Après Alger, le cirque Amar est en tournée à Aïn Defla en septembre, puis à Tissemsilt. Chaque jour, une vingtaine d'artistes de 12 nationalités différentes font rêver petits et grands pendant deux heures de spectacle. Mais que se passe-t-il derrière le rideau ? Chut, suivez El Watan Week-end. Un clown aussi comptable ! Antonio, Italien originaire de Sardaigne, travaille depuis 27 ans au cirque. C'est un «faccia bianca» (le clown blanc qui est, en apparence, digne et sérieux). «Je suis arrivé dans le monde du cirque par hasard, pendant quatre jours de vacances à Noël. J'ai voulu rester, et depuis je n'ai jamais quitté ce monde. Comme j'ai un diplôme de comptable, je suis aussi responsable de la caisse, de la billetterie et des factures. Ici, il faut être polyvalent. Travailler dans le cirque c'est à la fois travailler en vacances et être en vacances pendant le travail. Je n'ai pas d'enfant, car je veux rester libre. J'ai une femme algérienne. Chez nous, c'est toujours la fête !» Une histoire qui remonte à 1880 Il était une fois Ahmed Ben Amar El Gaïd, un dresseur de chevaux originaire de Bordj Bou Arréridj, qui monta en 1887 un spectacle avec des danseuses orientales et des animaux. En quelques années, son affaire devint le plus grand cirque d'Europe avant de peu à peu décliner jusqu'à disparaître. Le nom Amar a été repris pour l'Algérie et le Maroc par le cirque italien Il Florilegio. La famille Togni dirige le cirque depuis six générations. Actuellement, ils emploient une soixantaine de personnes, une vingtaine d'artistes et des logisticiens.
La vie en communauté au cirque Les gens du cirque travaillent tous les jours de la semaine et prennent très rarement de vacances. Nomades, ils n'ont que très peu d'amis, la vie en communauté est donc très importante. Et qui dit communauté, dit règles à respecter. A minuit, la musique doit s'arrêter. Il est également interdit d'étendre son linge sur les caravanes. Chaque caravane, que chacun aménage à son goût, comprend une petite douche et deux lits. Certains artistes vivent en couple, d'autres entre amis. Souvent entre artistes de même nationalité qui partagent, par exemple, les mêmes habitudes culinaires. Parmi leurs préoccupations principales : la vieillesse. «Rester longtemps au cirque, ce n'est pas bien. Avec l'âge, on devient moins utile. Et du jour ou au lendemain, on n'est plus rien, confie un artiste. Cette vie a de bons côtés, mais aussi une dimension un peu triste» car quand on cesse d'être utile au cirque, on doit s'en aller. Amanda s'est retrouvée nez à nez avec un éléphant ! Amanda Toni, 24 ans. La danseuse fait aussi un numéro avec un serpent et un crocodile. Mais sa spécialité, c'est le trapèze. «J'ai passé mon enfance au cirque. C'était fantastique de vivre entourée d'artistes, d'animaux. Un jour, en sortant de ma caravane, j'ai vu qu'un éléphant s'était échappé. Il cherchait de la nourriture dans les poubelles juste devant chez moi. Je suis vite rentrée dans ma caravane ! J'ai eu la peur de ma vie. A 20 ans, je pensais toujours au cirque. Etudier, travailler ailleurs ce n'est pas pour moi car j'aime trop le cirque, j'adore ma liberté.» L'école dans la caravane Certains enfants vivent avec leurs parents dans les caravanes. Ils ne vont pas à l'école, c'est leur mère qui assure les cours. Et ils suivent leurs parents au gré des tournées et des pays. C'est le cas d'Amanda Togni, qui garde un souvenir fantastique de son enfance. Mais ce mode d'éducation ne satisfait pas tous les membres de la communauté du cirque. C'est ce qu'explique Widian, chargé de communication de la tournée : «De nombreux artistes estiment qu'un environnement stable, avec une maison, est important pour élever des enfants. C'est un sujet auquel réfléchissent beaucoup les gens du cirque.» La peur, compagne du dompteur Le dompteur de lions José Octavio Mandujano Aguilar. «Je travaille avec les lions et les tigres. J'ai commencé à l'âge de 16 ans dans mon pays, au Mexique. Déjà petit, j'admirais un dresseur de lions et je voulais être comme lui. J'ai eu l'opportunité de travailler avec des animaux. Et puis j'ai gravi les échelons un à un. Un tigre s'apprivoise quand il est petit, car il aime jouer. Si tu les entraînes quand ils sont plus grands, c'est plus dangereux. J'ai beaucoup de respect pour les fauves. Nous, les dresseurs, nous savons quand nous rentrons dans la cage qu'il existe une possibilité que nous n'en ressortions pas. La peur nous accompagne toujours. Une faute de concentration ou un manque de confiance peut être fatal. Un tigre et un jaguar m'ont déjà attaqué. C'est une question d'instinct, ce sont des animaux. Les lions mangent de la viande rouge tous les jours. De 5 à 7 kilos de viande par animal et par jour !» Abdenacer et la vie d'artiste Abdenacer réalise depuis environ deux mois un numéro de dessinateur sur sable. Au fil de ses doigts, il retrace une histoire algérienne, faisant apparaître des visages, des paysages avec une grâce toute poétique. Abdenacer, intégré à la maison Amar il y a 4 ans, a beaucoup travaillé pour mettre au point ce numéro. Pour une performance de quelques minutes, il faut parfois des années de travail. Par exemple, 4 ans sont nécessaires former un bon trapéziste. Des animaux chouchoutés Les animaux, stars du cirque Amar, sont choyés comme de véritables artistes. La ménagerie compte entre autres des tigres blancs, des lions, un hippopotame, un crocodile, des chameaux, des bisons, des lamas, un boa. Leur nounou s'appelle Abdennour. «Je travaille ici depuis sept ans, explique cet Algérien de 27 ans. Je nettoie les animaux, je les nourris. Le contrôle des animaux est aussi une grande part de mon travail. J'ai aussi essayé de devenir dresseur de fauves pendant quelques mois, mais j'ai arrêté.» 6 heures d'entraînement pour 10 minutes de show Alissa Herta, 26 ans, vient de Roumanie. «En ce moment, je travaille surtout comme danseuse et chorégraphe. J'aime tout faire. Lorsque j'ai fini l'école de ballet classique, j'ai travaillé dans un théâtre de mon pays. Je suis entrée au cirque en 2012 en tant que danseuse. Je travaille environ 6 heures par jour pour 10 minutes de show. C'est très fatigant car l'effort est intense. Mais quand tu vois que les gens apprécient, ça rafraîchit et c'est suffisant. Les bons côtés de ce travail ? Voyager, voir différents pays. On expérimente plusieurs vies. Mais on ne voit plus sa famille. Même si je peux dire que le cirque est presque une famille. Enfin, je ne pourrai pas fonder une famille au cirque. J'aimerais que mes enfants aient une vie normale. Ici je construis mon futur.»