Noureddine Boukrouh se dit «écœuré» par le congrès du Front de libération nationale (FLN) qu'il qualifie de «fait divers criminel.» L'Algérie sombrera dans un autre bain de sang avant la fin de cette décennie, il y aura deux millions de morts, si les choses ne se corrigent pas dans les deux ans à venir», prédit Noureddine Boukrouh, ancien président du Parti du renouveau algérien (PRA) et ancien ministre du Commerce. Invité hier au forum hebdomadaire du quotidien Liberté, M. Boukrouh explique qu'il ne faut pas plus de 10 000 personnes pour déstabiliser un pays. Selon lui, les vulnérabilités existent, il ne manque que l'agression. Noureddine Boukrouh, qui a publié une série de contributions aussi bien sur la réforme de l'islam que sur la crise que traverse l'Algérie, se dit «écœuré» par le congrès du Front de libération nationale (FLN) qu'il qualifie de fait divers criminel. «Ce n'est pas un moment de la vie politique nationale, mais une honte, une humiliation qui participe d'une logique de destruction, un Premier ministre qui fait parti du FLN, il y a une volonté de détruire l'esprit algérien», fulmine l'invité du forum de Liberté. Pour lui, ce qui se fait sous l'égide du régime actuel n'a rien de rationnel. «Il n'y a pas de stratégie ni de carte politique, le fait divers du FLN, l'annonce du retour d'Ahmed Ouyahia, ce n'est qu'un jeu de ‘ray ray', un fait d'illusion», souligne Noureddine Boukrouh. «C'est pour leurrer les gens», soutient-il avant de tonner : «Il y a quelqu'un derrière le rideau qui tire des ficelles vieilles et usées.» «Ce n'est pas de la politique, mais de la ruse de Djeha», appuie le conférencier, qui affirme que «ce quelqu'un n'est autre que Abdelaziz Bouteflika, le président de la République a fait un hold-up de la Constitution et on ne sait pas où elle est». Noureddine Boukrouh regrette, en effet, qu'on n'ait pas réagi à ce hold-up mais l'explique en disant qu'on «n'est pas encore né en tant que citoyen algérien. On n'est pas le Burkina Faso, ni le Burundi où les citoyens refusent les dictateurs et le pouvoir à vie». En fait, peste l'invité du forum de Liberté, les Algériens sont en «parfaite» équation avec le régime. «Ont proliféré les crédules pour que vivent les malins», raille l'ancien président du PRA, avant de souligner qu'il «ne croit pas à la mythologie, c'est Bouteflika qui gère le pays, on le reconnaît à son style». «Nous sommes dans la folie, aussi bien les gens qui sont au pouvoir, que les Algériens, on a divorcé avec la raison, et Djeha qui nous dirige sait comment on est», indique M. Boukrouh avec un verbe corrosif, mais plein de dérision. Pour lui, «l'Algérie n'a aucun avenir et le résultat à en attendre c'est la fin». Homme décidément désabusé, l'orateur appelle à réfléchir à la dialectique de notre histoire et soutient que c'est par la fonction que l'on devient citoyen qu'on n'est pas encore. L'ancien président du PRA développe une toute autre opinion par rapport à la question du Sahara occidental. Pour lui, «le Maroc a pris la proie et nous on paye l'ombre». Combien nous coûtent cette cause et ce problème qui dure ? A-t-on les moyens de continuer à prendre en charge cette question ? «Ce n'est pas normal ce qui se passe dans le pays, c'est de la folie tout simplement», renchérit le conférencier qui reproche au pouvoir de vouloir continuer à berner le peuple pour perpétuer «l'encanaillement qui a atteint aussi les intellectuels». Sur les questions économiques, l'ancien ministre du Commerce dit qu'il ne reste plus de débats sur l'économie avec des gens comme Saadani, Sellal et Haddad. «Ce n'est pas normal que 90% des pays de la planète soient membres de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), même les plus pauvres. Nous, nous n'avons pas encore adhéré», souligne-t-il avant de révéler que lorsqu'il ministre du Commerce, l'Algérie était à deux doigts de l'intégrer. La raison ? Il n'y a pas de volonté politique, et le pouvoir veut continuer dans sa gestion patrimoniale de l'économie. «En adhérant à l'OMC, les gens du pouvoir n'auront plus de leviers pour perpétuer leur règne», affirme Noureddine Boukrouh qui estime que le temps presse et que «s'il n'y a pas de correction, l'Algérie va sombrer».