Comment expliquez-vous la frénésie des achats qui s'empare des Algériens à chaque mois de Ramadhan ? «Cette frénésie des achats à chaque mois du ramadhan, ne s'applique pas uniquement aux Algériens mais à tous les jeûneurs du monde quelle que soit leur croyance. Il faut rappeler que le jeûne induit et entraîne de nouveaux comportements et conduites alimentaires qui seraient dus surtout aux conséquences aussi bien physiologiques que psychologiques que subit le jeûneur durant cette période. Ainsi donc, on constatera une certaine «boulimie» et frénésie dans les achats inconsidérés et souvent inutiles, qui fait que ce mois est aussi, malheureusement, le mois du gaspillage. Remplir les sachets à défaut de remplir le ventre expliquerait cette boulimie des achats, selon certains spécialistes. La faim aidant, le jeûneur salive devant ces produits étalés sous ses yeux, et sans s'en rendre compte, à la limite dans un état second, procède à des achats inconséquents et superflus, encouragé en cela par un phénomène de contagion de personnes qui achètent par imitation. «Manger avec les yeux, avoir les yeux plus gros que le ventre», disent des proverbes qui s'appliquent bien à nos jeuneurs. Est-ce dû, également, aux grands bouleversements socioculturels que connait la société ? On ne peut, à mon avis, parler de déviations du mode de comportement qui n'est pas en soi pathologique. Ce qui est certain par contre, c'est que les transformations socio-économiques et culturelles que vit et subit notre société, ont créé de nouveaux comportements qui reflètent assez la société de consommation dans laquelle nous vivons. On peut se demander pourquoi ce phénomène n'existait pas durant les années 70 et 80. «Ce phénomène a toujours existé sauf qu'à cette période il n'y avait pas une disponibilité de tous les produits, et il ne faut pas oublier que l'Algérie venait de sortir d'une guerre pleine de misère. C'était l'époque des pénuries au point où les autorités avaient mis en place le fameux PAP (programme anti pénurie) en procédant à l'importation massive de produits pour satisfaire la population. Concernant ces années 70/80, n'oublions pas que nous venons de sortir d'une guerre avec une génération traumatisée qui a toujours vécu dans le manque et le dénuement. La génération actuelle, grâce aux revenus pétroliers et à l'embellie financière du pays, a vu son pouvoir d'achat s'améliorer nettement, induisant ainsi de nouveaux comportements qui vont refléter les transformations socio-économiques que connait notre pays, devenant ainsi une société de consommation. Depuis, on assiste à des comportements sensiblement différents qui se manifestent justement par une frénésie alimentaire incontrôlée durant le mois sacré du Ramadhan.