- Des associations et des militants des droits de l'homme, dont fait partie la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme (LADDH), ont annoncé l'année dernière, à l'occasion de la Journée mondiale contre la peine de mort, le lancement d'une campagne nationale pour «supprimer définitivement cette peine infamante». Il a été également convenu de lancer une coalition pour que le projet aboutisse. Qu'en est-il une année après ces déclarations ? La coalition est constituée et susceptible d'être élargie. Malheureusement nous butons, comme toutes les associations, qui tiennent à leur indépendance, sur des problèmes de logistique. On ne peut pas mener des actions (séminaires, colloques, plaidoyers par des brochures, des bulletins, des placards publicitaires, formations de militants, etc.) sans aide et sans financement. La Ligue est asphyxiée sur le plan financier. Nous fonctionnons avec des moyens de bord très limités. Cependant, nous continuons à organiser des rencontres et à travailler sur la question de l'abolition de la peine de mort et les actions à lancer sont toujours d'actualité. - L'Algérie a observé, depuis 1993, un moratoire sur les exécutions capitales. Il semblerait qu'un avant-projet de loi visant l'abolition de la peine de mort serait bloqué au niveau du ministère de la Justice. Pourquoi l'Etat algérien, qui a ratifié plusieurs conventions internationales, hésite à franchir le pas et abolir la peine ? Notre pays a effectivement adhéré au moratoire onusien sur la peine de mort depuis 1992 et, à ce titre, les dernières exécutions ont eu lieu en 1992. Paradoxalement, nos tribunaux criminels et depuis la date indiquée continuent à prononcer des condamnations à mort. Nous sommes donc un pays abolitionniste de fait et la logique veut que les 23 ans de gel aboutissent à la proclamation de l'abrogation de la peine de mort. Il est temps que notre pays ratifie le deuxième protocole facultatif sur la peine de mort pour devenir un pays abolitionniste de jure. - Le «droit de l'hommiste» du pouvoir, Me Farouk Ksentini, président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme (Cncppdh), affirme être un fervent abolitionniste. Dans une déclaration datant de 2009, l'organisme qu'il préside espère voir le législateur national, qui a déjà eu l'occasion de le faire motu proprio, décider de la suppression de la peine de mort dans tous les cas, autres que celui de l'homicide volontaire prémédité. Que pensez-vous d'une telle proposition considérée par son initiateur comme un «compromis» ? Les statistiques à l'échelle internationale montrent que dans les pays qui ont aboli la peine de mort, la criminalité n'a pas augmenté et que dans les pays qui l'ont maintenue et qui exécutent les condamnés à mort, la criminalité n'a pas diminué, au contraire dans certains pays non abolitionnistes elle a même augmenté. Le maintien de la peine de mort n'est pas dissuasif par rapport à la criminalité, alors il ne constitue pas un argument sérieux. Ceux qui sont toujours exécutés appartiennent aux démunis, les pauvres, ceux que la vie a laissés en marge de la société et les plus vulnérables. La peine de mort ne touche pas les plus puissants, ils ont les moyens d'en échapper ! Je voudrais aussi préciser que l'abrogation de la peine de mort ne signifie guère l'impunité des auteurs de crimes mais simplement substituer à la peine de mort des peines alternatives comme la prison à vie. - L'argument religieux est toujours évoqué pour rejeter le discours abolitionniste. Pensez-vous que la société soit «prête» à accepter l'abolition de cette peine lorsque l'on se rappelle les appels au meurtre prononcés après les faits divers sanglants signalés ces dernières mois (meurtres et disparitions d'enfants, homicides, viols, terrorisme, etc.) ? Nous sommes sur un terrain juridico-politique et non religieux. L'Algérie a ratifié les conventions internationales relatives aux droits de l'homme, notamment le pacte international relatif aux droits civils et politiques qui consacre le droit à la vie, le bannissement de la torture et les traitements inhumains et dégradants. Je dois juste préciser que trois pays musulmans ont déjà aboli la peine de mort, notamment la Turquie. La peine de mort est un traitement inhumain, dégradant et la tendance mondiale va dans le sens de son abolition.