Ce qui est occulté, selon les céréaliculteurs, c'est qu'il s'agit d'une estimation puisque les quantités livrées aux CCLS atteignent à peine la moitié de ce qui était annoncé. Lors de sa visite effectuée à la daïra de Aïn El Arba, le niveau de la production céréalière à Témouchent a été révélé en primeur au wali, soit 2,4 millions de quintaux, ce qui fait que Témouchent se classe première en terme de productivité à l'échelle nationale. Incroyable ? Effectivement, selon les céréaliculteurs, car ce qui est occulté, c'est qu'il s'agit d'une estimation puisque les quantités livrées aux CCLS par les céréaliculteurs atteignent à peine la moitié du nombre annoncé. Cette information tronquée a été fournie sur le site de réalisation d'un des deux dock-silos de 100 000qx chacun, ce qui augmentera les capacités de stockage actuelles à 920 500qx. Le président de la Chambre d'agriculture, interrogé par un parlementaire, s'est montré septique face aux affirmations du directeur des Services Agricoles. Son avis est tout aussi sujet à caution que celui du DSA sachant que les agriculteurs qu'il représente, préfèrent taire la réalité de leurs revenus pour des raisons liées au bénéfice des subventions réclamées à la hausse. Une rencontre avec les représentants de la filière céréale pour examiner leurs arguments. Tout d'abord, ils estiment aberrant que la DSA s'engage annuellement, par un contrat de performance, à réaliser un niveau de production pour chaque spéculation sachant que ce n'est pas la DSA qui est producteur et qu'elle ne détient véritablement aucun des leviers de la production. Par ailleurs, il s'avère que d'année en année, les chiffres augmentent d'une façon qui donne à penser que l'on veut prouver que la politique suivie donne des résultats : «Un DSA que nous avons interpellé sur le gonflement des statistiques nous a avoué qu'il avait été instruit en haut-lieu de le faire». Comment procède-t-on pour les gonfler ? Tout d'abord, on vante les avantages d'une bonne pluviométrie et sa bonne répartition sur l'année, l'extension de la superficie emblavée, la disponibilité des semences et engrais, l'aide de l'Etat, une prise de conscience des céréaliers qui ont semé tôt et utilisé le labour profond ainsi que les intrants tout en respectant les itinéraires techniques : «Si pour la bonne pluviométrie, le fait est avéré, pour ce qui est l'augmentation des superficies emblavées, elle est minime, soit 3200ha car à 22qx/ha en moyenne, selon les chiffres de la DSA, cela ne fait qu'une augmentation de 70 000qx. Quant au reste des autres facteurs favorisants, ils sont là depuis plusieurs années». Cependant, le cœur de la démonstration est ailleurs. En effet, conteste-t-on, d'une part, la superficie réellement emblavée n'est pas celle officiellement déclarée et, d'autre part, le total des récoltes se fait sur la base de cette superficie théorique multipliée par un rendement moyen à l'hectare : «Tout est virtuel. Le total des superficies emblavées est une estimation. On additionne la quantité de semences retirée auprès de la CCLS à celle théoriquement stockée par les agriculteurs. En établissant le rapport entre cette quantité estimée et celle qu'il faut pour ensemencer un hectare, on arrête le nombre de la superficie emblavée. Par ailleurs, ce nombre est calculé en tenant compte d'une conduite des semis par semoir, un outil dont aucune exploitation ne dispose. La réalité, c'est que le semis se fait à la volée, ce qui fait que la consommation en semence est supérieure par hectare». Pour le reste, explique-t-on, la DSA a pris l'habitude d'ajouter à la quantité réceptionnée par les CCLS celle qui ne l'aurait pas été, soit 30% de la production théoriquement stockée pour l'autoconsommation, en particulier pour la nourriture du bétail, 10% qui auraient été fauchés avant terme et reconvertis en fourrage, 10% gardés pour la «zaqat» et 10% de pertes dues à un mauvais réglage des moissonneuses, soit 60% de la production estimée ! «Il est tout de même curieux que l'on comptabilise des pertes de production ! Cela ne se pratique nulle part au monde !» Pour ce qui est des 10% de la «zaqat», «faux sur toute la ligne. Même quant elle est donnée par le fellah, elle est versée à la CCLS, le bénéficiaire préférant la recevoir en espèce. Il confie ce qui lui a été donné à un autre producteur pour la lui vendre à la CCLS, lui ne le pouvant pas». Enfin, quant aux 30% pour l'autoconsommation, le nombre est jugé excessif sachant que cela ne peut concerner que les orges et non les blés : «Dans ce chiffre, il est comptabilisé une part gardée en semence, ce qui est un non-sens. Car pourquoi un fellah, qui proclame-t-on par ailleurs est devenu conscient des enjeux d'un bon itinéraire technique, utiliserait des semences non traitées et mal conservées au lieu de les acheter. Par ailleurs, Témouchent n'est pas une zone d'élevage où l'autoconsommation atteindrait près de la moitié de la production en orge. Mais enfin, si cela était, les fellahs disposeraient-ils des capacités de stockage pour les emmagasiner ? Impossible !»