L'Europe des vingt-cinq a-t-elle une politique extérieure et de sécurité commune ? De quelque manière que ce soit, la réponse est oui effectivement, mais c'est dans sa consistance, sa philosophie et ses moyens qu'elle s'analyse. En tout état de cause, la fondation allemande Konrad Adenauer qui a pris l'initiative d'en débattre, ne s'est pas embarrassée de cette question préalable comme si celle-ci ne devait être abordée que dans ces implications. C'est le thème ouvert et soumis à débat pendant deux jours dans la station balnéaire turque d'Antalya. A la séance d'ouverture hier, l'ensemble des intervenants a pris pour base de discussions, voire d'appui, la récente guerre israélienne contre le Liban, le conflit au Proche-Orient, ou encore l'Irak, l'Afghanistan, et bien entendu l'immigration clandestine et les multiples trafics. Pour revenir à la question de départ, doit-elle être posée, ou alors laisser les faits s'en faire les auteurs ? Avec l'invasion de l'Irak, il s'est trouvé quelqu'un en Europe pour dire que Javier Solana, haut représentant de la PESC (Politique extérieure et de sécurité commune) de l'UE, doit attendre que les deux ou trois chefs d'Etats européens, dits majeurs, aient parlé, pour qu'il puisse enfin s'exprimer. Une manière d'en faire la synthèse, parfois impossible comme cela s'est vu dans ce conflit, avec l'engagement des Britanniques aux côtés des Américains, ou encore de l'opposition – réelle ou supposée – entre nouvelle et vieille Europe, cette dernière s'en prenant même à la première avec parfois des mots extrêmement durs. Mais cela veut-il pour autant dire que les uns ont tout, et d'autres non, ou encore que ceux qui croient avoir un statut – et pas seulement une voix sur vingt-cinq – au moins égal à leur puissance économique et financière, aient plus de droit que les autres ? En supposant que cette question soit réglée, intervient alors celle des règles préalables, autrement dit, des choix qui engagent l'UE dans son ensemble et pas seulement certains de ces membres. En fait, ce qu'il est advenu du processus euro-méditerranéen lancé alors qu'une partie de l'Europe était – elle l'est toujours – intéressée par l'intégration des anciennes Républiques communistes. Et quand cela ne suffit pas, elle met en avant le concept de nouveau voisinage suscitant la colère des pays du sud de la Méditerranée. Toutes les formes de coopération ont été passées en revue, et certaines même exhumées, en attendant les nouvelles. Comme le forum des 5+4 conçu comme un ensemble sous-régional pour la Méditerranée orientale, et devenu 5+5, autrement dit une extension du mandat qui a fini par le rendre inopérant. Inutile de rechercher les raisons, l'Europe était d'abord marquée par ses propres rivalités. L'illusion est ainsi entretenue, commune à défaut d'être unifiée. La guerre contre le Liban lors de laquelle la Grande-Bretagne s'était opposée à un cessez-le-feu immédiat, en est le preuve la plus récente. Il n'est donc pas surprenant que le bilan soit l'exact reflet de la démarche. Un désastre, ce que personne ne semble nier ou contester comme pour dire qu'il faut encore beaucoup de volonté, et en ce sens, confondre les intérêts avec ceux de l'Union, et sa voix avec celles des autres. Donc, quand on prétend au statut de grande puissance et défendre ses propres intérêts, l'Europe est minée par ses propres divergences, le mot « rivalité » serait plus approprié en certaines circonstances. Rien n'est fait pour cacher ces différences, parfois fondamentales. La conclusion, c'est que tout empêche l'élaboration d'une politique extérieure comme la sécurité lui est étroitement liée. L'autre volet de l'approche et lié à la relation avec le partenaire et ce n'est pas toujours invoqué aussi bien dans l'identification et la définition des menaces, que des moyens pour les combattre. Ainsi, en est-il du danger terroriste que l'Europe a voulu nier jusqu'aux attentats anti-américains du 11 septembre 2001. Il est vrai que des questions aussi sensibles que celles-ci fassent le consensus au niveau d'un groupe d'Etats, permettant à l'occasion, la relance des 5+5. Mais l'approche s'inscrit-elle dans la durée où n'est-elle alors retenue que pour un objectif et une période bien précise ? Une politique pour être viable doit bénéficier d'une incontestable et grande volonté politique, et s'inscrire dans la durée. Et à plus forte raison quand elle est envisagée par un groupe d'Etats l'unilatéralisme a trouvé ses limites.