Le 03 juillet 2013, Si Abdelmadjid Bouzidi, nous écrivait affectueusement dans un email « Mes chers amis, merci beaucoup pour votre message et comme vous pouvez l'imaginer, Alger et ses khaloutas me manquent beaucoup »… Près d'un an après, l'économiste inclassable disparaissait, suite à un long et digne combat avec la maladie. Et c'est Toi, cher Si Abdelmadjid, qui nous manque. Et plus encore au débat économique que tu as superbement animé pendant près de 40 ans. Le collectif Nabni a souhaité te rendre un hommage particulier, qui t'aurait certainement fait plaisir : te demander, comme nous l'avons toujours fait, de réagir à la dernière contribution de Nabni : Plan d'Urgence 2016 – 2018 dénommé ABDA, publié le 16 juin dernier et disponible sur le site www.nabni.org. Que tes proches et tes amis, nombreux, soient rassurés. Tes réponses sont reprises, intégralement, de tes différentes interventions publiques. L'iceberg est à vue d'œil : un virage urgent s'impose Il nous faut impérativement ouvrir un grand débat public afin de déterminer les réformes prioritaires à engager, compte tenu de nos capacités actuelles, pour amorcer un changement de voie durable. A. Bouzidi : « Au préalable, il nous faut aborder une question que les Algériens ont tendance à considérer comme réglée, ou pour le moins comme pouvant attendre de l'être et qui, pourtant, se pose toujours et en des termes graves ; il s'agit de la question du statut des hydrocarbures dans la démarche économique des gouvernants. Pour l'Algérie…le déclin de la production mondiale nous touchera aussi, bien évidemment, au moment même où nos propres besoins en hydrocarbures connaîtront une augmentation sensible. Nous serions alors importateurs de pétrole sur un marché de demandeurs, donc à des prix très élevés !» Notre réaction n'est pas à la hauteur des enjeux! Les tentatives de diversification et de ré-industrialisation ont été un échec. La réaction des pouvoirs publics face à la crise n'augure pas d'une prise de conscience de la gravité de la situation….A ce jour, mise à part des actions d'ordre monétaire, nous n'avons connaissance d'aucune réforme de fond …. A. Bouzidi : « Effectivement, le discours officiel insiste sur la diversification de l'économique depuis au moins une décennie, sans enregistrer d'avancée sur le terrain… On voit bien ici que la tentation de «maximiser nos recettes d'exportation d'hydrocarbures» n'est pas sans risque et qu'il devient très important de savoir jusqu'où aller ou, plus exactement, il ne faut pas aller dans l'exploitation pour l'exportation de notre pétrole et de notre gaz, question cruciale s'il en est ». Ceci dit, je nuancerai ce propos en rendant hommage à tous ces Algériens qui produisent chaque année 6 à 7% de croissance dans les secteurs hors hydrocarbures malgré les incuries des classes dirigeantes. C'est leur rendre hommage que de souligner que “des choses se font chez nous”. ABDA : Une approche différente du changement : COMMENCER, même petit La tâche du changement est immense. L'important est de commencer. Montrer que le changement est possible. Faire ce que l'on n'a pas fait depuis plusieurs années. Commencer. Commencer petit s'il le faut, mais commencer, notamment les réformes difficiles. Ce plan propose que tous les efforts soient concentrés sur une liste restreinte de 12 chantiers prioritaires qui s'articulent autour de quatre lignes directrices (ABDA) : Arrêter les politiques inefficaces et coûteuses Bâtir les fondations d'une action publique transformée Démarrer les réformes les plus difficiles Accélérer les chantiers en suspens A.Bouzidi : « Je vois quant à moi six questions urgentes sur lesquelles on ne doit plus tergiverser et perdre encore du temps doivent être sérieusement mises à plat, débattues et déboucher sur des décisions fermes et exécutoires. I/ Production industrielle insuffisante Deux préconisations doivent être débattues. -a/ Prendre des mesures pour gagner la bataille de la production. -b/ Les entreprises algériennes doivent réaliser des progrès en organisation et engager des investissements de productivité : ce sont là des priorités pour les trois années à venir. II/ Niveau d'investissements productifs faible III/ Absence d'innovation IV/ Absence de politique de formation qualifiante V/ Ouverture commerciale débridée VI/ Concurrence déloyale du secteur informel Permettez-moi également de réagir brièvement aux 12 chantiers que vous proposez. Incontestablement, les rattrapages dans l'équipement du pays sont en train de se réaliser. Il ne faut pas oublier que depuis le début de la décennie 90, le pays était en situation de sous-équipement aigu, en application du programme de rigueur et de réduction des dépenses publiques imposé par le FMI, aggravé par les destructions du terrorisme. Le programme 2010-2014 a été surévalué au fur et à mesure de sa réalisation : surcoûts, gaspillage, «fuites»… il y a à l'évidence de sérieux problèmes de management des projets et certainement une énorme perte de savoir-faire que nous avons laborieusement accumulée dans les années 1970. En tout état de cause, il y a grand intérêt à tirer tout cela au clair avant de foncer encore tête baissée sur le nouveau programme. Les performances actuelles de nos entreprises, notamment publiques, sont bien médiocres et on doit absolument casser cette «fatalité». Une profonde réforme de la gouvernance des entreprises publiques doit être engagée. Dans le même temps, le gouvernement doit encourager les SGP à développer le partenariat externe avec des champions mondiaux, à privatiser chaque fois que nécessaire, le management et à impulser des actions de promotion de l'innovation au sein de l'entreprise. Il reste le problème du modèle national de consommation énergétique. Faut-il aller à la vérité des prix tout de suite pour contenir le gaspillage actuel ? Grosses questions qui soulèvent des problèmes économiques mais aussi politiques. Le problème de la maîtrise de la consommation énergétique est sérieux. Il est aussi politiquement complexe. Mais il faut effectivement se préparer à le prendre en charge malgré les “douleurs” qu'il va engendrer ». Le collectif Nabni Sources : Abdelmadjid Bouzidi- Six questions urgentes - 15ème tripartite et 1re conférence sociale Publié dans El Watan le 17 - 09 – 2013 Abdelmadjid Bouzidi. « L'économie algérienne a besoin d'un nouveau régime de croissance » Publié dans El Watan le 30 - 05 - 2010 Itw Liberté http://www.algerie360.com/economie/economie-algerie/professeur-abdelmadjid-bouzidi-economiste-a-liberte-leconomie-algerienne-est-sur-une-bonne-trajectoire/