L'article 13 de la loi de finances complémentaire de 2005 relatif au capital social des sociétés activant dans le domaine de l'import-export avait conduit les opérateurs en cause à s'interroger sur le sens qu'il convenait d'accorder à la notion de capital social entièrement libéré. Fallait-il pour les sociétés existantes ne disposant pas du capital requis utiliser les réserves pour procéder à une augmentation de capital (article 688 du code de commerce) afin de le ramener au niveau exigé de 20 millions de dinars et ainsi satisfaire à l'obligation légale instituée par les pouvoirs publics ou fallait-il injecter des fonds frais pour être en règle avec cette formalité. Les institutions en charge du respect de cette prescription n'ont apparemment pas eu la même compréhension du concept et cela a donné lieu à une série d'interprétations qui ont fait perdre à beaucoup d'observateurs le sens de la mesure. L'objectif visé à travers ce niveau de capital social fixé à 20 millions de dinars est bien sûr d'assainir la profession d'import-export et de ne laisser en activité que les professionnels ayant la surface financière appropriée. Mais est-ce réellement dissuasif lorsqu'on peut créer une société aussi bien avec une seule personne comme on peut le faire avec dix ou vingt personnes. Heureusement qu'après ces errements, les choses sont rentrées dans l'ordre et la notion de capital social entièrement libéré a retrouvé son sens originel. Cette parenthèse vite refermée aurait dû rester ouverte pour reconsidérer cette notion de capital social et la repositionner dans le contexte du droit des sociétés en constante évolution. Il est admis aujourd'hui dans beaucoup de pays que les règles restrictives du capital social posées dans la deuxième moitié du XIXe siècle apparaissent de plus en plus inadaptées à une économie moderne et nécessitent d'être revisitées pour ne pas dire réformées. Les tenants de la règle du capital social ont, entre autres fondements doctrinaux, justifié cette exigence par l'intérêt qu'il représente pour les créanciers et c'est pourquoi il constitue pour cette doctrine le « gage des créanciers », en ce qu'il est supposé offrir à ces créanciers sociaux une garantie contre l'insolvabilité. Cette garantie supposée comme tel est en réalité sans portée parce que ce capital social est utilisé par la société pour se constituer et démarrer son activité, il fait ainsi face à toutes les dépenses occasionnées par l'activité avant toute production et toute vente. Dire que c'est le gage des créanciers, c'est en partie faux parce qu'il n'est pas mis sous séquestre, ce n'est donc pas un gage fiable pour ces créanciers. En plus, le niveau du capital social n'est jamais fonction de l'importance de la société. On a vu des sociétés aurifères ou minières afficher un capital social sans aucun rapport avec la valeur de la richesse qu'elles exploitent. Il ne renseigne pas sur la situation financière et comptable de la société et n'indique pas si elle réalise des bénéfices ou des pertes. Autre règle parmi les règles illogiques qui encadrent le capital social, c'est celle qui se rapporte à l'obligation imposée aux sociétés par actions de reconstituer leur capital social lorsque l'actif net devient inférieur au quart du capital social (article 715 bis 20 du code de commerce). La relation qui est ainsi mise entre ces deux notions n'est financièrement pas saillante. Ailleurs, la différence est ramenée à 50%, ce qui invite à considérer que la mesure du quart est arbitraire ou du moins non significative et ce n'est pas ce quantum qui ramènera l'équilibre. Ce qui constitue en réalité le véritable indicateur de la performance et de la valeur d'une société pour les créanciers et renforce leur confiance en termes de sécurité, c'est certainement l'évaluation entre la valeur réelle des actifs de la société et le montant total de son passif exigible. D'autres considérations incitant à un assoupissement de la règle du capital social puisées dans les dispositions du code de commerce peuvent être citées sans pour autant s'inscrire dans une problématique d'évitement de cette création juridique mise au service de l'économie. Aux Etats-Unis, la législation relative au capital social a été abandonnée pour faciliter les opérations sur capital. La protection des créanciers se situe sur le terrain contractuel en imposant aux sociétés le respect de ratios édictés et la réalisation des sûretés consenties. Sans aller à dire que le niveau d'un capital social n'est réellement pas un impératif et sans minimiser de l'importance de ce capital social pour les sociétés, il est peut-être opportun de revoir les règles qui l'encadrent en termes de montant et surtout de restrictions pour les opérations en capital, comme par exemple le droit préférentiel de souscription.