Islamologue et universitaire connu pour ses activités scientifiques dans le domaine de la recherche sur le soufisme, Saïd Djabelkhir participe pour la dixième année consécutive au festival national des Aïssaoua qui se tient à Mila du 13 au 17 septembre. Il contribuera aux côtés d'autres spécialistes à l'animation du volet scientifique de la manifestation. Dans cet entretien, il nous livre sa perception de certains sujets liés au soufisme. - Voulez-vous vous présenter à nos lecteurs ? Je suis un chercheur en islamologie. J'ai publié deux ouvrages spécialisés sur le soufisme. Le premier s'intitule «Soufisme et Création», publié en 2007 au Caire, et le second «Soufisme et référent religieux», publié en 2011 à Alger. - Que représente ce festival pour le chercheur que vous êtes ? Le festival présente un programme musical soufi. Pour moi, ce programme constitue une matière première pour la recherche spécialisée. Les troupes qui interprètent ce programme musical sont des troupes confrériques et non folkloriques, ce qui confère à leur activité une importance capitale pour mes études - Quelle différence y a-t-il entre troupe confrérique et troupe folklorique ? La troupe folklorique s'intéresse aux côtés musicaux relatifs au spectacle. La troupe confrérique, en revanche, s'intéresse beaucoup plus au côté spirituel d'une musique particulière qui est la musique soufie. - Aujourd'hui, on assiste à un retour en force des zaouïas à l'échelle nationale. Cela ne constitue-t-il une remise en cause de tout le travail effectué par l'association des ulémas de Ben Badis ? Par ignorance, l'association des Ulémas avait détruit de larges pans de la tradition soufie en Algérie. Les confréries ont une importance capitale dans le développement et la conservation du legs culturel national. Entre le 15ème et le 16ème siècle, après la chute de l'Etat des Almohade, les confréries avaient pris la société en charge dans les domaines de l'enseignement, de l'emploi et même sur le plan sécuritaire. Des études historiques confirment qu'avant 1830, l'Etat algérien n'avait jamais dépensé un sou pour l'enseignement. Cette mission sociale, c'était les zaouia qui la remplissaient. Donc l'action menée par Djemaâyat El oulama de Ben Badis était purement et simplement en déphasage avec l'intérêt du peuple algérien et de sa culture. - Pensez-vous que la société algérienne au 21éme siècle manifeste toujours de l'intérêt pour la culture soufie ? Il existe une jeunesse aujourd'hui qui manifeste de l'intérêt pour l'art spirituel des Aissaoua. Cependant, selon mes observations personnelles, beaucoup de cette population qui fait le déplacement au festival s'intéresse aux aspects folkloriques qu'à autre chose. J'aurais aimé que les jeunes fans de cet art s'intéressent également à ce qui est spirituel, qui n'est pas moins beau, ni moins enrichissant. Je crois donc que les confréries soufies doivent faire un effort d'ouverture sur leur environnement social, pour permettre à la jeunesse de goûter et d'apprécier leur art, qui n'est que très raffiné à mon sens.