Dans une lettre ouverte au ton acerbe adressée au président de la République, des étudiants en droit de la faculté de Ben Aknoun dénoncent la répression féroce dont ils sont victimes, mais, plus grave encore, ils accusent le recteur de la faculté et son entourage de machinations contraires à la loi et à l'éthique par l'instrumentalisation du personnel de sécurité et son exhortation à verser dans des agissements du moins pervers. La lettre ouverte, qui porte le cachet des bureaux de représentation des trois organisations estudiantines au niveau de la faculté de droit de Ben Aknoun, en l'occurrence l'Organisation nationale de solidarité estudiantine (ONSE), l'Union nationale de la jeunesse algérienne (UNJA), l'Union générale des étudiants algériens (UGEA), est un véritable pavé dans la mare tant la dénonciation qu'elle porte accuse des subordonnés proches du recteur d'Alger 1, récemment promu ministre de l'Enseignement supérieur. D'aucuns de ces étudiants signataires de ce message regrettent paradoxalement le départ du professeur Mebarki, «un scientifique, et de loin meilleur gestionnaire que l'inamovible très conservateur recteur d'Alger1. Nous avons interpellé le Pr Mebarki qui, malgré les pressions politiques, a su désamorcer plusieurs crises, mais après la lamentable affaire de la jupe, les étudiants de droit s'attendent au pire», craint Mohamed, licencié en droit de la faculté Saïd Hamdine. Dès l'entame, le courrier dénonce «les machinations de pseudo-responsables dont l'ultime souci est la chasse aux postes officiels au détriment du devenir de l'université», et regrettent «l'absence préméditée de canaux de communication entre l'administration et les étudiants… Cette défection systématique notée au niveau national menace hypothétiquement d'aboutir sur une explosion de colère générale, dont le pays à intérêt à s'en garder», lit-on dans la lettre. La rédaction de cette ultime complainte et non moins ardent pamphlet intervient suite à la réquisition, au début de ce mois de mai, de cinq ans de prison à l'encontre de cinq étudiants estés en justice, à tort selon les rédacteurs de la lettre, par le rectorat d'Alger 1. Les accusés, selon leurs camarades, manifestaient pacifiquement pour exiger plus de transparence quant à l'accès au master, une revendication qui était d'ailleurs à l'origine de plusieurs mouvements de protestation dans le pays pour dénoncer le marchandage de l'accès au master, notamment à Constantine l'année dernière où le recteur de Constantine 1 avait initié cette lamentable sous-traitance des conflits au sein de l'université par les agents de sécurité ; plusieurs étudiants dont des jeunes filles couvertes de bleus avaient tenté de se suicider collectivement après avoir été brutalisées sous la tristement célèbre tour de la fac Mentouri. Agissements pervers Selon ces étudiants frondeurs, plusieurs responsables d'établissements universitaires et particulièrement ceux évoluant autour des rectorats des facultés de droit profitent impunément du flou qui entoure la législation qui régit les procédures pédagogiques depuis l'avènement de la reforme LMD pour favoriser la progéniture d'une caste clientéliste et autres «fils de» la souche d'hommes politiques en puissance, de magistrats ou simplement, mais plus pitoyable encore, des proches de leurs propres familles. Des étudiants de différentes régions du pays avaient exigé une approche plus transparente pour leur garantir l'accès au master. «Les responsables en question avaient tenté de faire croire à l'opinion qu'il s'agissait d'étudiants médiocres qui réclament des diplôme gratuits, mais devant les milliers de protestataires ces mensonges ne tiennent plus, ils nous accusent d'être des renégats, alors que les faits attestent que c'est bien l'administration qui fait appel aux ‘‘baltaguia'' qui agressent tant les filles que les garçons à coups de matraque et avec des chiens de garde», se plaint un étudiant. Deux de ses camarades avaient tenté d'ester en justice le recteur et d'autres responsables qui leur ont tenu des propos «orduriers» et les avoir brutalisés et incité à l'agression avec violence d'un groupe de jeunes étudiantes et étudiants en octobre dernier lors d'une manifestation pacifique «Depuis, les étudiants sont quotidiennement sujets aux agressions des agents de sécurité, qui ont poussé la provocation jusqu'à la perverse intrusion dans les toilettes des filles», lit-on dans la plainte. «Le recteur leur a même assigné la mission administrative de recevoir les recours des étudiants, c'est scandaleux !» Dans leur lettre ouverte, les étudiants accusent et regrettent que «la procédure n'a étrangement pas pu aboutir, vraisemblablement à cause d'interventions venues d'en haut et de complicités coupables…» Et pire encore, ils furent «en violation de la franchise universitaire, victimes d'intimidations policières à l'intérieur même de la faculté…». Dépités, les étudiants expriment leur ras-le-bol quant à l'instrumentalisation des sociétés de gardiennage par les responsables universitaires pour «pacifier» l'université et dissimuler leur corruption et leur incompétence. Ainsi donc, les étudiants qui ont choisi la voie du droit se voient paradoxalement en proie à l'injustice, mais fort justement armés de courage ils bataillent tant bien que mal contre l'abjecte logique de répression et les sordides charges des brebis galeuses du système.