Ce livre de 158 pages, contenant une cinquantaine de cartes et une quinzaine de graphiques et tableaux, révèle la progression à travers le temps et l'espace de la colonisation dans l'Est algérien. Pour mieux comprendre le présent et appréhender l'avenir, il est nécessaire d'analyser le passé. C'est précisément ce que propose cet ouvrage à travers les mutations systémiques du domaine foncier algérien et, tout particulièrement, le monde rural, régi par plusieurs statuts juridiques dont l'Algérie héritera à son indépendance. Ce sont pas moins de 3 millions d'hectares (35% de SAU) d'espace colonial privé contrôlé par 150 000 colons qui sont ainsi concernés. C'est dire l'importance de ce travail de recherche auquel cette géographe émérite a consacré plus d'une dizaine d'années. Comment était organisé l'espace foncier algérien à la veille de l'occupation française ? Pendant la colonisation ? Quel est le bilan de l'organisation territoriale après 130 ans de présence coloniale ? Autant de questions dont les réponses se trouvent au-dessous des cartes et graphiques que la géographe expose avec beaucoup de pédagogie à ses lecteurs. C'est à travers des cartes thématiques et des graphiques que nous tentons de répondre à ces questions. L'évolution agraire de l'Algérie est de ces éléments complexes que les textes et chiffres ne suffisent pas à analyser. Car le long épisode colonial y a multiplié les bouleversements, imbriqué statuts traditionnels et législation moderne. Cette étude est développée dans un cadre spatial suffisamment vaste (l'Est algérien, ancien département de Constantine) qui traduit l'espace national dans le sens où il englobe les trois grands ensembles géographiques de l'Algérie du Nord : Tell, hautes plaines et chaînes atlasiques). Un cadre temporel tout aussi vaste : 150 ans de l'époque précoloniale à l'époque actuelle. La cohérence traditionnelle qui caractérisait le système agraire algérien il y a quelque 200 ans a peu à peu disparu avec l'implantation coloniale. Une nouvelle société agraire est née avec des formes nouvelles d'appropriation de la terre sous-tendues par un arsenal juridique judicieux qui permit l'appropriation des terres autochtones. Il s'agissait de mettre en place une nouvelle société caractérisée en particulier par des relations avec la terre, très différentes de celles qui avaient existé sur place. De nouveaux statuts fonciers apparaissent, tels que terres domaniales, communales, privées européennes, titrées… Deux lois foncières eurent un impact très important et déstructurant sur l'espace agraire : la loi «Warnier» et le sénatus-consulte de 1863. Pendant plus d'un siècle fut maintenu un système dualiste, opposant une agriculture coloniale moderniste, occupant les meilleures terres, à une agriculture archaïque marginalisée et cantonnée sur les secteurs les moins productifs. C'est dans le cadre de la récupération du patrimoine national que l'Algérie indépendante et socialiste décida de la nationalisation des terres coloniales, ainsi que la mise en place de structures de production originales, en instituant un système d'autogestion. Mais en fait, on assista à un simple transfert structurel d'un secteur à l'autre. A l'heure actuelle, on constate un retour et une consolidation de la propriété privée et à l'accès à la propriété du domaine privé de l'Etat à travers les concessions… Les différentes évolutions précitées sont analysées à travers différentes cartes thématiques dont le but est précisément de mettre l'accent sur les bouleversements, les continuités de la dichotomie : melk/arch. (pré-coloniale) au bout de 130 ans de colonisation et 50 ans d'indépendance.