Leader du réformisme algérien, Abdelhamid Ben Badis est né en 1889 à Constantine, dans une famille aisée et lettrée. Il est l'une des figures emblématiques de sa ville avec une dimension nationale qui a conduit à faire du 16 avril, date de son décès (1940), la Journée nationale du savoir. Il apprit très tôt le Coran et eut plusieurs maîtres, dont le premier, Hamdane Belounissi, lui disait : «Apprend la science pour l'amour de la science et non pas par devoir». Ses autres maîtres furent des cheikhs réformistes de la Zitouna de Tunis où il entra en 1908. De retour à Constantine, ses prêches à Djamaâ El Kebir détonnent et ses détracteurs le poussent à quitter le pays. Il se rend à La Mecque, puis à Médine. Il y rencontre son compatriote, cheikh Bachir El Ibrahimi, avec lequel il formule le projet réformiste en Algérie. En 1931, il fonde avec ses compagnons l'Association des oulémas musulmans. Cinq ans plus tard, l'association participe au Congrès musulman algérien avec le Parti du peuple algérien et le Parti communiste algérien. Ben Badis a eu une intense activité éditoriale. Ses articles, signés Essanhadji, soulignant ses origines berbères, prônent ses idées de l'Islah (Réforme), défendent l'identité nationale, dénoncent les injustices coloniales. Le journal El Baçaïr de l'association accueille aussi des poètes et écrivains modernes avec parfois une liberté de ton étonnante. La pensée et l'action de Ben Badis ont souvent été réduites à des raccourcis. Les conservateurs utilisent certaines de ses citations sorties de leurs contextes pour en faire un personnage hostile à tout progrès et liberté. Et certains modernistes, ignorant justement sa modernité, ne voient en lui qu'un rétrograde. L'école et le discours politique ont beaucoup contribué à l'occultation de sa véritable dimension, riche, complexe et, à maint égards, admirable. Il est temps, en 2015, de restituer son image complète.