Pour ce qui est des équipements, l'audit constate «une acquisition anarchique non adaptée au niveau d'activité de la structure et un parc non homogène en raison de la multiplicité des marques, rendant difficile toute stratégie de maintenance». Réalisé par le ministère de la Santé, un audit du système de santé dresse un tableau noir de la situation du secteur qui absorbe chaque année un budget colossal. Un document qui va servir de base à un plan de travail que la tutelle compte mettre en œuvre. Tout a été passé au peigne fin, depuis la ressource humaine jusqu'au traitement des malades ainsi que leur prise en charge, en passant par la formation du personnel médical et paramédical, les moyens et la gestion aussi bien administrative que pédagogique et médicale. Conclusion : «Manque d'accessibilité de manière générale et aux explorations et thérapies spécialisées en particulier, les débrayages des différents corps de la santé quasi continus pour le moins sans préjuger de leurs plateformes de revendications, d'une rupture de dialogue et d'une perte de confiance des partenaires sociaux envers l'administration aggravés par le retard considérable et injustifié dans l'application de leurs statuts et de leurs régimes indemnitaires. Les établissements de santé sont inhumains en raison de l'absence d'accueil, d'orientation, de mauvaise hygiène hospitalière ainsi que de conditions de séjour et d'hospitalisation.» Le constat fait état «d'une accessibilité très difficile aux consultations spécialisées surtout dans les Hauts-Plateaux et au Sud où il existe un déficit en personnel médical et paramédical spécialisé et de délais de rendez-vous trop éloignés et souvent non respectés». La prise en charge des malades atteints de cancer «est très mauvaise en raison des rendez-vous en thérapie du cancer excessivement long, compromettant ainsi le pronostic vital des patients, diagnostiqués déjà tardivement». L'audit fait état de «ruptures répétées» des médicaments anticancéreux et d'insuffisance criarde des services et unités d'oncologie médicale. Les quelques services qui existent, ajoute-t-on, sont situés dans les grandes villes du Nord, et dotés pour la plupart d'équipements de technologie «dépassée». L'activité de transplantations et de greffes est «très réduite», lit-on dans le rapport, qui ajoute que «le programme de transplantation rénale ne répond pas aux attentes, compte tenu du nombre d'insuffisants rénaux qui approche les 26 000 cas. La transplantation hépatique et la greffe de la cornée sont à l'arrêt depuis 2 ans, alors que 15 greffes de foie et 888 de moelle ont pu être réalisées depuis 2007, Ce qui est largement en deçà des besoins». Il est constaté «une très mauvaise» organisation des urgences médicales, qui se caractérise «par une forte pression enregistrée au niveau des services notamment des urgences spécialisées, le manque de coordination entre les services de garde et d'hospitalisation, le personnel insuffisamment formé, des équipements et des espaces inadaptés». 60% des décès dus aux maladies cardiovasculaires Les services de réanimation souffrent d'un manque flagrant en lits et en ressources humaines spécialisées. «A peine 200 lits, soit une moyenne d'un lit pour 170 000 habitants, alors que la norme internationale est d'un lit pour 10 000 habitants. A ce manque s'ajoute celui des réanimateurs médicaux, dont le déficit ne cesse d'augmenter depuis l'arrêt de l'enseignement de cette spécialité il y a deux décennies.» Les services de gynécologie et d'obstétrique enregistrent «un déficit en ressources humaines en raison de la fuite des gynécologues vers le secteur privé, alors que des insuffisances énormes sont constatées en matière d'unités de réanimation néonatale». L'audit s'attarde sur les maladies cardiovasculaires, «responsables de 60% des décès en Algérie, soit deux fois plus que le cancer, et menacent 22% des Algériens. Très peu de services de chirurgie cardiaque, insuffisance de salles de cathétérisme pour l'exploration et la cardiologie interventionnelle, absence de réseaux de prise en charge de l'urgence cardiologique et d'une stratégie de prévention et manque de formation adéquate à ce type de maladies, des médecins généralistes qui reçoivent ce type de pathologie», conclut le rapport. Il relève que la restructuration de 2007 a engendré une coupure des liens fonctionnels entre les établissements publics responsables de l'absence d'une hiérarchisation et d'une continuité des soins. «Si la création des établissements publics de soins de proximité a permis à ces derniers une autonomie financière, elle a néanmoins rompu le lien entre eux et les établissements hospitaliers. La multiplicité des types et des catégories d'établissements n'a pas permis la coordination escomptée, notamment dans le cadre de la répartition et de la mutualisation des ressources humaines et des moyens», lit-on dans le document. En matière de gestion, l'audit relève des insuffisances criardes liées entre autres à la situation d'intérimaire d'une grande partie des chefs d'établissement, confrontés à des procédures de gestion inadaptées avec les dépenses urgentes et des lourdeurs induites principalement par les procédures de contrôle a priori des dépenses. Une situation aggravée par