Le Centre de documentation en droits de l'Homme (CDDH) de Béjaïa a organisé, hier, un débat sur la Journée mondiale contre la peine de mort. Dans le cadre de cette célébration, prévue normalement le 10 octobre, les membres du CDDH ont décidé de faire le point sur cette question, apprécier les progrès réalisés et les défis de demain. Durant son intervention, le vice-président de la Ligue, Saïd Salhi, a, d'emblée, rappelé que bien que l'Algérie ait eu le courage en 2007 d'assister à la rencontre des Nations unies et signé le moratoire sur la peine de mort, en vue de son abolition universelle future, force est de constater que l'abolition de la peine de mort n'est pas effective. "Il est vrai, a-t-il reconnu, que depuis 1993, aucune exécution n'a eu lieu. Seulement, les condamnés à mort — dont certains sont âgés de 90 ans et plus — sont toujours groupés dans les couloirs de la mort. Nous recevons des membres de leur famille. S'ils sont condamnés à mort, qu'on les exécute et qu'on en finisse. Nous n'avons pas le droit de les laisser mourir à petit feu. Si l'on veut rendre effective l'abolition de la peine de mort, qu'on leur change de régime, qu'on les fasse bénéficier, si j'ose parler ainsi, du statut de la réclusion criminelle. Leur famille réclament la grâce présidentielle vu leur âge et le fait qu'ils n'aient pas les mains tachées de sang." L'Algérie, qui a été à l'avant-garde bien avant des pays comme le Maroc ou la Tunisie, rechigne à signer le deuxième protocole se rapportant au pacte international relatif aux droits civils et politiques visant à abolir la peine de mort, adopté par l'Assemblée générale de l'ONU le 15 décembre 1989. Au niveau de la Laddh, "nous plaidons pour la ratification de ce protocole et l'abolition de la peine de mort dans la loi (le code pénal, ndlr)". L'enseignant en droit international, M. Chiter, a confirmé que l'Algérie fait partie des pays abolitionnistes dans les faits, mais pas dans la loi. Dans le monde, quelque 70% des pays — plus de 140 — sont engagés dans la lutte contre la peine de mort ; une vingtaine pratique la peine de mort. C'est le cas de la Chine, de l'Iran, de l'Arabie saoudite, mais aussi des Etats-Unis d'Amérique. Au pays de l'Oncle Sam, bien que la peine de mort ne soit pas un instrument utile pour la lutte contre la criminalité, certains Etats continuent de la pratiquer. Pourtant, les statistiques démontrent clairement qu'en dépit des exécutions, les Etats en question connaissent des taux toujours élevés en matière de criminalité. A contrario, celle-ci baisserait nettement dans les Etats abolitionnistes. Durant les débats, beaucoup ont relevé le fait que si l'Algérie hésite encore à abolir la peine de mort, c'est aussi pour des considérations de politique interne. Même si le pouvoir politique voudrait aller dans le sens de l'histoire, les partis islamistes réclament le kissas, cette sentence appliquée pour les peines de crime, selon la loi du Talion : "œil pour œil, dent pour dent." Plus encore, notre élite n'a pas à l'avant-garde des intellectuels aussi déterminés qu'un Victor Hugo, un Albert Camus ou un Robert Badinter. M. O.