Des déjeuners communs ont été organisés dans plusieurs villes du pays entre ibadites et malékites. Ils rompent le jeûne et prient ensemble. Objectif : se réconcilier ! Affrontements intercommunautaires à Ghardaïa, le trouble s'abat sur le pays. Une région meurtrie. Problématique : pourquoi des concitoyens s'affrontent-ils ? Pour y répondre, chacun apporte une analyse, mais qu'en est-il sur le terrain ? Qui va apporter la réconcilition entre les deux communautés ? Une tentative : des bienfaiteurs à travers le pays et des responsables ont organisé des déjeuners intercommunautaires dans plusieurs wilayas. Des malékites et des ibadites se sont attablés dans plusieurs wilayas et ont rompu le jeûne ensemble. Une symbolique qui renvoie à la fraternité et à la paix. A Ouled Yaich (Blida), au lieudit «Cité espagnole», le déjeuner a eu lieu dans un quartier habité majoritairement par des Mozabites, connus pour être de grands commerçants. Selon Ramdhan Mazouz, vice-président de l'APC de Ouled Yaich, le ftour a été financé par des associations de Mozabites. Ces dernières ont invité l'autre communauté et lui ont offert un ftour en guise de fraternité après les événements de Ghardaïa qui ont fait 25 morts : un bilan accablant. En tout, 1000 repas ont été offerts aux jeûneurs. Ailleurs, à Batna, c'est le P/APC qui a convié les Mozabites ibadites de la wilaya pour un déjeuner, après avoir remarqué que ces derniers, qui sont majoritairement des commerçants, ont baissé les rideaux de leurs boutiques. L'événement s'est passé en présence de députés et d'élus à l'APW, où le maire a prononcé un discours pour dénoncer le carnage à Gerrara, invitant Mozabites, malékites, Chaouis et autres à l'harmonie entre les Algériens. Le plus vieux des Mozabites a aussi pris la parole au nom des habitants de Gerrara, avant de passer à table et faire ensuite la prière des tarawih tous ensemble, dont l'imam était malékite. Défaillance de l'état L'initiative a été très bien accueillie par les Algériens, ils se sont exprimés en masse sur les réseaux sociaux par des partages, souhaitant que cela dure pour «protéger l'intégrité de notre pays !» commentent les internautes. Nacereddine Hadjadj, ancien P/APC de Berriane, de son côté, trouve que c'est une très bonne initiative, «cela prouve que les mozabites ne s'isolent pas, comme on le dit à leur sujet”. Une démarche appréciée par certains. Quel impact a eu cette initiative sur le terrain ? «Le déjeuner qui a une valeur symbolique à des idées qui titillent le sens patriotique n'a pas d'impact sur la stabilité de la région», affirme-t-on. Présenté comme un affrontement intercommunautaire, le problème est loin d'être comme on nous le présente, affirment d'autres. On continue encore de s'échanger les accusations entre les deux communautés. Nacereddine Hadjadj accuse les autorités d'avoir «favorisé le pourrissement». Selon lui, «le pouvoir actuel veut à tout prix détruire la société de Ghardaïa qui est bien structurée et qui se prend en charge toute seule» Pourquoi ? «Parce que cela démontre la défaillance du pouvoir qui se cache toujours derrière la jeune indépendance du pays ; un îlot qui réussit pourrait le démasquer». Kheireddine, un étudiant mozabite à Alger se demande : «Si c'était un problème de rite, comment arriverais-je à vivre parmi les Algérois ? On doit se demander à qui profite ce qui se passe chez nous», ajoute-t-il. De l'autre côté de la population, à Ghardaïa, Abdeslam Hamdane, militant des droits de l'homme, considère que «ces repas sont encore une fois la preuve du parti pris de la société». Selon ce jeune chaâmbi, le responsable de ce qui se passe dans le M'zab «est en premier lieu le MAK». «Avant la venue du MAK, les Mozabites étaient de simples commerçants. C'est ce mouvement qui leur a appris le sens de la revendication politique». Fitna Cela devrait-il inciter au meurtre ? Le militant des droits de l'homme rétorque que les deux communautés «s'entretuent depuis ‘‘l'ère des tentes'' (en référence à l'époque où les Châambis vivaient dans des tentes». Qui sont les responsables des violences ? Abdeslam pense que tous ceux qui ont appris aux Mozabites à revendiquer sont la cause de la fitna. «Le FFS, la LADDH de Boudebouz et tous les militants de la culture amazighe devraient prendre aujourd'hui leurs responsabilités». Au niveau de la Ligue accusée des maux de la région, on pointe du doigt le «régime». Selon Salah Dabouz «ce régime cherche à faire peur au peuple en portant atteinte à son intégrité». Le président de LADDH et avocat de Kameleddine Fekhar accusé d'incitation à la violence et arrêté le 10 juillet passé se rappelle des autres escalades à travers le pays : «on a beau chanter ‘‘Pouvoir assassin'' dans les mouvements sociaux algériens, il n'a jamais été assassin comme il l'est aujourd'hui à Ghardaïa. On a même tenté de museler les militants par des intimidations et des menaces de prison» sur ces initiatives de bienfaiteurs et cette envie citoyenne de réconcilier les deux communautés, maître Dabouz salue «l'aspect naïf» des citoyens, mais dénonce «l'exploitation du régime à ce genre d'initiatives» ; selon lui, «le régime a toujours géré les crise de manière folklorique».