l'éloignement du contrôleur financier de l'établissement, notamment au sud du pays. L'audit évoque les «conséquences négatives» sur la gestion des établissements, de la nomination par intérim de la majorité des responsables administratifs, médicaux et paramédicaux du secteur de la santé, mais aussi «la non-application des statuts particuliers et régimes indemnitaires des différents corps promulgués entre 2009 et 2011, l'absentéisme et le laxisme nuisibles au bon fonctionnement des services et à la prise en charge des patients, notamment durant les gardes et les week-ends». Les dérives de l'activité complémentaire L'évaluation de l'activité complémentaire, lit-on dans le rapport, a permis de constater «de nombreuses dérives ayant favorisé des comportements irresponsables et contraires à l'éthique comme l'absentéisme, le détournement des malades vers le secteur privé, l'utilisation illégale des moyens matériels et des effectifs du secteur public au profit du privé, le transfert des malades opérés dans le secteur privé vers le public pour suivi, l'orientation des malades vers les centres de diagnostic privés, l'activité complémentaire au noir avec perception de la prime de renonciation à l'activité complémentaire, le chantage fait au malade, notamment pour la prise en charge de pathologies chirurgicales lourdes afin de le détourner vers le secteur privé». Il est indiqué, en outre, que «les établissements du Sud et des Hauts-Plateaux fonctionnent avec plus de 60% de praticiens spécialistes du service civil, mais malgré cela, les effectifs par spécialité et par établissement demeurent insuffisants». Pour ce qui est des équipements, l'audit constate «une acquisition anarchique non adaptée au niveau d'activité de la structure et un parc non homogène en raison de la multiplicité des marques, rendant difficile toute stratégie de maintenance». De même qu'il est relevé «une intervention tardive sur les équipements souvent en panne et une insuffisance du budget de maintenance». L'audit met l'accent sur la formation «inadaptée aux besoins de certaines spécialités en raison de la saturation des services existants, un déficit important de certains profils de formation continue comme la radiologie, la pharmacie, les manipulateurs de radiothérapie, la maintenance biomédicale, etc., un déficit en personnel paramédical aggravé et l'inexistence de la recherche». Au plan de l'information sanitaire, il est constaté «l'abandon des réflexes de transcription obligatoire des tâches accomplies, médicales et non médicales, comme le tenue des fiches médicales des malades, de la fiche navette des différents registres et des comptes-rendus opératoires». La contractualisation avec les organismes de Sécurité sociale «n'a pas abouti», lit-on dans le rapport. Les raisons sont «l'absence des préalables et des outils nécessaires à sa mise en œuvre, notamment la mise en place d'une nomenclature des actes professionnels et de la tarification des actes». «Les pénuries de médicaments sont liées à la gestion inefficiente de la pharmacie hospitalière, liée parfois à l'absence d'un pharmacien et à la non-application des instructions en la matière. Elles sont dues aussi aux difficultés de fonctionnement du comité du médicament ou carrément à l'absence de ce dernier, ainsi qu'à l'obligation de passer par des appels d'offres y compris avec la Pharmacie centrale des hôpitaux (PCH), à l'insuffisance des crédits particuliers pour les établissements assurant la prise en charge des affections chroniques lourdes et maladies rares, budgétivores, et enfin à l'absence de consensus thérapeutique dans le choix des produits pharmaceutiques.» Le secteur privé échappe au contrôle Endettées, les pharmacies des hôpitaux sont incapables d'honorer leurs fournisseurs, d'ouvrir des lettres de crédit nécessaires à leur approvisionnement, avec pour conséquence des pénuries cycliques au niveau des établissements de santé. L'Institut Pasteur, qui ne produit plus de vaccins et de sérums, accuse des problèmes de gestion du fait de son endettement, souffre de ruptures de stocks en sérums et vaccins, occasionnant des retards dans les programmes élargis de vaccination. Il est souligné aussi la «persistance» des pénuries de médicaments «malgré les mesures du gouvernement en matière d'allègement des procédures de passation de marchés, de l'augmentation des budgets alloués à l'approvisionnement (…) l'endettement cumulé de la PCH, fournisseur essentiel en médicaments et les contraintes financières malgré les fortes contribution de l'Etat». Pour ce qui est des établissements du secteur privé, l'audit révèle qu'ils ne sont pas intégrés dans le réseau de soins et de la politique nationale de santé et, de ce fait, ne sont pas contrôlés. «Leurs lieux d'implantation ne répondent pas à la logique de la carte sanitaire ; beaucoup ont des problèmes d'accessibilité et de conformité architecturale ; la majorité du corps médical et paramédical travaille dans le secteur public, alors que les coûts des actes et les prestations sont décidés de manière anarchique et ne sont pas affichés.» Il est également constaté «une absence de cahiers des charges, le non-respect des textes réglementaires et des normes en termes d'organisation des activités médicales».