Il est important que le gouvernement comprenne qu'il est préférable d'avoir une politique rigoureuse aujourd'hui plutôt que de faire à l'avenir une politique d'austérité. C'est en substance l'avis de l'économiste Yassine Benadda, qui réagissait à la situation du pays induite pas la baisse brutale des cours du pétrole. Selon lui, "la baisse des cours et le besoin de financement de la diversification nous obligent dès à présent à réduire l'orientation budgétaire expansionniste actuelle à travers la baisse des transferts sociaux, le gel des dépenses de l'Etat, la maîtrise de la masse salariale, l'amélioration dans la gestion des dépenses courantes et la limitation des investissements". Les dépenses d'équipements à hauteur de 50 Mds$ ont progressé de 12 Mds$ par rapport à la LF de 2014. Aujourd'hui, estime-t-il, le montant de l'investissement incompressible est de 20 Mds$. Il préconise que "le montant restant doit être revu sensiblement à la baisse, en décalant dans le temps des projets moins prioritaires comme l'autoroute des Hauts-Plateaux, l'extension de l'aéroport d'Alger, etc. Ou en revoyant le dimensionnement de certains projets". De plus, l'Etat doit transférer des activités non stratégiques et non rentables du secteur public vers le secteur privé : "Cela permettra non seulement d'apporter des recettes nouvelles, mais surtout de baisser le déficit du trésor." Concernant les transferts sociaux directs et indirects qui représentent 30% du PIB (60 Mds$), l'économiste plaide pour l'adoption d'une "approche méthodique et graduelle qui consiste à augmenter en priorité les prix de l'énergie et de l'eau. Tout en maintenant la solidarité nationale au travers d'un tarif social pour l'électricité, le gaz et l'eau. En ce qui concerne les carburants, le GNC/GPL une solution plus économique selon les spécialités. Ces mesures pourraient apporter une économie de 5 à 6 Mds$, sans pour autant créer des déséquilibres sociaux". Concernant le volet des recettes, la fiscalité non pétrolière qui représente uniquement 30 Mds$, subit selon lui les effets de la présence du marché informel qui est estimé à 50% du PIB, soit environ 100 Mds$. C'est donc dans l'intérêt des pouvoirs publics de réduire la part de l'informel afin de générer des ressources fiscales nouvelles. La faiblesse de cette fiscalité non pétrolière est due aussi à "l'insuffisance des instruments de gestion et de contrôle fiscal plus efficients, pour mieux détecter la fraude et améliorer le taux de recouvrement qui est officiellement de 25%. Ce taux doit au moins doubler". Par ailleurs, Yassine Benadda estime que "la création d'un fonds souverain pourrait jouer un rôle majeur dans le développement industriel de l'Algérie". En effet, l'Algérie a choisi pendant trop longtemps de transformer des réserves non renouvelables (hydrocarbures) en réserves volatiles (réserve de devises). Ceci simplement pour les placer en dette publique américaine, avec un rendement à 3%, ou en dette allemande à 1,5%, soit en dessous du taux d'inflation mondial. "Placer l'ensemble de nos réserves dans le marché obligataire est regrettable", déplore-t-il. Afin d'assurer leur propre développement, plusieurs pays ont profité de la crise comme une opportunité pour prendre le contrôle d'entreprises étrangères stratégiques. "Aujourd'hui notre pays peine à trouver les technologies ou les financements afin de diversifier son économie. Compte tenu de la conjoncture économique, il est évident que la création d'un fonds souverain devient une urgence", conclut-il. S. S.