La plaque tournante de la devise au square Port-Saïd s'est réveillée, hier, dans une ambiance morose. Au lendemain de l'opération coup-de-poing rondement menée par les services de police, la situation qui y prévaut est, on le comprend aisément, tendue. Après de nombreuses années «d'impunité», jamais ce lieu «tant préservé par les autorités», pour reprendre la réflexion d'un «cambiste» habitué des lieux, n'a connu une telle situation. Les revendeurs informels de la devise étaient encore là hier, hantant les artères Bachir Azzouz, Che Guevara, Abane Ramdane et square Port-Saïd, sans pour autant s'adonner à leur activité lucrative. «Que va-t-on faire ? C'était notre gagne-pain…» disent-ils, éplorés. Pour ces derniers, il leur semble que le moindre geste est scruté, suspecté par des policiers en civil. «Personne ne se risquerait à vous vendre de la devise par les temps qui courent. Tout le monde est sur le qui-vive», nous confie l'un des cambistes sous le sceau de l'anonymat. Un autre s'approche de nous pour prendre la parole : «L'opération éclair d'hier a été exécutée sans que personne s'y attende.» Les cambistes qui déambulent dans les parages préfèrent utiliser un langage codé afin d'éviter d'être repérés dans ce qui est devenu pour eux un «guêpier» surveillé par des indicateurs anonymes. Selon les informations recueillies sur les lieux, après la saisie des liasses de devises contrefaites (30 000 euros), une cinquantaine d'individus ont été arrêtés, embarqués, auditionnés puis relâchés en fin de journée. «On nous a auditionnés au niveau du poste de police. Tout le monde a été entendu et des PV ont été dressés en vue d'une comparution prochaine devant la justice à une date qui n'est pas encore fixée», nous confie notre interlocuteur. Par ailleurs, les nombreux revendeurs de devises s'indignent de la saisie de leur argent dont ils ne connaissent pas le sort qui lui est réservé. Selon les nombreuses personnes interrogées, aucun accusé de réception ne leur a été délivré par les services de police qui pourrait éventuellement attester des sommes confisquées. L'enquête diligentée par les éléments de la Sûreté nationale est toujours en cours afin d'élucider la provenance des faux billets interceptés. Indifférence des pouvoirs publics Le gouverneur de la Banque d'Algérie, Mohamed Laksaci, avait insisté, il y a quelques mois à l'APN, sur l'ouverture de bureaux de change, qui devraient être agréés dès 2015 pour parer au marché noir. Dans le même contexte, il avait affirmé que la Banque d'Algérie avait accordée 40 autorisations pour l'ouverture de ces bureaux depuis 1997, dont certaines ont été annulées en raison d'infractions. Ceci dit, ces déclarations sont restées lettre morte et ne semblent pas du goût de tous nos responsables, à l'instar de Daho Ould-Kablia, alors ministre de l'Intérieur, qui avait estimé que les citoyens et l'Etat «trouvaient leur compte» dans le marché parallèle de la devise et qu'il n'existait pas de raison pour l'interdire. En somme, le marché parallèle de la devise remplissait une fonction sociale que l'Etat était incapable d'assumer. Des déclarations fortement critiquées en leur temps par les députés. Après cette opération contre le marché informel de la devise, l'on se demande comment les autorités vont répondre aux besoins des citoyens en quête de devises, particulièrement ceux appeler à faire des soins à hors du pays et les familles qui financent à grands frais les études de leurs enfants à l'étranger, entre autres. Même les candidats à l'accomplissement du pèlerinage aux Lieux Saints de l'islam n'hésitent pas à solliciter le marché parallèle de la devise…