«La filière lait en Algérie est en danger. Les éleveurs ne disposent pas suffisamment de terres pour cultiver les fourrages nécessaires à l'alimentation de leurs bétails. L'Etat doit intervenir pour résoudre ce problème.» C'est le cri de détresse lancé, il y a quelques jours, par la fédération des éleveurs bovins laitiers et viande de la wilaya de Tizi Ouzou, l'une des régions les plus performantes en matière de collecte et de production de lait frais de vache à l'échelle nationale. Excédés, ces éleveurs comptent désormais passer à l'offensive en déclenchant une grève générale dont la date sera fixée, dans quelques jours, en assemblée générale. Il faut dire que le stress hydrique des deux dernières années n'a pas été sans conséquence sur la production fourragère, totalement dépendante de la pluviométrie. Quoi qu'en disent les autorités en charge du secteur, la hausse des prix des aliments ne peut plus être perçue, aujourd'hui, comme un simple «épisode conjoncturel». Le mal qui ronge la filière est structurel et renvoie, selon les experts, à l'absence d'une stratégie d'accompagnement, en amont, visant à résorber le déficit fourrager très important. La mise en place de quelques mécanismes financiers, dans le but d'indemniser les éleveurs à travers des subventions, ne saurait remplacer la nécessité d'instaurer un sérieux programme de développement du pâturage nécessaire à l'alimentation des vaches. Selon certaines estimations, la filière lait a besoin de pas moins de 150 000 hectares de terres irrigables pour assurer l'alimentation des bétails, en plus de 600 000 vaches laitières pour fournir une production annuelle de 5 milliards de litres de lait. Manque de fourrage, vaches sous-alimentées, rendements insignifiants et prix exorbitants des aliments constituent donc les écueils auxquels la filière fait face actuellement. Les importations algériennes de la poudre de lait ont atteint un niveau historique en 2014 avec une facture de 1,8 milliard de dollars. Pour freiner ces importations, les professionnels du secteur ne voient d'autre solution qu'à travers l'encouragement de la production locale en lait cru. Cependant, l'éleveur producteur de lait cru bénéficie aujourd'hui d'un soutien de l'Etat à hauteur de 44 DA le litre, alors que le coût réel de production dépasse les 50 voire 60 DA dans certaines régions, d'où le peu d'intérêt qu'affichent les opérateurs de cette filière à investir dans ce domaine. C'est la raison pour laquelle ils appellent à engager une réflexion, en concertation avec l'ensemble des intervenants dans la filière, pour arrêter la meilleure façon de conduire les soutiens consacrés par l'Etat et orienter les investissements prioritairement vers l'amont de la filière.