C'est quand même difficile », justifie une jeune femme qui tient un mouchoir contre son nez. Nous ne sommes pas à l'entrée d'un cabinet de dentiste ni sur le quai d'une gare. L'entrée est fleurie et des dessins d'enfants égayent les murs. C'est la rentrée pour les tout-petits à la crèche. Et cette dame pleure la première rupture d'avec son enfant. Agé de 3 ans, Mehdi n'a même pas jeté un regard en arrière. Tout heureux de rentrer à l'école comme « les grands », il détache sa main de l'emprise maternelle pour courir au devant de son destin. Un destin en apparence bien accueillant puisque la crèche publique de Belcourt, située derrière le siège de l'UGTA, à Alger, offre un grand espace de loisirs et de jeux. Plusieurs balançoires, des toboggans, un mini-labyrinthe sont à la disposition des enfants. Sous la surveillance de plusieurs puéricultrices de formation, les enfants rompent avec le cocon familial sans grande difficulté. Pour la plupart d'entre eux. En effet, certains sont un peu effrayés de cette immersion soudaine dans la vie sociétale miniaturisée. Ils s'accrochent aux jupons et poussent de grands cris. Les mères, bien que préparées à ce type de réactions, ont souvent l'âme sensible et quelques difficultés à se séparer de leur rejeton. En l'occurrence, le petit garçon qui pleure le plus fort est accompagné de son père. Patient, le paternel incite son enfant à rentrer, lui désigne les balançoires où déjà quelques enfants semblent s'amuser, lui fait le compte de tous les avantages que l'enfant aura à rentrer à la crèche. Rien n'y fait. La séparation est difficile, et dans ce cas de figure, les puéricultrices et la directrice présentes sur les lieux préconisent au père de se détacher et de partir. La plupart du temps, l'enfant se calme rapidement et commence à s'ouvrir aux autres dans les minutes qui suivent. Vers 10 heures, l'agitation qui accompagnait l'inscription diminue d'intensité et des classes se remplissent. Par tranche d'âge, les classes peuvent accueillir jusqu'à 15 enfants environ. Deux puéricultrices accompagnent les enfants dans la découverte du monde en proposant des jeux divers. Autour d'une table ronde, les enfants font connaissance, s'observent et s'interrogent du regard : seras-tu mon copain ou ma copine ? Premier mouvement d'insertion qui aide à la socialisation comme se plaisent à le dire les psychopédiatres, la crèche pour les moins de trois ans ou la maternelle pour les trois ans et plus ont leur utilité dans la société moderne. En effet, s'il est apparu un changement ces vingt dernières années provoqué par la présence de la femme sur le marché de l'emploi, la crèche n'a pas pour seule vocation de garder l'enfant parce que le couple est au travail. Certains enfants vont à la crèche quand bien même la mère ne travaille pas et est à même de le garder. Parfois, lorsque l'enfant de deux ou trois ans est agité et peu obéissant, le pédiatre conseille aux parents de placer l'enfant dans une crèche où il aura des activités qui l'épanouiront. Et puis, comme l'évoque cette même dame qui pleure devant l'entrée de la crèche, « c'est mieux pour lui ». Rentrer à l'école à six ans, c'est tard. Parfois, l'enfant a plus de difficultés à s'insérer et à accepter les codes et les règles de la vie en communauté lorsqu'il a six ans que lorsqu'il en a trois.