Abdelhamid Ibn Badis naquit à Constantine le 5 décembre 1889 au sein d'une famille patricienne, dont les origines remontent aux Banou Ziri auxquels se rattache Boulkine ben Menad, fondateur d'Alger. L'enseignement primaire lui fut dispensé par un précepteur, Cheikh Hamdane Lounissi, et il apprit très jeune le Coran. En 1908, Ibn Badis se rendit à Tunis pour continuer ses études à la mosquée Zitouna où il fut l'élève de Tahar Ben Achour et obtint, quatre années plus tard, al ijaza, qui est le diplôme de licence délivré par la Zitouna. De Tunis, il se rendit au Hedjaz pour accomplir le pèlerinage et s'établit à Médine où il retrouva son premier maître, Hamdane Lounissi. Il poursuivit l'acquisition du savoir jusqu'à l'obtention du grade de ‘aalem (savant). Sur le chemin du retour vers l'Algérie, il fit un détour par Le Caire où il reçut l'enseignement de Cheikh Rachid Redha. Lorsqu'il s'installa à Constantine, Cheikh Abdelhamid ibn Badis commença sa mission réformatrice après que sa conscience islamique eût mûri et qu'il fut influencé par les idées de la Ligue islamique. Il réalisa que la voie de la réforme passait par l'instruction parce qu'un peuple ignorant ne pouvait comprendre le sens de la libération et de la lutte contre le colonialisme. C'est pour cette raison qu'Ibn Badis commença à ouvrir des écoles et prit en charge lui-même l'enseignement. Il concentra son action sur l'enseignement aux adultes en ouvrant des centres d'alphabétisation. Il s'intéressa également à l'instruction des jeunes femmes dans la mesure où il ouvrit la première école de filles à Constantine en 1918, considérant que l'instruction de la femme était l'une des conditions essentielles pour la renaissance de la société sans que cela ne signifie pour autant la négation des traditions et valeurs. Ibn Badis étendit son action par l'ouverture d'écoles dans différentes régions du pays, encadrées par des chouyoukh tels que Cheikh El Bachir al Ibrahimi, Moubarak El Mili et d'autres... Il contribua également à l'ouverture de clubs culturels tels que le club At-taraqi à Alger et aida à la création d'associations théâtrales et sportives. Pour son appel à la réforme de la situation de la société, Ibn Badis adopta la méthode de la persuasion et combattit les confréries et le soufisme qui avaient engendré des us et coutumes contraires aux préceptes de l'Islam. Il rejeta également les querelles marginales entre les chouyoukh des différentes zaouïas, appelant à une compréhension juste de l'Islam, loin de toute mystification ou charlatanisme, refusant le mimétisme aveugle ainsi que tout lien avec l'administration coloniale, résumant son projet réformiste comme suit : « L'islam est notre religion, l'arabe notre langue et l'Algérie notre patrie ». Il s'opposa aux assimilationnistes et les combattit à travers ses idées, ses écrits et ses conférences. Il exprima ses idées dans les journaux « Ech-chihab (le météore), Al Mountaqid (le censeur) et Al baçaïr(la clairvoyance). Ibn Badis s'intéressa également à la diffusion de la culture islamique à travers la construction d'écoles et de mosquées, l'élargissement de l'activité de propagande, culturelle et médiatique. C'est ainsi qu'il œuvra avec ses compagnons Cheikh Bachir Al Ibrahimi, Larbi Tébessi et Tayeb El Okbi à la création de l'Association des Ulémas Musulmans Algériens le 5 mai 1931, dont il fut élu président jusqu'à sa mort le 16 avril 1940, à l'âge de cinquante et un ans. Il fit partie de la délégation du Congrès musulman qui se rendit en 1936 à Paris pour présenter les revendications du congrès au gouvernement français. A son retour, il prononça un discours remarquable lors du rassemblement organisé par le Congrès, le 2 Août 1936, pour présenter les résultats de sa démarche. Ses talents d'orateur firent du discours d'Ibn Badis l'expression des revendications du peuple algérien. Ibn Badis meurt le 16 avril 1940. Il reste comme l'un des grands savants religieux du siècle dernier.