Le procédé utilisé par le ministre de l'Industrie et des Mines, Abdessalem Bouchouareb, pour engager une polémique avec le patron du groupe Cevital, Issad Rebrab, laisse pantois de nombreux observateurs de la scène nationale. Le choix du lieu, du timing et même de la terminologie pour s'en prendre à un opérateur national, l'un des rares exportateurs hors hydrocarbures, n'est pas passé inaperçu. Cela a choqué même les responsables des partis politiques qui ne partagent, pourtant, rien avec Issad Rebrab. C'est le cas du Parti des travailleurs (PT). «Il faut dire que nous n'avons aucune relation avec M. Rebrab qu'on a eu à critiquer par le passé. Mais cette manière d'agir d'un ministre de la République a choqué plus d'un. Il a profité d'une conférence avec un responsable étranger et a utilisé un média public pour s'attaquer à un opérateur national», a déclaré Ramdane Taazibt, député et membre du bureau politique du PT. Selon lui, la réaction du ministre de l'Industrie renvoie «l'image d'un pays qui marche sur la tête» et s'apparente «à un règlement de comptes». Pour notre interlocuteur, «on a l'impression que tout est permis pour certains, mais pas pour d'autres». «Nous au PT, cela fait longtemps que nous demandons d'ouvrir sérieusement le dossier de la surfacturation. Il faut que cela concerne tout le monde. Au moins 15 milliards de dollars sont transférés illégalement avec de la surfacturation», dénonce-t-il, affirmant qu'«il y a une sorte de deux poids, deux mesures» dans cette affaire. Ramdane Taazibt enchaîne avec une série d'interrogations suscitant encore des doutes sur les objectifs de cette attaque contre le patron de Cevital. «Quelle image veut-on donner de ce pays ? Qui est dérangé par le fait que ce groupe exporte à l'étranger une production nationale de qualité ?» demande-t-il, relevant le silence du gouvernement sur la question des licences d'importation et ses tergiversations. «Avec tout cela, on ne peut pas croire qu'on veut protéger l'économie nationale», ajoute-t-il. «Attaques gratuites» Le chargé de communication du RCD, Atmane Mazouz, lui aussi, ne mâche pas ses mots pour dénoncer «la réaction démesurée de Abdessalem Bouchouareb». «Nous condamnons ces attaques gratuites contre des acteurs économiques qui ont fait leurs preuves sur le terrain et qui ont besoin d'être aidés. C'est une chasse aux sorcières contre les personnes qui disent des vérités comme Rebrab qui n'a fait que mettre le doigt là où ça fait mal», déclare-t-il. Selon lui, la réaction du ministre est un exemple du fonctionnement archaïque de l'Etat et de l'économie algérienne. «Nous sommes face à un gouvernement tribalisé, qui navigue à vue et qui n'accepte pas que des opérateurs crédibles lui rappellent des vérités», déplore-t-il. De son côté, le président du parti Jil Jadid, Soufiane Djilali, affirme qu'un ministre de la République ne doit pas exprimer des humeurs. «Il doit agir dans le cadre de la loi et selon des documents. Si M. Rebrab est dans le tort, il doit être traité dans le cadre de la loi. Sinon il n'y a pas lieu de polémiquer», lance-t-il. Le président de Jil Jadid relève, dans le même sens, l'emprise du monde des affaires sur la politique. «M. Haddad est devenu comme un Premier ministre ou un Président», regrette-t-il.