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Opposition et presse indépendante : Le temps de la répression
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Publié dans El Watan le 21 - 03 - 2015

En choisissant la fête de la Victoire pour régler ses comptes avec ses adversaires politiques, le chef de l'Etat divise en désignant l'opposition qui se laisse glisser sur «la dangereuse pente de la politique de la terre brûlée».
Une attaque jugée excessive et étrange de la part d'un Président qui dit vouloir renforcer «le front intérieur» pour faire face aux dangers extérieurs. Un discours belliqueux et un affolement qui semblent trahir la panique qui saisit le pouvoir de Bouteflika, à lui faire perdre le sens de la mesure et révéler son incapacité à se hisser à la hauteur de la gravité de la situation. Au blocage politique et économique dont la responsabilité incombe totalement à son pouvoir, le Président propose de verrouiller davantage les rares espaces politiques et mater une opposition qui a réussi son pari en forgeant une large coalition.
Mis en difficulté politique, le pouvoir de Bouteflika n'arrive plus à ouvrir des perspectives sérieuses et rassurantes pour le pays et cherche à désigner ses adversaires comme seuls responsables de la déliquescence de l'Etat. Toute critique est ainsi assimilée à une menace pour le pays. Bouteflika, à travers son discours du 19 Mars, envoie le signe d'un homme qui se confond avec l'Etat et la nation. Il «promet» des lendemains de répression.
Dans sa violente charge, le chef de l'Etat n'épargne pas la presse indépendante à laquelle il voue une aversion qui ne fait plus mystère. Le Président désigne ainsi une profession qui n'a «aucun souci de son éthique professionnelle». Une attaque qui s'inscrit en droite ligne de la guerre faite aux journaux et qui a pris une tournure ignominieuse depuis le quatrième mandat.
Après les insidieuses méthodes – qui ont échoué – visant à étrangler financièrement les journaux, Bouteflika va-t-il oser fermer les titres de la presse indépendante ? En tout cas, c'est ce que suggère son propos en affirmant que «cet état de fait nous met dans l'extrême obligation d'user d'un surcroît de fermeté et de rigueur pour défendre l'Etat. C'est un devoir constitutionnel, légal, légitime et moral qui ne peut souffrir ni report ni dérobade».
Le pouvoir de Bouteflika fait donc des menaces contre l'opposition et la presse libre son programme politique. «Pathétique. Il donne un fort sentiment qu'il n'a pas d'agenda politique et économique, à part celui de demeurer au pouvoir le plus longtemps possible», commente Abdelaziz Rahabi. «C'est un aveu de faiblesse, un signe de panique qui renseigne sur l'incapacité du Président, en ce moment, à diriger le pays.
En lieu et place d'expliquer aux Algériens les défaillances de sa gouvernance, la persistance de la corruption et l'impasse dans laquelle se trouve le pays, il accuse l'opposition de tous les maux», ajoute encore l'ancien ministre. M. Rahabi n'exclut pas que le discours du Président ait été «inspiré par son entourage immédiat, qui se substitue à lui dans la gestion des affaires». Dans un passé récent, de nombreux acteurs politiques n'ont cessé d'alerter sur le «délitement de l'Etat» et le «transfert de ses pouvoirs vers des cercles informels» qui échappent à tout contrôle et qui ont accumulé des fortunes colossales, rendant l'Etat impuissant.
Faut-il rappeler, à ce titre, les propos d'Ahmed Ouyahia, alors chef de gouvernement, qui a parlé de «l'argent sale qui gangrène l'Etat». La puissance de l'argent, avec ses ramifications à l'international, s'emploie à s'emparer du pouvoir en domptant ses traditionnels instruments. Les informations qui font état de l'éventuelle dotation de l'oligarchie d'un parti politique renforcent cette hypothèse.
«Ubuesque»
Il faut dire que la base politique du «parti du quatrième mandat» ne cesse de se réduire à mesure que des contradictions, voire des désaccords, s'expriment à l'intérieur même du sérail sur la marche à suivre. Le Parti des travailleurs, qui pourtant était de ceux qui ont appuyé la stratégie de Bouteflika, non seulement a fini par prendre ses distances, mais aussi par sonner la charge contre une «oligarchie» qui s'emploie à s'emparer des leviers stratégiques du pouvoir politique et économique.
Si Louisa Hanoune a «crucifié» le ministre de l'Industrie et des Mines, Abdessalem Bouchouareb, et son ami le président du Forum des chefs d'entreprises, Ali Haddad, elle a aussi fortement interpellé le frère cadet du Président. Mme Hanoune somme Saïd Bouteflika – qui apparaît comme étant le chef de file de «l'oligarchie» – de s'expliquer.
Des observateurs ont interprété la sortie politique de Louisa Hanoune comme une attitude révélatrice d'une guerre de tranchées entre les différents pôles du pouvoir, même si d'autres estiment que «tout le monde au sein du pouvoir s'accommode de cette situation». De toute évidence, le discours de Bouteflika censé apporter des réponses adéquates à la crise multiforme qui déchire le pays, a paradoxalement délivré un message étrangement provocateur. «Nous sommes dans un Etat ubuesque», résume un ancien dirigeant en rupture de ban depuis 1999.


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