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Les violences faites aux femmes sont un problème de société et non de religion Ahmed Rebadj. Enseignant-chercheur en droit islamique à l'université d'Alger
Loi islamique, citoyenneté, violences faites aux femmes, jurisprudence… autant de thèmes décryptés par l'universitaire Ahmed Rebadj, qui ne manque pas de rappeler que les meilleurs ambassadeurs de l'islam sont les musulmans eux-mêmes. - «Charia islamique et droit», quel est le but de cette spécialité ? C'est une spécialité scientifique qui a pour but d'enrichir méthodologiquement la charia par le biais du droit. En plus d'émettre des critiques, avec une approche islamique, sur les sujets du droit et la Constitution algérienne. - Quelle est donc la place de la charia dans le droit algérien ? Il est connu que la Constitution algérienne est l'une des rares qui respecte et adopte les fondements de la charia islamique. Cependant, il reste des questions où la constitution n'est pas conforme aux textes théologiques. Ce qui fait que le droit algérien est conforme aux règles islamiques surtout sur les questions que le Coran a laissées pour la jurisprudence, comme dans le code de la famille. Mais il est loin de la conformité sur les questions de consommation d'alcool ou les relations hors mariage. - Pensez-vous que l'on peut décréter la charia islamique sur ces questions à l'ère de l'Etat moderne et de la mondialisation ? Quand les lois sont obligatoires, les gens les rejettent. Moi-même je refuserais l'application de l'islam d'une manière radicale et abrupte ! La religion musulmane a toujours été globalisante, c'est avant tout un projet d'Etat et de société qui commence toujours avec des priorités. Dans le cadre de ma spécialité, on commence toujours l'évaluation par les critères fondamentaux pour la survie de notre Etat, à savoir l'économie, la science ou la justice car l'islam est une religion réaliste qui œuvre pour la survie de l'Etat et l'épanouissement du musulman. - Si l'islam doit veiller à la survie de l'Etat, quelle est la place de l'Etat moderne dans la charia ? Si l'islam est une religion d'orientation et de prêches spirituels, elle est aussi une religion de rigueur et de réalisme politique. C'est d'ailleurs une religion qui a beaucoup parlé de la fermeté et de la coercition. Abdullah Ibn Masud, l'un des premiers convertis à l'islam disait que «Dieu exerce par le biais du sultan ce qu'il ne peut exercer par le biais du Coran». Le sultan, ici, représente la force suprême que peut représenter le droit naturel. L'Etat dans l'islam a une religion, contrairement au modèle de l'Etat moderne qui est représenté par des institutions. L'Etat islamique est celui où le droit islamique fixe les modalités, mais cette loi est seulement applicable lorsque le projet de société islamique est adopté et source d'organisation pour le quotidien des musulmans. L'Etat aujourd'hui doit être un moyen qui aide le citoyen musulman à s'organiser et non pas une fin en soi, comme le représentent les terroristes qui prônent l'Etat islamique avec violence et terreur. - Est-ce que l'islam croit en la citoyenneté ? Evidemment ! Cependant, contrairement à la notion moderne, la citoyenneté chez un musulman consiste en son dévouement à sa religion et sa référence à la loi. L'islam étant projet d'Etat, il se met au centre de toutes les questions. Les citoyens d'autres confessions ont le même droit que les autres de vivre dans un Etat musulman, il leur appartient même de briguer des postes de responsabilité sauf la Présidence (ça revient à un principe complètement réaliste). A l'époque de l'Etat fatimide, des juifs ont occupé des postes de vizirs. Il appartient au citoyen musulman aussi de se révolter contre son Président. On raconte que le calife Abû Bakr As Siddîq a même demandé aux autres compagnons du prophète de le limoger dans le cas de trahison. Par ailleurs, au moment où la citoyenneté se définit chez les Occidentaux par la logique des luttes et la participation dans le pouvoir avec le vote, elle est définie dans l'islam depuis des siècles dans son livre sacré. - Les femmes qui ont le droit «de vote» depuis des siècles dans l'islam peuvent-elles présider un pays ? Les savants ne se sont toujours pas mis d'accord. Cette question est livrée à l'exégète. Certains argumentent avec les propos du prophète qui avait prédit que la Perse était vouée à l'échec puisqu'elle était guidée par une femme. D'autres comme le savant égyptien Mohammed Al-Ghazali ou avant lui Al Mâwardi ont vu que la responsabilité n'est pas une question de sexe mais de compétences. Dans cette question comme dans d'autres, le musulman se noie dans des interprétations qui sont très souvent fausses. Ainsi, on n'arrive toujours pas à avoir un modèle musulman des droits de l'homme qui peut rivaliser avec le modèle occidental. Là est la faute des musulmans et non celle de l'islam. Les musulmans sont ceux qui ont le plus fait du mal à l'islam. - Dans le cadre des interprétations, la loi criminalisant les maris violents, refusée par les islamistes au Parlement, a fini par être gelée au Sénat. Que dit l'islam sur les violences à l'égard des femmes ? Les violences faites aux femmes sont un problème de société et non pas de religion. L'islam n'a absolument rien à voir avec la violence. Le Prophète préférait quitter la maison et faire la tête à ses femmes que de les violenter.