Au mois de novembre dernier, s'est déroulée la 7e édition du Festival culturel national des Aïssaoua, à Mila. Placé sous le thème «La jeunesse porte l'art spirituel des confréries soufies», avec la participation de plus d'une trentaine de troupes et une pléiade de chercheurs et d'universitaires, cette édition a tenté de mettre la lumière sur le rôle de la jeunesse dans la pérennisation de l'art et de la musique spirituelle des Aïssaoua.Si la manifestation est aujourd'hui ancrée dans les calendriers des festivals nationaux culturels institutionnalisés par l'Etat, il faut savoir que la création même de ce festival est le fruit d'un long travail de sensibilisation mené par toute une équipe de passionnés dont le chercheur universitaire spécialiste en soufisme Saïd Djabelkhir et l'un des grands apôtres de la musique Aïssaoua Zinedine Benabdallah. C'est dans cet esprit qu'après un véritable travail marathonien de sensibilisation des responsables tant au niveau des médias qu'au niveau du ministère de la Culture, la première édition de la musique Aïssaoua a pu voir le jour en 2006 dans la ville de Constantine en plein mois sacré. La thématique de cette première édition a tout naturellement été placée sous la thématique «Rectification des concepts dans la confrérie Aïssaoua» dans l'esprit de faire sortir cette confrérie du terrain glissant de la folklorisation et ramenée dans celui du cheminement spirituel vers la lumière divine. Selon les initiateurs de cette manifestation, il devenait aussi urgent d'apporter plus de connaissances sur un important pan du patrimoine immatériel algérien et sur la portée historique et culturelle de l'activité Aïssaoua et sa relation avec la pensée soufie ainsi que son rôle dans la préservation de l'identité nationale. Pour rappel, le mot Aïssaoua tient ses origines du nom du fondateur Sidi Mohamed Ben Aïssa, surnommé El-Kamel, confrérie soufie qu'il a fondé au XVIe siècle à Meknès, au Maroc, où il est enterré. Quant au chef spirituel des Aïssaoua d'Algérie, il n'est autre que le Cheikh Abdelkrim Djazouli (que Dieu lui accorde longue vie), originaire de la wilaya de Aïn-Témouchent. Les adeptes de cette tarîqa s'adonnent à des rituels collectifs animés par des instruments de musique. Le rituel comporte des litanies et des poèmes chantés, notamment le dikhr et la hadra qui donnent lieu à des danses et des transes extatiques. Le principal instrument qui accompagne le rituel est le tambourin cylindrique (bendir). Le déroulement d'une hadra comprend au moins deux temps : le hizeb qui est la récitation des louanges, prières et litanies (dikhr), l'orchestre est disposé en demi-cercle, il y a plusieurs bendir, une ou deux guesbas (flûte) ; deux chœurs qui se font face et répètent en général les mêmes versets. Le texte est formé de versets coraniques, de prières et d'invocations, répétés souvent plusieurs fois et qui culminent en une grande litanie fortement assonancée et rythmée. Ensuite, l'Ijdeb ou danse extatique. Suite au succès des premières éditions du Festival dans la ville de Constantine, la seconde édition a été victime de conflits internes et externes entre les autorités locales de l'époque et le ministère de la Culture. Il est à souligner que la ville des ponts suspendus est réputée pour son chauvinisme dans le fait d'accepter difficilement que le commissaire ait été choisi par le ministère oubliant que c'est grâce aux efforts qu'il a déployé pour la préservation de l'authenticité de la musique Aïssaoua que le festival avait pu voir le jour. Suite à cette ambiance électrique en opposition avec l'esprit de sérénité développé par la tarîqa soufi, le 2e festival dont la thématique était «Sur les traces de la tarîqa», a été délocalisé dans la ville de Mila qui l'accueille depuis 2007. Après ce premier écueil, le festival connaît un nouveau coup de tonnerre, lors de la troisième édition placée sous le thème «Les zaouïas de la science» dans l'esprit de mettre en relief le rôle de ces institutions spirituelles dans la transmission du savoir, au sens large du terme. En effet, à la surprise de tous, c'est, Ali Taïbi, directeur de la culture de Mila qui est nommé commissaire du 3e Festival national des Aïssaoua. Alors que l'un des initiateurs de ce festival et qui l'avait porté à bout de bras jusqu'à ce qu'il puisse voir le jour avait été limogé par la tutelle quelques mois auparavant pour des raisons qui demeurent toujours inconnues. Au-delà de cette volte-face du destin, Zinedine Benabdallah continue toujours à préserver le caractère sacré et spirituel de la musique Aïssaoua, notamment à travers l'enregistrement de l'Album intitulé «Ziara». Au final, le plus important est que la musique Aïssaoua a réussi à renouer avec ses origines à travers la participation de plus en plus importante, au fil des années, de troupes de chants mais aussi de nombreux chercheurs qui œuvrent à travers leurs contributions à la préservation de ce pan important de notre patrimoine immatériel. S. A.