Les baâthistes et les islamo-conservateurs partent à nouveau en croisade contre la ministre de l'Education nationale, Nouria Benghebrit. Ayant déjà déversé leur haine sur elle dès sa nomination, ils reviennent à la charge, cette fois-ci, en prétextant «une menace sur la langue arabe», dont ils s'autoproclament défenseurs attitrés. Pour cela, ils saisissent au vol une proposition sur l'introduction des langues maternelles dans l'enseignement primaire, faite à l'occasion de la conférence nationale sur l'évaluation de la réforme de l'éducation, tenue au début de la semaine à Alger. Cette mesure, proposée par des pédagogues et des spécialistes, porte sur l'introduction graduelle de la langue maternelle dans l'enseignement primaire afin de permettre aux élèves d'avoir une meilleure intégration dans le système éducatif. Ce qui est considéré par ce courant islamo-conservateur comme «une manière déguisée de briser l'enseignement de la langue arabe classique en Algérie». De ce fait, il enclenche la bataille idéologique qui a miné le système éducatif algérien durant les années 1970 et 1980. Et pour cela, ce courant a actionné ses relais médiatiques et politiques afin de s'attaquer directement à la personne de la ministre de l'Education, qualifiée une nouvelle fois de «juive» et d'«ennemi de cette langue arabe». Loin de tout débat basé sur des approches scientifiques et linguistiques qui régissent la question de l'enseignement des langues et sans se référer aux expériences internationales en la matière, les représentants de ce courant hostile à toute évolution positive de la société ont déjà affiché leur refus de cette décision. A travers les journaux et les chaînes de télévision qui leur sont proches et en utilisant les réseaux sociaux, de nombreux «idéologues et dépositaires» autoproclamés de la langue arabe demandent l'annulation de la «mesure». Le premier à lever les boucliers contre cette mesure est l'Association des oulémas qui, selon certains titres de la presse nationale, «demande au Premier ministre, Abdelmalek Sellal, et à la ministre de l'Education nationale, Nouria Benghebrit, d'annuler cette décision qui constitue un précédent grave dans l'histoire de l'enseignement en Algérie». Le gouvernement soutiendra-t-il la ministre ? Pour sa part, le responsable de l'Association pour la défense de la langue arabe, Ahmed Benaamane, met à nouveau en avant sa thèse de «la langue officielle unique en Algérie qui ne devrait être que la langue arabe, alors que la dardja et les autres langues parlées ne devraient pas avoir le même statut». Les partis islamistes saisissent aussi cette occasion pour tirer à boulets rouges sur la ministre de l'Education, en usant parfois un langage odieux. C'est le cas du député du parti FJD de Abdallah Djaballah, Lakhdar Benkhallaf, qui n'a pas hésité à s'en prendre à Mme Benghebrit en adoptant un langage qui frise l'insulte à l'égard de la ministre, pour la simple raison qu'il la considère comme une francophone ou une «francophile». La même posture est affichée par le chargé de communication du mouvement Ennahda, Mohamed Hadibi. Sur sa page facebook, ce dernier estime que «les tenants du pouvoir livrent leur bataille contre la langue arabe», avant de poster une photo de la ministre de l'Education frappée d'une croix et d'une mention «dégage !». La mobilisation des islamistes a eu lieu même à l'intérieur de l'APN où le groupe parlementaire de l'Alliance de l'Algérie verte (AAV) a également dénoncé, dans un communiqué, cette mesure. Ce courant rétrograde se sent visiblement renforcé, notamment depuis sa «victoire» face à l'ancien ministre du Commerce sur la question de la vente d'alcool et le ministère de la Justice en bloquant le projet de loi contre les violences faites aux femmes. Sa force, il la tire essentiellement de la faiblesse du pouvoir qui prête le flanc, en jouant sur le populisme, à ce courant. Et l'intervention du Premier ministre pour bloquer la mesure de Benyounès en est une preuve. Abdelmalek Sellal va-t-il, cette fois-ci, soutenir Mme Benghebrit ?