Des petits groupent se rassemblent et discutent amicalement le long du gazon du campus universitaire Terga Ouzzemour. Ouvert en 1983, c'est le plus ancien campus de Béjaïa, seule ville d'Algérie où les cités universitaires sont mixtes. Dida, 27 ans, Lisa, 21 ans, Roza, 23 ans, et Massilia, 20 ans, nous accueillent dans leurs chambres. L'affiche du Festival du théâtre féminin, organisé en juin par le RAJ, dont elles sont membres, en hommage à Nabila Djhanine, orne toujours le mur décati. Dida est la maîtresse de chantier aujourd'hui. Il faut de l'organisation pour préparer un festin dans cet espace réduit. Une odeur appétissante se dégage des réchauds qui jonchent le sol. Se loger sur le campus est abordable. Toutefois, les conditions d'habitation sont déplorables malgré les mobilisations successives des étudiants qui n'ont cessé d'espérer une amélioration. Avec quatre personnes, en général, dans de petites chambres, gare à l'incompatibilité d'humeur. La sororité est de mise. Une fois le repas prêt, filles et garçons s'accordent sur un lieu de rassemblement, souvent à l'extérieur sur le gazon. Des pique-niques géants ont lieu. Dida évoque «une grande ambiance» mais «surtout à la maison». Elle trouve un «peu triste» de débuter le Ramadhan ici, mais se console, car «il a un autre charme» à passer ce mois sacré à la cité U. Elle poursuit : «Ce n'est pas grave de rester sans boire et manger, puisque c'est pour Dieu.» De plus, nos hôtesses expliquent : «La nuit ça bouge, c'est une autre journée, certains vont sur les sites touristiques». Les hommes invertissent les cafétérias pour jouer aux dominos et aux cartes, mais les filles n'en passeront pas le seuil de la porte ; elles s'y sentent toisées et mal à l'aise. Cette année, le Ramadhan coïncide avec la période des examens. Lisa, très sérieuse, appréhende tout de même de passer ses examens à jeun. Pour Massilia, «le temps passe rapidement». Elle ajoute : «Au collège, je le faisais déjà, je me suis habituée.» La plupart des garçons ont décidé de ne pas jeûner durant les examens. Une grève a même été envisagée. Lisa s'y est opposée, certaine que sa mémoire lui ferait défaut si les examens étaient reportés à septembre, comme le souhaitaient les grévistes. D'autres filles de la cité U hésitent à ne pas jeûner, mais la transgression religieuse se fait rare parmi elles.