L'été semble se réinstaller en l'Algérie avec toutes les vacances qu'il charrie à tous les niveaux de décision. Et pour cause ! Les acteurs de la vie nationale, à leur tête le président de la République, peinent à franchir le pas de ce qu'il convient d'appeler la rentrée politique. Alors qu'on amorce la deuxième quinzaine de septembre, le pays est encore orphelin de ses dirigeants. De son décideur. Attendu pendant 50 jours, Abdelaziz Bouteflika est finalement réapparu pour mieux s'éclipser… Juste pour tuer une rumeur, un tantinet alarmiste, qui le donnait tout simplement mal en point physiquement. Mais si cette apparition publique a rassuré quelque part, elle n'en a pas moins donné du grain à moudre à ceux, nombreux, qui constatent que le pays est réellement en panne. Les chantiers politicoéconomiques annoncés pour cette rentrée sont en effet inversement proportionnels à l'engagement observé sur le terrain. Référendum sur la révision constitutionnelle, le « day after » de la loi sur la réconciliation, la tenue de la tripartite devant décider des augmentations de salaires… sont autant de lourds dossiers qui auraient pu animer et mobiliser l'Algérie politique. Rien n'y fait. Le Président a donc du mal à faire sa rentrée après avoir tenu en haleine l'opinion nationale en se « sortant » durant près de deux mois des affaires du pays. Résultat des comptes : l'Algérie sombre dans la léthargie en attendant de rentrer dans le coma d'un mois durant le Ramadhan. Tout se passe comme si le pays navigue à vue en l'absence d'un capitaine pour guider le bateau Algérie. L'opinion et les médias étaient d'abord suspendus à la décision du Président quant à l'opportunité ou pas de proroger l'effet de la loi sur la réconciliation au-delà du 31 août. Bouteflika, lui, a préféré gloser sur la synergie bancaire des pays arabes, éviter soigneusement l'encombrant dossier de la réconciliation. Mais la question demeure lancinante. Il fallait donc reporter les espoirs d'une rentrée politique en bonne et due forme à l'hypothétique Conseil des ministres. Ce premier rendez-vous entre le Président et son staff gouvernemental qui devrait baliser le débat politique est annoncé puis ajourné indéfiniment. Il s'est enfin tenu hier. Pendant ce temps, le chef de l'Etat devrait effectuer une longue pérégrination aux Amériques pour assister à l'assemblée générale de l'ONU et au sommet des non-alignés. Les affaires étrangères vont donc prendre le dessus sur les gros chantiers internes où les retards se payent cash, sous forme notamment de grondement des syndicats et des travailleurs. Sur le terrain politique, ce constat de carence rend un peu plus illisible les horizons pour un pouvoir qui veut rien moins chambouler la loi fondamentale du pays qui passe pour être la dernière dans l'échelle des priorités du commun des Algériens. Au moment où le président de la République lui-même s'inquiète des retards « énormes » accusés dans la réalisation des projets socioéconomiques, l'on assiste à une valse-hésitation dans la conduite des questions politiques. Au point où l'on se demande si le consensus de façade de la classe politique tissé autour du Président n'aurait finalement un effet inhibiteur sur la dernière décision. Car le président de la République sait qu'il devrait répondre demain des éventuels ratés d'une politique et en assumer les contrecoups quand l'heure des comptes sonnera. L'Alliance présidentielle, tous les partis microscopiques et ce qu'on appelle la « société civile » pourraient toujours s'en laver les mains d'une démarche qu'ils auront massivement soutenue aujourd'hui, dans un pays où l'éthique politique n'a pas encore le droit de cité. C'est peut-être à ce niveau qu'il faudrait chercher ce terrible gâchis du temps et de l'argent du reste. Y a-t-il donc une vie en Algérie sans Bouteflika ? Apparemment, non.