Le centre culturel Historial d'Alger a abrité, du 21 au 23 mars, une exposition d'arts visuels intitulée «Flash-Meute Istikhb'Art». Derrière ce nom énigmatique, une vingtaine de jeunes passionnés réunis pour trois jours de partage et de débats autour de la création artistique. Organisée dans un édifice qui a très peu servi depuis son inauguration en 2012 malgré son excellent emplacement au centre d'Alger, l'expo est le fruit de la rencontre de deux groupes facebook : «Point de lecture», versé dans la lecture et la création littéraire et «Istikhb'Art», espace d'exposition virtuel pour jeunes artistes «numériques». Le premier a apporté son réseau, nous explique Lydia Saïdi, une des animatrices de la page, et son savoir-faire en organisation (la page a déjà organisé des rencontres littéraires autour de sa revue en ligne La Meute). Le second a réuni des artistes qui, pour beaucoup, exposent pour la première fois dans la vie réelle (In real life, selon l'expression consacrée). A l'entrée, un panneau de coupures de presse avec, dessus, l'expression «Dernaha Djazairiya» (Nous l'avons faite Algérienne). Le slogan emprunté à une campagne publicitaire automobile nous dissuaderait presque d'aller plus loin. Mais l'explosion de couleurs et de formes nous appelle déjà à découvrir la dizaine d'artistes exposés. Le dessin se fait «cartoonesque» avec Abderraouf Smaili, fantastique avec Rima Kerkebane, ou encore graphique avec la peinture de Yazid Andalucia mêlant portraits et motifs façon enluminure. Dans la même veine, Abdelghani Hidouche conjugue art urbain et calligraphie dans ce qu'il nomme «calligrafitti». La photo est présente en force avec des expériences multipliées par les possibilités de la retouche numérique. On peut citer le lunaire «Kamoon on the Moon» (littéralement : cumin sur la lune) de Miliana et ses personnages perdus dans des villes en décomposition, ou encore Hakim Rezaoui avec des œuvres introspectives invitant à la méditation. On tombe aussi sur Luna Yedra, photographe et graphiste mexicaine en vadrouille en Algérie, qui imprime des motifs traditionnels sur les scènes d'un camp de réfugiés sahraouis. Le point commun de nombre de ces artistes est la recherche d'une interaction entre les outils technologiques, influant forcément sur le fond et la forme, et la recherche d'une identité. Le truculent Moustache nous explique son parcours entre sa fascination initiale pour l'art urbain et le pop art et l'intégration progressive d'éléments de la culture populaire algérienne. Parmi les icônes présents dans ses œuvres, on retrouve pêle-mêle Hasni, Athmane Ariouet, les Stan Smith (ces baskets associées aux années 80' et surtout aux manifestations de 88), et enfin la 404 bâchée. Cette voiture rafistolée à l'infini dans nos campagnes, atteignant une longévité miraculeuse, est la quintessence du bricolage culturel qui, finalement, fait aussi identité. Arborant fièrement sa moustache et son chèche enroulé sur la tête, l'artiste de Boumerdès explique que son objectif est de créer des super-héros algériens. De son QG d'El Madour, placette de la ville, il officie avec le poète de melhoun engagé, Abdelmadjid Arabe, sémillant jeune homme de 60 ans, ainsi que le musicien El 3ou qui «sample» des musiques algériennes avec du hip-hop. Le talentueux trio, qui s'exprime sur la Toile et dans la rue, nous rappelle en toute simplicité que pop art, melhoun ou hip-hop partagent la même sève populaire et la même charge subversive. Dans le même esprit, Moul El Djellaba se balade avec sa tenue traditionnelle à Oran et dans d'autres villes du pays devant des passants intrigués. Dans notre monde mondialisé, le simple fait de porter une tenue locale devient une performance. Le slogan automobile cité en début d'article prend finalement du sens grâce à ces créateurs qui, en se cherchant une identité, nous disent aussi qui nous sommes et ce que nous pouvons être. Centre culturel L'Historial. 18, rue Larbi Ben M'hidi, Alger.