Longtemps affublé du sobriquet de « Petit Paris », Oran est devenue une ville où la criminalité commence à prospérer. L'opération combinée menée dans la nuit de mercredi à jeudi par les éléments de la Gendarmerie nationale épaulés par ceux de la Sûreté nationale en est la preuve patente. L'effectif des forces de l'ordre toujours consistant a été renforcé pour la circonstance. Quelque 460 gendarmes furent ainsi mobilisés, soutenus par 250 agents de la police, chacun s'étant pourvu de son équipement. Par cette opération, il s'agissait, à en croire les dires des responsables, de juguler un tant soit peu la criminalité en hausse dans ville d'El Bahia. Celle-ci, déclenchée le 21 août, est baptisée du nom quelque peu loufoque de Sakina (quiétude). Plus explicite, le commandant du groupement de la gendarmerie d'Oran, le colonel Benamane, attestera : « La dernière opération combinée avec les services de la police remontant à quelques mois portait le nom de Sator. Celle d'aujourd'hui (mercredi) vise à garantir aux citoyens la quiétude qui leur fait tant défaut. » Aussi, ces opérations menées d'arrache- pied visent à resserrer l'étau autour des poches de criminalité. Les chiffres communiqués par les services de la Gendarmerie nationale ne font, pour tout dire, que confirmer ce constat atterrant, connu du citoyen. Les raisons, à en croire les dires du colonel Benamane, en sont multiples. « Quoiqu'une certaine décrue est perceptible, la criminalité connaît toujours des bonds, favorisés par la déperdition scolaire et la promiscuité dont pâtissent les familles algériennes du fait de la crise du logement. Aussi, le chômage contribue dans une large part à cette situation. D'ailleurs, pas moins de 55% des personnes interpellées sont inactives. » Première halte de cette opération coup-de-poing à laquelle ont été conviés des journalistes : le quartier de l'USTO, à l'ouest d'Oran. A forte concentration humaine, ce quartier de 22 000 habitants, atteste-t-on, reste l'une des poches de la délinquance les plus persistantes. La brigade, s'y trouvant, couvre trois régions, à savoir Bir El Djir-Est et Ouest et Sidi El Bachir. Les infractions qui y sont les plus répandues sont l'immigration clandestine, les vols de véhicules et la fausse monnaie. Les éléments de cette brigade ont ainsi mis la main sur un faussaire qui était en possession d'un million de faux dollars. Même les travailleurs chinois des chantiers de l'AADL s'y mettent avec fracas. Certains ont été déférés devant le parquet pour divers forfaits, dont le racolage. Aussi, la présence, dans le tissu urbain des établissements universitaires composés de plus de 20 000 étudiants ne facilite point la tâche à la brigade de Bir El Djir, qui a pris ses quartiers à quelques pâtés de maisons de là. Toutefois, le séjour illégal reste aussi l'un des problèmes que s'efforcent de juguler les éléments du Dark sans toujours y parvenir. Des ressortissants marocains ont été interpellés et conduits à la brigade au cours de l'opération. La mine décatie, mais le verbe toujours acéré, ils expliquent la raison de leur escapade à Oran par la recherche du travail. Passer les frontières n'est guère une sinécure, lâchent-ils. Pour ceux dont les pieds sont délicats, il suffit, à les entendre, de soudoyer les gardes-frontières de sa majesté le roi. Le bilan des trois jours d'opération fait ressortir d'ailleurs l'interpellation de 7 ressortissant étrangers. « On fait pareille prise chaque jour », fait-on remarquer. El Hassi dans le collimateur L'autre halte intéressante fut au quartier El Hassi, connu des Oranais comme l'un des endroits où l'on ne peut s'aventurer sans risque d'être assailli. Des constructions illicites ont vu le jour dans ce lieu. Toutes les wilayas, atteste M. Benamane, ont pris pied dans ce quartier appelé communément Coka, en raison, explique-t-on, de la présence dans les environs de l'usine de la boisson fétiche des yankees. On s'y installe d'ailleurs par région de provenance. Des jeunes sont fouillés sous l'œil désintéressés des habitants. A peine l'opération entamée dans ledit quartier que des jeunes visiblement apeurés par la présence des gendarmes détalent à grandes enjambées. S'en suivra alors une course-poursuite. Les jeunes se sont engouffrés dans un-cul-de-sac avant d'être « pris au fait ». L'un d'eux, signale-t-on, est connu des services de la gendarmerie. M. Chergui, officier de police tenant sous sa houlette le territoire situé entre la cité des Amandiers et celle d'El Hassi, ne se fait guère d'illusions. Pour lui, la criminalité connaît des proportions inégalées par le passé. Les infractions qui sont les plus courantes sont les atteintes aux biens et l'autre phénomène ayant connu une courbe ascendante : le proxénétisme. Il n'y a pas d'endroit dans la wilaya où l'on ne peut constater pareil phénomène. Le plus touché est le quartier Saint Pierre au cœur d'Oran. L'écho d'une personne ayant percuté un piéton nous est parvenu. Elle sera filée et arrêtée et fera l'objet d'une inculpation pour délit de fuite. Les accidents de la circulation ont connu une réelle poussée. Les routes les plus touchées sont les RN2, 2A, 4, 11, 13. Le parc autoroutier n'est pas des moindres dans la mégapole oranaise, dont les contours sont toujours imprévisibles. Pas moins de 2 millions de voitures sillonnent les routes d'Oran, abhorré par Albert Camus, pour le fait qu'elle « tourne le dos à la mer » ; fait, par ailleurs, attristant qu'elle s'efforce de démentir, la grande bleue étant devenue une véritable attraction bien que la saison estivale tire à sa fin. Le facteur humain est mis en avant dans la plupart des bilans du groupement de gendarmerie de la wilaya d'Oran. Par ailleurs, le bilan de l'opération, déclenchée le 21 août et qui a pris fin dans la nuit du 23, fait ressortir l'interpellation de 69 personnes, dont 16 l'ont été pour détention d'armes prohibées et 26 pour consommation de drogue et recel de stupéfiants. De plus, 4 autres individus ont été appréhendés pour atteinte à l'intégrité physique des personnes. Les éléments de la gendarmerie ont aussi écroué un mineur qui s'est enfui du centre de redressement de Gdyel. Bilan du 1er janvier au 31 juillet Le bilan du groupement de la gendarmerie d'Oran est des plus atterrants. Ainsi, il fait ressortir l'interpellation de quelque 187 personnes impliquées dans 105 crimes et 148 délits contre les biens. Situé un cran au-dessus, pas moins de 28 crimes et 783 délits ont été commis contre les personnes dans la même période impliquant 861 personnes. 26 individus seront poursuivis pour crimes et délits contre l'ordre public. Aussi, 67 personnes ont été interpellées pour atteinte à la famille. 140 affaires liées à l'immigration clandestine ont été enregistrées et 245 étrangers ont été arrêtés dans ces mêmes affaires. 89 nationaux ont été interpellés pour tentative d'immigration clandestine. 276 affaires liées au trafic de stupéfiants se sont soldées par la saisie de 10 kg de kif traité. Par ailleurs, les accidents de la circulation ont vu leur nombre s'accroître cette année. Le nombre d'accident pour les 7 mois est de 628 alors qu'il était de 596 l'année dernière et de 605 en 2004. Le nombre de morts a connu une nette augmentation. Il est de 100 en 2006 alors qu'il était de 75 l'année passée et de 83 l'année d'avant.