjedra, par son roman-phénomène, la Répudiation (1969), a pu creuser son trou au temps où les géants étaient encore de ce monde : Kateb Yacine, Mohamed Dib, Malek Haddad, Assia Djebar, Mouloud Mammeri… Et parce que l'association de l'Union des écrivains algériens, que Dieu accueille son âme dans son vaste enfer ! est dirigée par un groupe d'écrivains made in Taïwan, cet espace est mort. Assassiné en plein centre d'Alger ! Jadis, ce lieu d'échanges, créé et fondé par Mouloud Mammeri, Malek Haddad, Moufdi Zakariya, Jean Sénac, Djounaïdi Khalifa, Djamel Amrani et Kaddour M'hamessadji et d'autres, représentait “l'Algérie culturelle”. L'Algérie plurielle qui regarde vers l'avenir. Qui médite sur son futur ! Une Algérie qui refusait de donner le dos à la mer ! À suivre… A. Z. [email protected]