Dans cette ère que nous traversons, où les gens vivent à cent à l'heure, et n'ont d'yeux que pour le clinquant et le tape-à-l'œil, dans cette ère où les petits plaisirs simples de la vie sont tombés en désuétude, au profit de la vie virtuelle… quelques chevronnés Oranais, nostalgiques d'une époque, pas si lointaine, où la bonne humeur et la sérénité étaient de mise, résistent encore et toujours à cet état de fait, appelé communément : «stress de la vie quotidienne». Ainsi, dans la matinée de samedi dernier, l'association Bel Horizon a organisé, pour la deuxième année consécutive, son rassemblement littéraire. Plusieurs dizaines d'Oranais, munis de romans et de recueils de poèmes, se sont rassemblées à la promenade Ibn Badis (ex-Promenade de Létang) pour un savoureux moment de détente et de lecture collective. Pendant plusieurs heures, le célèbre jardin de Létang a connu un silence de marbre : les gens, plongés dans leur lecture, étaient à mille lieues de cet endroit, transportés par la prose de leurs auteurs favoris. Seules les rafales de vent se faisaient entendre, sans que cela ne décourage pour autant les participants. Il était aussi question, pendant cette manifestation littéraire, de la déclamation de poèmes du melhoun, ainsi que d'une conférence en plein air, donnée par Hadj Melliani, professeur de littérature à l'université de Mostaganem. La conférence, en partenariat avec l'association Fard, a porté sur «l'anthropologie du haïk» et a été suivie d'un débat. Par la suite, beaucoup de lecteurs se sont levés pour lire au public un passage de leurs livres préférés ou de livres qui les ont marqués. Fait rare et surprenant: on a même compté, parmi les participants, la présence de femmes élues à l'APC d'Oran. «Preuve en est, nous dira un des organisateurs, qu'on commence enfin à saisir la nécessité de mettre l'activité culturelle sur un piédestal, il était vraiment temps !» Le rassemblement s'est clôturé par une «lecture paysagère» de la promenade de Létang, dont une grande partie est hélas encore en état d'abandon. «Toutes les activités de Bel Horizon sont conçues pour se dérouler dans les espaces publics», nous dira un des membres de cette association, qui évoquera la célèbre randonnée du 1er mai ou encore la balade urbaine qui a eu lieu la semaine dernière, appelée «Repère camusien». Cette balade, qui a drainé beaucoup de monde, a compris des haltes en des lieux décrits «férocement» par Albert Camus (la Cathédrale, la place Hoche, la place du 1er Novembre….). «Le but étant non seulement de réhabiliter la lecture dans l'espace public, mais aussi, tout simplement, de se réapproprier l'espace public», continuera-t-il. Le rassemblement littéraire d'avant-hier, déjà à sa deuxième édition, compte ainsi se répéter chaque année, «voire même, si possible, plusieurs fois par an».