S'il est «olfactivement» repoussant et, qui plus est, amoché par le désordre urbain qui lui sert d'écrin, le lac de Réghaïa – et plus généralement la zone humide dans laquelle il s'inscrit – est en réalité un véritable trésor floral, faunistique et ornithologique. D'ailleurs, la zone humide de Réghaïa fut classée en 2003 sur la liste des sites d'importance internationale définie par la Convention Ramsar (du nom d'une ville iranienne où elle fut adoptée le 2 février 1971). La menace qui pèse aujourd'hui sur cette zone «protégée» provient surtout de la pollution du plan d'eau par les rejets qui ne transitent pas par la station d'épuration, et qui comportent des substances chimiques fortement polluantes, voire toxiques. «Les déchets toxiques ? Matefrache. Ça ne s'arrangera jamais, martèle un cadre du centre cynégétique, la station est pourtant juste là, elle te dit khatini. Pourquoi, le lac est de notre ressort ? Ce n'est pas de notre ressort (l'épuration du lac). Nous, c'est le centre cynégétique. C'est ce que les gens ne comprennent pas. Ils croient que le lac est notre propriété. Mais nous n'avons rien à voir avec. Il faut voir plutôt avec la station d'épuration. Normalement, c'est son travail. Nous, on essaie simplement de le protéger. C'est une bombe atomique. Ici, ça va. Le pire, c'est ce qui est déversé directement, sans filtre. Ça ne passe pas par la station. Mais on essaie au maximum de protéger le site.» De son côté, la station d'épuration (voir notre reportage) invoque le fait qu'elle ne traite que les eaux usées préalablement raccordées à son réseau d'assainissement. En attendant un plan de fond pour épurer le lac, les rejets se poursuivent, avec leur lot d'effluents néfastes charriés par le bassin versant. Dans une étude effectuée par une équipe du laboratoire d'écologie végétale de l'université de Bab Ezzouar, on peut lire notamment : «Le lac sert de collecteur et de réservoir de pollutions diverses, provenant d'une part des déchets industriels et urbains, et d'autre part des eaux traversant les terres agricoles engendrant un lessivage d'engrais et de pesticides. Dans sa partie amont principalement, des études antérieures, portant sur l'évaluation de quelques paramètres de pollution ont montré que le lac a dépassé le seuil de pollution admissible. Les fortes teneurs en polluants ne peuvent être intégralement imputées à l'usine de détergents. Elles sont dues, également, aux rejets des eaux domestiques des agglomérations environnantes. Les teneurs en phosphates mesurées dans le lac dépassent de beaucoup les normes usuellement prises comme références et, de ce fait, dénoncent une évolution rapide des écosystèmes vers une eutrophisation.» (S. Ahriz, D. Nedjraoui et N. Sadki, revue Sciences et Technologies, université de Constantine 1, n°34, décembre 2011). Les pouvoirs publics semblent avoir enfin pris acte de l'ampleur des dégâts. Lors de la célébration de la Journée internationale des zones humides, le 2 février dernier, le ministère de l'Agriculture, par la voix de son secrétaire général, Fodhil Ferroukhi, a fait savoir que la wilaya d'Alger a enjoint aux unités industrielles polluantes de s'équiper de stations de prétraitement (dépêche APS du 2 février 2015). Sur les quelque 200 entreprises industrielles implantées autour de la zone humide, une cinquantaine ont été identifiées comme étant responsables de ces rejets nocifs. Enfin, il faut savoir qu'un projet d'épuration et d'aménagement de l'oued Réghaïa, similaire au plan de dépollution de l'oued El Harrach, est en cours. Les travaux devraient débuter en 2016.