Clôture hier à Antalya d'un forum sur la politique extérieure et de sécurité de l'Europe. Mais ce n'est incontestablement pas la fin d'un débat ouvert ou relancé par la fondation allemande Konrad Adenauer. A vrai dire, le thème est très profond, et ses deux volets sont étroitement liés. Le premier est au service du second, mais la vigueur du premier est dépendante de la sécurité. Il ne s'agit pas de faire la politique de ses moyens, mais donner les moyens de sa politique, et les différents processus engagés par l'Europe – aussi partiels, contestés ou incomplets – permettent de le penser. On l'aura remarqué plus particulièrement ces derniers mois, l'Europe se montre incapable d'assumer un statut qu'elle revendique pourtant depuis longtemps. Le cas du Proche-Orient en est particulièrement révélateur s'alignant même sur Israël quant à la position à adopter à l'égard des Palestiniens et du mouvement Hamas en particulier. En ce sens, la position européenne est en net recul par rapport à ce qu'elle était en 1980, donnant ces derniers temps l'impression que la question palestinienne relève du droit humanitaire. Ou encore du Hezbollah libanais qui a révélé la profondeur des contradictions européennes. Dans un autre cas, c'est l'important flux migratoire du Sud vers le Nord, alors que l'Europe a été transformée en citadelle par l'accord de Maastricht. La question a été traitée sous différents angles en particulier dans l'identification des causes à l'origine de ce flux et ce sont les conflits et la pauvreté. Les premiers ont parfois été exacerbés, mais on se souvient que le monde et l'Europe en particulier se sont engagés à agir en amont pour stabiliser les populations. C'était le fameux 1% du PNB consacré à l'aide internationale. Très peu ont respecté cet engagement, et il n'est donc pas étonnant que la situation se soit aggravée.Comment faire partager les préoccupations avec l'ensemble des Etats membres de l'UE (Union européenne) ? Si l'ambition semble réelle, l'approche paraît plus difficile. Quoi qu'il se dise, l'Europe n'est pas aussi unie qu'elle s'y paraît et des querelles apparaissent. Il y a en fait les grands pays et les plus petits, mais avec un même droit de vote ou d'obstruction. Il y a ceux qui sont riches, et ceux qui le sont moins. Il y a ceux qui se croient loin des menaces actuelles vu que leurs voisins, par un jeu de cercles concentriques, feront la police pour eux. Il y a la nouvelle et l'ancienne Europe. Il y a l'OTAN, et plus particulièrement l'Amérique à laquelle sont alignés de nombreux Etats européens. Et ce faisceau d'appartenances, des zones d'intérêts ou d'influence n'aide pas à faire une politique commune, même pas une synthèse. Cela donne, comme l'a relevé un intervenant hier à Antalya, des Européanistes et des Atlantistes séparés parfois par une véritable barrière. Ce qui altère fondamentalement le principe de politique extérieure commune, en restreint la portée et les objectifs ou en donne tout simplement l'illusion, il ne reste alors qu'a traiter les questions ordinaires, évitant celles qui fâchent et surtout celles dont le traitement est pris en charge ailleurs, sans rapport avec ses centres de décision et ses propres capacités. Même l'envoi de troupes européennes à l'étranger et notamment en Europe (Kosovo, Macédoine) doit être appréhendé sous différents aspects. Il s'est trouvé un officier d'un ancien pays de l'Est nouvellement intégré à l'UE pour dire ce qu'il pense de sa mission en Irak. « Un vaste champ d'exercice », a-t-il dit. Un point de vue et rien d'autre. A l'inverse, relevait-on lors de ce séminaire de deux jours, il ne s'agit pas de mettre en opposition les politiques européenne et américaine. Même quand l'intérêt ou le simple bon sens le commandent ? Comme en Irak ? Mais attendre qu' apparaissent des similitudes ou une quelconque complémentarité n'aide pas à élaborer une politique cohérente fondée sur la durée, des principes et la cohérence. Mais l'approche révèle aussi les points faibles de l'Europe. Celle-ci ne s'exprime, dira-t-on alors, que si l'Amérique lui en donne l'occasion. Autant reconnaître et certainement pour très longtemps à cette dernière le rôle de leader. Toutefois, ne manquait-on pas de s'interroger, les Américains sont-ils en mesure d'assurer seuls ce rôle, ou encore veulent-ils avoir des partenaires ou alliés faibles ? La réponse ne va pas de soi. Ce qui revient à dire qu'ils soutiennent l'émergence de nouveaux pôles. Au point de leur porter la contradiction et remettre en cause leurs propres intérêts ? Là, la réponse devient moins évidente, et cela ramène le débat au sein de l'Europe, c'est-à-dire entre ses membres. La réflexion tolère bien entendu la proposition de situations ou de cas de figure. Ainsi que les intervenants. Comme l'OTAN qui se propose d'élargir sa réflexion lors de son prochain sommet à la fin de cette année à Riga en Lettonie, l'ancienne République soviétique devenue membre de l'Alliance. A ce stade, le jeu des alliances s'accroit jusqu'à devenir déterminant, mais pas inextricable. L'Allemagne qui présidera l'UE à partir du premier janvier prochain, prendra-t-elle sur elle de mettre ce dossier sur la table ? Il faudra bien qu'un pays le fasse, si l'Europe veut jouer le rôle qu'elle ne cesse de revendiquer, il ne s'agit plus de dénoncer l'unilatéralisme, mais y mettre fin en favorisant l'émergence de nouveaux pôles. Pas uniquement européens.