Pour faire fonctionner leur ambassade à Washington, quand celle-ci rouvrira ses portes fermées depuis 1961, les Cubains devront disposer d'un compte dans une banque américaine. Et pour que cela soit possible, il faut que le blocus imposé par les Etats-Unis à leur encontre depuis cinquante trois ans soit levé. C'est simple comme dirait l'autre, mais il faut que cela soit fait. Les Cubains en font la demande, et encore disposer de dollars US en toute légalité n'est qu'un aspect de cet ensemble appelé embargo, car les effets de ce dernier sont bien nombreux, faisant des Cubains les rois de la débrouille. Mais cela ne suffit pas. Cela revient cher, et son apport est bien négligeable. Aussi demandent-ils une levée rapide de l'embargo américain, à la faveur du réchauffement des relations diplomatiques entre La Havane et Washington, illustré par l'annonce de la réouverture des ambassades le 20 juillet prochain. Et si les Cubains se montrent aussi insistants, c'est parce que cette question ne traduit pas seulement un rapport strictement bilatéral, mais l'imbrication des intérêts, ou ce qu'on appelle le phénomène de la mondialisation a eu un impact sur les rapports que cet Etat des Caraïbes entretient avec les autres pays. Il lui est impossible d'acquérir le moindre produit si l'entreprise qui le réalise est aussi à capitaux américains. Plus que cela, relève-t-on à Cuba, «ce qui ne coûte qu'un cent dans n'importe quel pays en coûte beaucoup plus ici et cela a logiquement entravé le développement national». Quant à faire des affaires avec des entreprises américaines, cela est strictement interdit. Un verrouillage total qui se répercute sur la qualité de vie des Cubains et sur l'économie de leur pays. Le bloqueo, ou l'embargo en question, a fait perdre plus de 1100 milliards de dollars à l'économie locale depuis son imposition en 1962 par le président John F. Kennedy, selon le ministère cubain des Affaires étrangères. Une espèce de manque à gagner. Mais n'y a-t-il que cela et que vaut cette évaluation si l'on considère que le développement du pays a été au moins ralenti ? Les Cubains en sont affectés à tous les niveaux : transports, nourriture, pièces détachées et aussi accès à la technologie. Sait-on au moins que la connexion internet est certainement la plus chère au monde, mais les Cubains parviennent parfois à contourner l'embargo, comme en atteste la recherche scientifique. Et encore, nous disait-on, celle-ci serait encore plus importante si elle ne se heurtait pas à de telles considérations. La Havane et Washington qui ont annoncé il y a une semaine le rétablissement des relations diplomatiques rompues par la Maison-Blanche en janvier 1961, sont convenues qu'il ne s'agit là que d'une première étape sur la longue route conduisant à la normalisation des relations. Ce sont d'ailleurs les premiers mots du chef de l'Etat cubain annonçant cette décision. «Cela ne veut pas dire que le problème principal est résolu», a ainsi déclaré Raúl Castro. Demeure en effet la question de l'embargo, que seul le Congrès américain peut lever. Depuis bientôt cinquante-trois ans, celui-ci étrangle l'économie de l'île. De ce point de vue, le président américain Barack Obama semble vouloir y aller, comme en attestent certains signes, à l'image de cette poignée de mains échangée avec son homologue cubain et qualifiée d'«historique». Quant au contexte, il ne serait plus le même, comme le révèle l'opposition des anciens présidents James Carter et William Clinton au blocus. «Je n'ai cessé de demander à la fois publiquement et en privé la fin de notre blocus économique contre le peuple cubain», a déclaré M. Carter après son second voyage à Cuba en mars 2011. Pour M. Clinton, la politique «absurde» de sanctions — qu'il avait lui-même durcies en signant la loi Helms-Burton — s'est soldée par un «échec total». Les milieux d'affaires représentés par la Chambre de commerce des Etats-Unis, souhaitent la fin de l'embargo. Le New York Times a condamné «un anachronisme de la guerre froide». Pour le Washington Post, «la politique des Etats-Unis à l'égard de Cuba est un échec». Que fera le Congres US ?