Au menu, les participants avaient droit à une lecture collective, une déclamation de poèmes et, enfin, une lecture paysagère. À l'initiative de l'association Bel Horizon, une centaine d'oranais se sont donnés rendez-vous, hier, à la promenade Ibn Badis (ex- Létang) pour une manifestation se voulant «100% culturelle». Au menu, les participants avaient droit à une lecture collective, une déclamation de poèmes et, enfin, une lecture paysagère donnée à tour de rôle par Samir Slama, paysagiste très connu à Oran et Kouider Métaïr, président de l'association Bel Horizon. Il faut noter que ce rassemblement littéraire est un rendez-vous récurrent à Oran, qui choisit à chaque fois pour cadre la promenade de Létang. «Depuis 2012, il nous est venu l'idée de regrouper à la promenade Ibn Badis les amoureux du livre pour des moments de partage et de lectures collectives. Depuis, on constate à chaque rendez-vous un engouement certain de la part du public», nous explique un des membres de l'association. Pour cette année, un hommage poignant a été rendu à Assia Djebbar, la grande figure de la littérature algérienne, décédée le mois de février dernier, où on s'est complu à déclamer quelques-uns de ses textes les plus connus. Après la lecture collective, les participants ont pu apprécier une lecture paysagère, pour le moins instructive, de la promenade de Létang. Ce jardin, un véritable bijou pour la ville, se retrouve actuellement dans un état de délabrement avancé. Cette détérioration a pour origine un projet de réhabilitation, datant de 1984, qui a tourné à la catastrophe. Cette année-là, en effet, les autorités se sont complu «à goudronner le jardin à tout va». «On a goudronné les allées, ce qui n'était pas conseillé, et on a changé de système d'irrigation», explique Samir Slama. «On est passé du système de rigoles à celui de jets, et c'est ce qu'il ne fallait pas faire, car comme chacun le sait, les jets d'eaux favorisent l'érosion». Le jardin jouit d'une végétation méditerranéenne à hauteur de 90%. «C'est un jardin humide car doté d'un système d'irrigation qui permettait d'avoir de l'humidité dans l'air. Ça permettait aux arbres de pousser et aux lianes de se développer. En principe, quand la branche s'étend, l'arbre lance des lianes pour la retenir. Mais à partir du moment où il n'y plus d'humidité dans l'air, les lianes ne se développent plus». D'où la dégradation de ces arbres. Aujourd'hui, pratiquement tous les arbres que recèle la promenade Ibn Badis sont morts. «A cause du goudron, ces arbres, en lançant leurs lianes, au lieu de rencontrer le sol, ont rencontré le goudron. Autre problème : quand on goudronne, l'eau ne rentre plus, du coup, les arbres ne sont plus irrigués», se désole Samir Slama. Notons que les arbres de la promenade Ibn Badis sont tous des «arbres remarquables» qui ont en moyenne 160 années. Ils proviennent presque tous du jardin d'Essai d'Alger. Parmi eux, on compte le «fécus», cet arbre «étonnant» de par ses troncs multiples. «Au départ, cet arbre n'était pourvu que d'un seul tronc qui a lancé ses lianes. Celles-ci ont poussé, ont rencontré le sol et on grossi, pour devenir des troncs à leur tour», explique-t-il. Pour Kouider Métaïr, ce qu'il ne faut absolument pas faire dans un jardin comme celui de la promenade de Létang, c'est de bitumer. C'est ce qu'ont pourtant fait les autorités locales, en 1984, donnant ainsi le coup de grâce à cet espace qui était considéré comme «le bijou d'Oran». «Tous ces responsables sont partis à Paris, et tous ont bien vu que là-bas, il n'y a pas de goudron, pas de bitume dans les jardins. Ici, ils mettent du goudron car ils pensent à tort que c'est plus propre. C'est triste à dire, mais le bitume a tué l'ensemble des arbres multi-troncs», dira-t-il, avant d'ajouter, avec une once d'ironie : «Si vous tenez à mettre le bitume, mettez-le dans les routes détériorées où il y a des nids de poule. Mais dans le jardin, il est déconseillé, il faut mettre plutôt du sable de carrière».