On fêtait hier, un peu partout dans nos contrées, la journée nationale du savoir avec un lot d'activités ponctuelles, plutôt éphémères et un peu redondantes. De la musique chez Arts et Culture, un peu de théâtre ici et là, quelques expos dans les espaces publics. Vous le savez sans doute tous, la journée nationale du savoir correspond au 16 avril de chaque année, qui à son tour, correspond à la date de la disparition de celui qu'on présente comme le réformiste algérien, cheikh Abdelhamid Ben Badis (5 décembre 1889- 16 avril 1940). En revanche, ce que l'on doit retenir de cette date, hormis le lancement hier, de " Tlemcen capitale de la culture islamique " par le président de la République, c'est un projet. Un projet de film c'est sérieux puisque ça dure dans le temps, et ça peut servir quand on le désire. La récente loi sur le cinéma ayant été validée par les deux chambres du parlement, promet, des aides considérables pour les œuvres qui se rapportent à l'histoire. Ce chantier justement en est un : il s'agit d'un film documentaire sur la vie de Abdelhamid Ben Badis. Petit rappel : le président de la République avait lors de l'un de ses discours promis des subventions à tous les films qui concernent la Révolution et le passé révolutionnaire de notre pays. Les cinéastes étant dans la plupart des cas dépendants des subventions de l'Etat, ils se creusent les méninges, fouillent dans l'histoire et proposent des sujets. Y a rien qu'à voir les chantiers que beaucoup ont proposés parmi eux d'ailleurs Ahmed Rachedi qui a bouclé Ben Boulaid et qui veut être sur "Krim Belkacem " pour s'en convaincre. Alors puisque le passé fait vivre, tous ou presque, tournent la tête vers l'arrière. Pour regarder derrière, il faut cependant un alibi, quelque chose qu'on nomme symbole. Ben Badis, 16 avril : ici, vous voyez bien que même si l'un est lié à l'autre, il se trouve que des symboles, il y a deux : Journée du savoir, disparition d'un symbole des réformistes musulmans, Ben Badis. Et bien justement, un certain Abdelbaki Sellai va se lancer prochainement dans le colossal chantier qui consiste à restituer la vie de ce politique pas très connu. L'annonce a été faite à la veille du 16 avril,et le tournage de ce documentaire se fera bientôt dans sa ville natale de Constantine. Une entreprise privée s'occupera de ramener des fonds des institutions publiques, et Yazid Aït Djoudi, auteur d'un documentaire sur la star du football national, Rabah Madjer, projeté en janvier dernier à la salle Ibn Zeydoun de Riadh el Feth (Alger), assistera Abdelbaki Sellai. Ce dernier qui depuis Mila(sa région d'origine) où il se trouve pour quelques jours, affirme que son film, d'une durée de 52 minutes, est un "docu-dramatique" qui mettra en exergue, selon lui, l'action de Ben Badis et d'autres personnalités religieuses algériennes, notamment durant la célébration du centenaire de la colonisation en 1930, suivie une année plus tard, par la création de l'Association des oulémas musulmans algériens (AOMA). Gros travail. Pour le réalisateur, l'importance historique de Ben Badis a été d'avoir "affirmé la personnalité algérienne face à l'extension culturelle occidentale à la faveur de la colonisation et la menace d'assimilation". Les promoteurs du film comptent associer à sa réalisation des Oulémas arabes, "pour souligner la dimension universelle et musulmane de l'action du cheikh Ben Badis". M. Sellai a en projet des documentaires sur d'autres personnalités ayant marqué l'histoire contemporaine de l'Algérie, à l'instar de l'Emir Abdelkader, Houari Boumediene et Mohamed Boudiaf, a-t-il révélé. Pas étonnant de se tourner vers l'histoire si dedans il y a du pain. Ben Badis, 71 ans après Cela fait, jour pour jour, 71 ans que cheikh Abdelhamid Benbadis disparaissait un 16 avril 1940, dans sa ville natale de Constantine. Président de l'Association des oulémas musulmans algériens, il appartenait à une famille patricienne dont les origines remontaient aux Zirides. Bologhine Ibn Ziri, le fondateur d'Alger, est l'une des plus célèbres figures de cette famille princière. C'est dans sa ville natale qu'il apprit le Coran selon les usages traditionnels, et les bases de ses connaissances en langue et littérature arabes, ainsi que celles des sciences de la religion islamique. Elève, à partir de 1908, de l'Université Zeitouna à Tunis, il y subit l'influence de maîtres, notamment de Tahar Ben Achour, adeptes du mouvement salafi- réformiste musulman prônant le retour à un Islam purifié de toutes les déformations qui l'avaient dénaturé. Ce mouvement s'était répandu dans la deuxième moitié du XIXè siècle au Proche-Orient et en Egypte. Après avoir obtenu son diplôme en 1912, Abdelhamid va enseigner pendant une année à la Zeitouna, conformément aux usages appliqués par cette prestigieuse université tunisienne. Après avoir accompli le pèlerinage à la Mecque et Médine où il se rendit à l'issue de ses études à Tunis, il côtoya le mouvement réformiste rigoriste des Wahhabites en plein essor dans les lieux saints de l'Islam. Durant son séjour à Médine, Abdelhamid qui va retrouver son premier maître Hamdân Lounissi, résidant désormais dans la cité du Prophète, va compléter et approfondir ses connaissances auprès de cet exilé volontaire ainsi qu'auprès d'autres maîtres. De retour en Algérie, il se consacra d'abord, de 1913 à 1925, à l'enseignement et à l'action culturelle, avant de vouer toute son énergie à la réforme de la pratique religieuse dans le pays. Contrairement à ce qui est fréquemment soutenu -par des publicistes et des historiens- le mouvement réformiste religieux en Algérie ne fut pas créé ex- nihilo par Ben Badis et ses compagnons. La fin du XIXème et le début du XXème siècles virent naître l'émergence d'intellectuels réformistes représentés par un groupe d'oulémas et d'enseignants de valeur à Alger, Constantine et Tlemcen et ailleurs, tels les cheikhs Medjaoui, Ben Smaïa, Benali Fekhkhâr qui ont condamné les pratiques obscurantistes d'un certain nombre de confréries religieuses, et de personnages considérés comme saints en raison de leur piété ou de leur ascendance, comme ils ont dénoncé la mainmise de l'administration coloniale sur le culte musulman. Lors de sa visite en 1905 à Alger et Constantine, le Cheikh Mohammed Abdou rencontra plusieurs de ces lettrés enseignants.