Le ministre des Finances, Abderrahmane Benkhalfa, préfère parler de mesures entrant dans le cadre d'une «démarche plus globale de bancarisation et d'inclusion financière». Le baril de brent vient à nouveau de plonger en dessous des 50 dollars. Il est difficile aujourd'hui de ne pas anticiper une crise qui risque de mettre en péril les équilibres financiers du pays. Cependant, malgré les inquiétudes, les représentants du gouvernement préfèrent développer un discours dépourvu de tout pessimisme. C'est le cas du ministre des Finances. Souhaitant, sans doute, ménager le chou et la chèvre, Abderrahmane Benkhalfa a voulu, dans une interview qu'il a accordée jeudi à Echorouk TV, mettre en avant toute la «marge de manœuvre» dont on dispose en Algérie et les «phases» par lesquelles on devrait passer pour transcender la crise. Devoir de réserve oblige, le ministre a dû se renier et revenir sur certains des propos qu'il tenait alors qu'il était expert et consultant, mettant même ses déclarations sur le compte de «la libre expression dont bénéficie tout citoyen». Le ministre ne s'écartera donc pas de la ligne tracée par le gouvernement Sellal ni sur la question de la règle des 51/49% qu'il considère comme assimilée par les partenaires de l'Algérie, ni sur celle de l'allocation touristique qu'il renvoie aux attributions de la Banque d'Algérie. Restent les mesures que le gouvernement veut mettre en œuvre pour faire face à la crise. A ce propos, le ministre des Finances insiste sur la nature de la situation qui appelle à la vigilance, sans qu'on soit pour autant dans un «choc frontal». Et d'ajouter que la situation est «plus grave ailleurs». Le fait est que la politique de désendettement et d'épargne menée au cours de la dernière décennie a permis à l'Algérie de disposer d'une marge de manœuvre «de 4 à 5 ans», selon les propos tenus par le grand argentier. Il estime cependant qu'«on ne peut plus gérer comme avant». Le ministre explique que durant ce court laps de temps, la stratégie gouvernementale s'appuiera sur trois axes : optimisation, rationalisation et efficience économiques. Si la rationalisation budgétaire semble avoir été imprimée par les instructions du Premier ministre, la problématique du gaspillage demeure entière, d'autant que celui-ci est alimenté et nourri par des subventions et des transferts sociaux distribués à tout-va. Sur cette question, Abderrahmane Benkhalfa est resté prudent, laissant penser à une posture timorée de la part du gouvernement. Reconnaissant le fait que de plus en plus de voix «appellent à la rationalisation du processus de subventions», il refuse d'évoquer l'éventualité de leur suppression progressive. Vérité des prix et des salaires Selon le ministre, «l'heure n'est pas aux solutions de rupture». Car il ne s'agit pas seulement, selon lui, de «gérer des préoccupations sociales, mais de s'adapter à un comportement économique». Reconnaissant qu'il faudra certainement aller vers une vérité des prix et des salaires, pour l'heure et avant d'évoquer la suppression progressive des subventions, «il faut parer au gaspillage», soutient le ministre. Interrogé avec insistance sur le projet de mise en place d'une carte à puce devant plafonner la consommation de carburants, le ministre refuse de s'avancer, indiquant que la problématique des subventions est «sujet à réflexion dans les labos, tout comme d'autres questions comme le soutien aux exportations et à l'émergence de PME et de start-up». C'est la même prudence qui caractérise les propos du grand argentier lorsqu'il s'agit d'aborder l'amnistie fiscale à laquelle les mesures de «régularisation» introduites par la LFC 2015 ont ouvert la voie. Le ministre préfère d'ailleurs parler de mesures entrant dans le cadre d'«une démarche plus globale de bancarisation et d'inclusion financière». Laquelle démarche permettra de récupérer des ressources à injecter dans la sphère économique. Pour le ministre, c'est là que réside l'œuvre de consolidation de l'économie nationale, qui permettra de passer «du développement économique à la croissance économique». Pour M. Benkhalfa, l'Algérie bénéficie d'«une économie viabilisée grâce aux programmes de réalisation d'infrastructures et de toutes les utilités» et il faut aujourd'hui «valoriser les acquis de ces 15 dernières années». Cela procède, selon lui, d'une démarche incluant régularisation fiscale, modernisation fiscale et bancaire et amélioration du climat des affaires que ce soit sur les plans juridique, financier et fiscal, entre autres. Autant de facteurs qui permettraient d'asseoir «une économie compétitive reflétée par un dinar fort». Cependant, le ministre a insisté sur le fait que la démarche du gouvernement est assise sur une adhésion pleine et volontaire des citoyens. Que ce soit pour la limitation du gaspillage ou la récupération des ressources circulant dans l'informel, «nous n'imposons rien, les citoyens devront y adhérer de manière volontaire», a souligné le ministre. Reste à savoir si cette bonne volonté sera au rendez-vous.